Retour sur les marchés – mai 2025

Pour le moment, l’économie réelle, contrairement aux indices de confiance, n’a que peu réagi au chaos tarifaire. Les prévisions de croissance étant très dépendantes du niveau final des taxes douanières qui seront effectivement mises en place par le gouvernement du président Trump, et des mesures de rétorsion qui ne manqueront pas d’être prises par les partenaires commerciaux des États-Unis, tout le monde navigue à vue, avec cependant l’espoir de déboucher sur une situation bien meilleure que celle décrite par le président Trump lors de son discours du 2 avril 2025. Ce scénario est très nettement celui qui a été adopté par les grandes bourses mondiales. 

Alors que la réorganisation du commerce international n’est pas encore achevée, Trump doit maintenant traiter la question fiscale. 

Négociations sur le commerce international : la désescalade

Depuis plusieurs semaines, l’évolution des négociations sur le commerce international est marquée par une désescalade importante. 

Lors des annonces du Liberation Day, le niveau exorbitant des taxes douanières annoncées atteignait 145 % pour la Chine et environ 25 % pour le reste du monde. Ces annonces, surprenant tous les économistes et les investisseurs, avaient fait bondir les anticipations de récession, tandis que les tarifs prohibitifs annoncés à l’encontre de la Chine correspondaient à un embargo de fait. 

Depuis, le discours du président américain s’est beaucoup adouci. Le risque de contraction de l’économie s’est logiquement réduit, tout en demeurant à un niveau supérieur à la normale. Compte tenu des exemptions et suspensions en cours, le tarif douanier est susceptible d’aboutir in fine à un niveau de 15 % environ contre moins de 3 % en décembre dernier. Cela nous placerait à un niveau proche de celui de 1930, mais avec un commerce international bien plus important qu’il y a un siècle. Les effets de ces taxes douanières sur l’économie américaine dépendent entre autres, de l’hypothèse de l’élasticité à l’évolution des prix des volumes des importations. Ainsi, si  par exemple pour une élasticité de 1,5, une augmentation des taxes de 12 % déboucherait sur une réduction des importations de 18 % ! Ce calcul est très grossier parce qu’il faudra tenir compte des effets de substitution et des exemptions. Les économistes s’accordent quasi unanimement pour prédire plus d’inflation et moins de croissance, en particulier pour les États-Unis, dans des proportions qui varient au fil des décisions du président américain. 

Pour illustrer le chaos ambiant, le 23 mai, Trump menaçait l’Union Européenne de tarifs douaniers de 50 % à partir du 1er juin 2025, date finalement reportée au 9 juillet 2025. Le 28 mai 2025, un tribunal fédéral a bloqué la tentative du président Trump d’imposer des tarifs douaniers généralisés, en invoquant les pouvoirs d’urgence, jugeant que de telles actions dépassaient l’autorité présidentielle. Trump pourra cependant faire appel de la décision ou tenter de la contourner en invoquant, par exemple, la section 301 de la loi sur le commerce (Trade Act) de 1974 qui autorise le président à prendre toutes les mesures appropriées, non seulement des mesures de rétorsion tarifaires mais aussi non tarifaires, pour lutter contre tout acte politique ou pratique déloyale d’un gouvernement étranger pesant sur le commerce des États-Unis. Dans ce cas, il faudrait à Trump de nombreux mois pour arriver à ses fins tandis que les élections de mi-mandat de novembre 2026 se rapprochent rapidement. 

L’excédent de la balance commerciale de l’Union Européenne avec les États-Unis représente 1 % de son PIB et provient principalement de l’Allemagne, de l’Italie et de l’Irlande. Pour ce dernier pays, l’excédent est directement lié à la présence des multinationales américaines sur son sol, pour des raisons d’optimisation fiscale, en particulier dans le secteur de la technologie et de la santé. Cela n’a donc pas grand-chose à voir avec la puissance exportatrice de l’industrie irlandaise. Enfin, le solde du commerce de l’Union Européenne avec les États-Unis n’est que très légèrement excédentaire, si l’on inclut les services. C’est avec la Chine que le commerce des États-Unis, mais aussi de l’Europe est déséquilibré. 

One Big Beautiful Bill

Le traitement de la question fiscale requiert le soutien du Congrès. 

La Chambre des Représentants vient d’adopter de justesse le projet de loi « One Big Beautiful Bill » soutenu par le président Donald Trump. Ce texte vise à prolonger et élargir les réductions d’impôts de 2017, incluant des exonérations pour les pourboires et les heures supplémentaires, ainsi que des augmentations du crédit d’impôt pour les familles nombreuses. Il prévoit également des réductions significatives des dépenses sociales, notamment dans les programmes Medicaid et Medicare. Le projet de loi est actuellement en cours d’examen au Sénat où il pourrait être modifié, avant une éventuelle adoption finale. Un grand plan de baisse des impôts faisait partie du programme électoral de Trump. Toutefois, la dette fédérale est élevée, le déficit budgétaire demeure à un niveau anormal et les taux d’intérêt se sont tendus, l’ensemble aboutissant à des projections de la trajectoire de la dette qui se sont dégradées. 

La situation budgétaire est beaucoup plus tendue qu’en 2017, lors du premier mandat de Trump. À l’époque, le déficit du budget fédéral était de 3 % et la dette nette de 75 % du PIB. Aujourd’hui, ces chiffres sont respectivement de 7 % et 96 %. Le niveau des taux d’intérêt à long terme est passé de moins de 2,5 % en 2017 à 4,5 % aujourd’hui. Le service de la dette absorbe ainsi plus de 3 % du PIB et cela va empirer. Moody’s vient d’ailleurs de dégrader la note de crédit des États-Unis. 

Il est primordial que les autorités américaines répondent à l’inquiétude croissante des investisseurs sur ce sujet car, s’ils ne le font pas, l’augmentation de la prime demandée pour acheter la dette souveraine américaine rendra la situation de plus en plus difficile pour le trésor américain. 

L’essor de l’IA se confirme, porté par une accessibilité économique grandissante

Alors que Nvidia vient de publier ses derniers résultats trimestriels et que sa direction est toujours confiante quant à ses perspectives de croissance, le coût de l’I.A. s’effondre. Ainsi, le montant à débourser pour générer une réponse avec Chat GPT 3.5 a été divisé par 280 en deux ans, de fin 2022 à fin 2024. Cela transforme l’IA d’un outil de luxe à un outil de masse. La chute spectaculaire des coûts d’utilisation de l’intelligence artificielle rend possible son adaptation généralisée dans tous les secteurs. C’est un changement technologique majeur, comparable à ce qu’a été la démocratisation du smartphone ou de l’informatique. 

Cet effondrement du coût va permettre une multiplication des applications utilisant l’IA et donc sa diffusion dans la société. Des milliers de petits entrepreneurs vont pouvoir accéder à un nouvel outil de développement. C’est à ce stade qu’un impact sur la productivité peut être attendu. Si ce coût a autant baissé, ce n’est pas seulement parce que les modèles sont rapidement déclassés, même si cela joue un peu, mais parce que les infrastructures sont mieux optimisées (amélioration des puces GPUs/TPUs, des architectures et des logiciels, de l’efficacité énergétique) et parce que les exploitants ont la volonté de réduire les prix de vente afin d’étendre leur marché final tandis que la pression concurrentielle s’accroît sensiblement. Ces dix-huit derniers mois ont également été marqués par la montée en puissance des acteurs chinois avec un rattrapage étonnant de la performance de leurs modèles. 

Marchés

Les actions ont poursuivi leur rebond au cours du mois de mai avec en vedette les valeurs moyennes et l’industrie en Europe ainsi que la technologie aux États-Unis. Le dollar était quasiment stable par rapport à l’euro tandis que le taux américain à 10 ans progressait de 4,20 % à 4,41 %, ce qui contraste avec les anticipations de ralentissement de l’activité aux États-Unis. 

Les investisseurs ont clairement tranché en faveur d’un scénario favorable : la croissance économique va se poursuivre avec un ralentissement en 2025 et un rebond en 2026. Les négociations commerciales vont finalement aboutir à des tarifs douaniers « raisonnables » ne provoquant pas une récession aux États-Unis qui bénéficient d’une dynamique économique forte. 

Les actions américaines reviennent à des niveaux de valorisation élevés (21 fois les bénéfices attendus à 12 mois pour le S&P 500) en dépit d’une dynamique des résultats en perte de vitesse et de taux longs qui ont monté. La reprise en Europe semble à nouveau être différée en attendant les effets du plan d’investissement allemand. 

La dette privée en zone euro n’est pas non plus particulièrement attrayante, avec des spreads de crédit un petit peu faibles, anticipant sans doute un assouplissement de la politique monétaire de la BCE. Dans ce contexte, les plus agiles semblent tenter de réduire un peu le risque de leur portefeuille, dans une optique de très court terme.

Sources principales : Banque de France, Federal Reserve, FMI, OCDE, BIS, BEA, BCE, BOJ, BOC, Bloomberg, Reuter, CGPConseils, Facset, Financial Times, Agence Internationale de l’Energie, OMC, INSEE, Euler Hermès, Coface, MIT, ISTAT. 

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