Retour sur les marchés – avril 2025

L’application de droits de douane aux États-Unis à un niveau jamais vu depuis un siècle, et les mesures de rétorsion qui en découleront se traduisent déjà par une forte baisse des indicateurs de confiance des ménages et des entreprises. Les économistes revoient à la baisse leurs anticipations de croissance pour 2025 tandis que le FMI vient de rabaisser sa prévision de croissance mondiale de 3,2% à 2.8% pour l’année en cours.

Inutile d’insister sur le fait que tout le monde navigue à vue, partagé entre les annonces du 2 avril du président Trump qui pourraient conduire à une récession, et les différentes déclarations égrenées depuis, laissant présager des taxes douanières finalement beaucoup plus basses.

Le souci est qu’en attendant, les décisions d’investissement sont à l’arrêt et qu’une baisse généralisée de la confiance des agents économiques peut suffire à provoquer une contraction de l’activité.

Ralentissement sensible de l’économie américaine

Les prévisions du FMI anticipent un ralentissement de la croissance réelle tout en demeurant relativement optimistes. A moins que les nombreuses taxes douanières annoncées soient annulées, l’ajustement de ces prévisions se fera probablement à la baisse.

Le Livre Beige de la Fed décrivant l’évolution de l’activité aux États-Unis et publié le 23 avril 2025, décrit un ralentissement de l’activité et une nette dégradation des perspectives de croissance aux États-Unis pour ces prochains mois. A noter, le rebond des ventes d’automobiles, qui sont en réalité des achats anticipés, le consommateur américain prévoyant des hausses de prix.

Pour l’instant, le marché du travail demeure ferme. L’inquiétude générale semble logique vu l’ampleur du choc : les droits de douane annoncés le 2 avril correspondent à un taux effectif sur les importations de 23% contre 2,3% fin 2024. Des négociations commerciales fructueuses entre les États-Unis et ses partenaires commerciaux aboutiront probablement à un taux beaucoup plus bas mais tout en demeurant supérieur à celui des années précédentes.

Cette dégradation aura un impact sur la consommation, les marges des entreprises et l’inflation (en étant a priori inflationniste pour les États-Unis et déflationniste pour le reste du monde).

A moins de vouloir cesser tout commerce avec la Chine, le niveau de taxation annoncé devrait considérablement baisser et voir son assiette réduite par le biais d’exemptions sur des secteurs importants pour l’économique américaine (l’électronique par exemple). Un taux effectif des taxes douanières ramené à 16% correspondrait à une taxe sur les entreprises et les ménages de 1,6% du PIB selon les économistes de JP Morgan. Dès lors, la première cause des avertissements sur résultats des entreprises, lors des dernières publications, a été la hausse des tarifs douaniers, selon les commentaires de leurs dirigeants.

Casse-tête réglementaire pour les industriels

La complexité de la situation est à la fois liée à l’instabilité des mesures avancées par l’administration américaine et à ses difficultés d’application ainsi qu’à l’ajout d’exemptions multiples qui accompagnent les négociations avec les industriels. Le chaos qui en résulte souligne l’impréparation du gouvernement américain qui repousse l’application des taxes annoncées afin de se donner du temps pour négocier avec ses partenaires et pour les adapter à la réalité économique. Il en résulte un niveau d’incertitude extrême qui est à peu près l’inverse de l’objectif habituel des gouvernements. Bien évidemment, l’impact sur les différents secteurs est très inégal ce qui explique les modifications incessantes du cadre réglementaire cherchant à ajuster la politique commerciale américaine à une réalité complexe.

Ainsi, dans le secteur automobile très impacté par les nouvelles taxes douanières, les industriels américains ont plaidé leur cause auprès de l’administration expliquant qu’ils utilisaient beaucoup de composants importés, en particulier du Mexique. Alors que des taxes sur les pièces automobiles devraient être appliquées à partir du 3 mai 2025 à hauteur de 25%, selon des commentaires non officiels, les industriels américains seraient finalement remboursés de ces taxes supplémentaires. Ces remboursements déclineraient cependant avec le temps afin d’inciter les industriels à augmenter la part locale de leur production.

Risques de pénuries

Dans le secteur de la distribution, plusieurs dirigeants ont alerté les autorités sur un risque de pénurie d’ici à quelques semaines si les taxes annoncées étaient maintenues en l’état. Pour l’instant, la pharmacie a été épargnée, même si elle a été mentionnée comme devant faire l’objet d’une imposition spécifique, ce qui explique le recul prononcé des valeurs de santé sur les marchés financiers. L’application d’une augmentation des taxes douanières à chacun des grands acteurs de ce secteur sera supportée par une réduction des marges des entreprises et par les consommateurs. La possibilité de développer sur place des centres de production semble une solution logique mais demande habituellement plusieurs années pour être mise en place (autorisations administratives, constructions, mises en production…) avec à la clef, des coûts de production plus élevés.

Personne ne sait si les républicains conserveront leur majorité lors des prochaines élections de mi-mandat du 3 novembre 2026. En d’autres termes, il est demandé aux industriels de fournir des efforts considérables pour s’adapter à un environnement qui changera peut-être brutalement dans quelques mois. Par ailleurs, les négociations commerciales sont habituellement très longues car particulièrement complexes, ce qui incite à une certaine prudence quant à la capacité de voir les États-Unis conclurent des accords bilatéraux ces prochaines semaines, même si nécessité fait loi.

Les marchés

Le rebond du marché a accompagné les différentes déclarations de l’administration Trump venant limiter l’impact des taxes douanières annoncées en début de mois. Le niveau d’incertitude demeure cependant anormalement élevé. Une certaine désaffection pour les actifs américains a pesé sur le dollar dont la baisse accompagne logiquement l’anticipation de ralentissement de l’activité.

Des anticipations d’inflation qui demeurent trop fortes et une augmentation des volumes d’émissions d’obligations souveraines expliquent probablement le fait que le taux à 10 ans américain se maintient à ce niveau, ce qui est inhabituel si l’on considère l’augmentation du risque de récession.

Les violentes phases de baisse et de rebond des actions américaines correspondent respectivement à la polarisation des investisseurs sur le risque croissant d’une récession puis sur l’espoir de voir des négociations commerciales aboutir. Les dernières déclarations du gouvernement Trump vont plutôt dans ce sens, ce qui permettrait d’écarter le scénario du pire, à savoir une forte récession. L’activité ralentit cependant, et il est difficile d’y voir clair, sachant que le S&P500 traite toujours à 20 fois
des résultats anticipés pour 2025, qui commencent à peine à être revus à la baisse.

Le principal risque est maintenant la dégradation progressive des données sur la consommation et l’emploi outre-Atlantique, à moins que Trump ne revienne rapidement sur l’essentiel de ses nouvelles taxes douanières. Le scénario central prévoit un ralentissement de la croissance mondiale, ce qui milite pour un positionnement modéré. Il est difficile de savoir, dans l’hypothèse d’un ralentissement limité, si les marchés réagiront d’abord aux avancées sur les négociations commerciales ou s’ils seront plus sensibles à la dégradation probable des indicateurs économiques. Celle-ci pourrait en effet être perçue comme transitoire. Historiquement, une récession aux États-Unis a toujours été accompagnée par une baisse plus forte des actions européennes que des actions américaines, moins cycliques. Le plan d’investissement allemand et
les niveaux de valorisations plus modérés en Europe pourraient changer la donne.

Sources principales : Banque de France, CGPConseils, Federal Reserve, FMI, OCDE, BIS, BEA, BCE, BOJ, BOC, Bloomberg, Reuter, Facset, Financial Times, Agence Internationale de l’Energie, OMC, INSEE, Euler Hermès, Coface, MIT, ISTAT.

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