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Marchés financiers

Actualités des marchés – février 2022

Dans la nuit du 23 au 24 février, la Russie a lancé son armée à l’assaut de l’Ukraine, après avoir affirmé à de nombreuses reprises qu’elle n’attaquerait jamais son voisin. L’objectif du président Poutine semble être de renverser le gouvernement ukrainien pour le remplacer par des dirigeants pro-russes et ainsi prévenir définitivement tout rapprochement entre l’Ukraine et l’Otan. Cet évènement déstabilisant nous renvoie à notre impréparation en matière de défense et à notre dépendance énergétique à l’égard d’un pays qui n’est pas notre allié. Aussi, les craintes face à la remontée des taux qui avaient impacté les marchés en début d’année sont momentanément reléguées au second plan. La Russie ne représente qu’une faible part des exportations européennes, mais elle est notre premier fournisseur en gaz et elle nous approvisionne aussi sur quelques autres matières premières et produits de base. A l’heure où nous sommes confrontés à une inflation élevée, une hausse supplémentaire du prix de l’énergie est donc particulièrement malvenue, réduisant potentiellement notre croissance en augmentant nos coûts. C’est par ce biais que notre économie pourrait être lourdement impactée ; il s’agit donc pour les dirigeants occidentaux de s’accorder sur des sanctions en espérant continuer à recevoir le gaz russe.

Les sanctions annoncées par l’Europe, les Etats-Unis et le reste du monde sont déjà lourdes et viendront peser durablement sur la croissance russe. Il y a lieu de distinguer d’une part les sanctions financières qui viennent exclure une partie des banques russes du système de règlement international Swift (mais pas toutes, car l’Europe souhaite pouvoir continuer à payer ses importations de gaz) et qui gèlent une partie des avoirs de la banque centrale russe et, d’autre part, des sanctions individuelles visant Poutine et quelques dirigeants qui lui sont proches, ainsi que des sanctions économiques diverses telles que l’interdiction de transferts technologiques ou les exclusions de l’espace aérien. Il s’agit ici d’étouffer l’économie russe en réduisant sa capacité à se financer, à accéder aux marchés internationaux et à accroître sa productivité. La banque de Russie a dû faire passer ses taux directeurs de 10% à 20% dans un mouvement désespéré pour soutenir le rouble, sans grands résultats. Dans ce contexte où l’approvisionnement en énergie est incertain, l’Iran pourrait venir nous aider à rééquilibrer le marché mondial du pétrole alors que le royaume saoudien ne semble pas enclin à augmenter sa production. Cette solution qui passerait par un accord politique sur le nucléaire iranien participe de l’ironie de l’histoire puisque elle viendrait affaiblir le pouvoir de négociation des Russes qui avaient soutenu l’Iran lors de ses longues années d’isolement diplomatique et commercial.

Cette crise géopolitique est d’autant plus délicate qu’elle survient au début de la phase de transition des politiques monétaires de la Fed et de la BCE. Elle complique encore un peu plus la décision des banquiers centraux et pourrait, en fonction de ses développements, limiter dans leur ampleur les hausses de taux prévues ces prochains mois. Rappelons que les gigantesques plans de relance financés par les banques centrales alors que l’appareil productif subissant de nombreuses perturbations liées à la crise sanitaire se sont traduits par une envolée de l’inflation. Le Comité de mars 2022 de la Fed devrait marquer le début d’une longue série de hausse de ses taux directeurs avec un premier mouvement probable de 25 points de base. En dépit de la Russie et de l’inflation, la croissance mondiale devrait s’élever à 4.4% en 2022 selon le FMI, les pays avancés progressant de 3.9% et les pays émergents de 4.8% (prévisions de janvier 2022). Le FMI attend donc un niveau de croissance élevé, en particulier pour l’Europe, prévisions évidemment plus incertaines dans un environnement de flambée des prix des matières premières.  L’activité va cependant profiter de la fin des mesures de confinement  les dernières publications d’indicateurs indiquant un rythme de croissance soutenu, en grande partie grâce à la reprise dans les services.

En Chine où les indicateurs sont moins bien orientés même s’ils se stabilisent, le Ministre des Finances, Liu Kun, a annoncé des baisses d’impôts pour 2022 et des financements aux collectivités locales, ces mesures venant accompagner les baisses de taux déjà mises en place par la banque centrale chinoise. La première source d’inquiétude de l’Empire du Milieu porte sur la politique de dégonflement de la bulle immobilière et son impact dépressif sur l’activité. Les prix de l’immobilier chinois sont toujours à des niveaux très élevés par rapport aux revenus des ménages. Cette situation liée à la hausse spectaculaire des prix depuis le début des années 2000 dans les grandes villes de l’est constitue à la fois un problème social (source d’inégalité et d’appauvrissement) et économique (bulle immobilière potentiellement déstabilisatrice). Cette situation explique les efforts du gouvernement chinois pour assainir progressivement ce secteur quitte à ralentir la croissance économique du pays et dont les dirigeants répètent que « les maisons sont faites pour y résider, non pour spéculer ».

LES MARCHES

Les marchés financiers ont été particulièrement volatiles avec des mouvements impressionnants, parfois en l’espace de quelques heures. La chute du rouble et des actions russes témoigne à la fois de la surprise causée par Poutine lorsque son armée a envahi l’Ukraine et de l’impact des sanctions occidentales, rendant in fine les actifs russes ininvestissables. Ceux-ci pourraient d’ailleurs être exclus des principaux indices. Au cours du mois de février, ce sont les secteurs européens des produits de base (+8.51%), des services collectifs (+1.92%) et de l’énergie (+0.76%) qui se sont le mieux comportés au sein du Stoxx 600 (- 3.36%) tandis que la distribution (-10.33%), les banques (-9.30%) et l’assurance (-7.81%) baissaient fortement. Les prix du gaz (+19%), du pétrole (+14%), des métaux et des produits agricoles se sont significativement renchéris au cours de ces quatre dernières semaines. Cette hausse impactera défavorablement les pays émergents importateurs de blé ou d’énergie (Egypte, Turquie, Bangladesh, Indonésie, Inde et Pakistan).

Historiquement et pour peu qu’il soit possible de supporter une forte variation des cours pendant quelques mois, il est le plus souvent judicieux d’acheter au son du canon. Tout semble tenir ici à l’évolution future du prix de l’énergie qui est déjà, en temps normal, très difficile à prévoir. Il semble cependant qu’il faudrait que les prix du gaz et du baril de pétrole augmentent encore beaucoup plus pour nous conduire à une récession. Au regard du niveau de valorisation des marchés actions, la prime de risque (qui mesure la valorisation relative des actions par rapport aux obligations) est à un niveau très confortable en Europe et en Asie et ce, alors que les bénéfices prévus pour 2022 devraient progresser. Les multiples de valorisation sont maintenant revenus à leur moyenne de long terme, parfois moins. Seuls les Etats-Unis continuent de montrer une prime de risque et des ratios cours sur bénéfices qui laissent peu de place aux déceptions, même si ceux-ci se sont largement dégonflés et que le continent nord-américain, grand producteur de pétrole, est moins vulnérable que l’Europe à la hausse du prix de l’énergie.

Pour ce qui concerne les actions des pays émergents, nous demeurons réservés sur le marché indien, pays grand importateur d’énergie. A la marge, les obligations privées en euro reprennent de l’interet par rapport aux obligations indexées sur l’inflation. Cela suppose que nous sommes proches du pic d’inflation et que celle-ci sera moins forte à la fin de l’année en cours.

Sources principales : Banque de France, Federal Reserve, FMI, OCDE, BIS, BEA, BCE, BOJ, BOC, Bloomberg, CGPConseil, Reuter, Facset, Financial Times, Agence Internationale de l’Energie, OMC, INSEE, Euler Hermès, Coface, MIT, ISTAT.

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