Les investisseurs demeurent confrontés d’une part à une forte inflation et, d’autre part, à un ralentissement de la croissance qui pourrait conduire à une récession.
En Chine, la chute du nombre de cas de Covid-19 autorise un retour progressif à la vie normale à Shanghai, même si les écoles et les universités restent fermées. Les autorités auront donc réussi à contrôler la pandémie au prix de mesures de confinement très strictes qui ont eu un lourd impact sur l’activité. La production industrielle et les ventes au détail se sont ainsi contractées de respectivement 2.9% et 11.1% en avril dernier, tandis que le chômage progressait sensiblement. La politique du zérocovid reste d’actualité, laissant planer le risque de nouveaux confinements.
La majorité des économistes continuent de revoir à la baisse leurs prévisions de croissance pour l’année en cours. Elles s’établissent actuellement en moyenne à 4.7%, soit sensiblement en deçà des objectifs du gouvernement (+5.5%). Celui-ci accumule les mesures favorables à l’activité quitte à sacrifier pour le reste de l’année sa politique de désendettement. On notera la réduction du taux hypothécaire à 5 ans, de 4.6% à 4.45%, qui devrait soutenir un secteur immobilier en difficulté. Les perturbations sur les chaînes d’approvisionnement international, liées au confinement chinois, sont inflationnistes mais ont aussi été, dans une certaine mesure, à l’origine d’une certaine accalmie des cours des matières premières dont la Chine est un grand importateur. Il est donc à craindre qu’une politique de relance vienne renchérir le prix des matières premières minières ainsi que celui de l’énergie.
Partout dans le monde, le niveau d’inflation, très élevé, impacte fortement le pouvoir d’achat des ménages. La hausse des prix des denrées alimentaires est extrêmement préoccupante puisqu’elle touche les personnes les plus vulnérables et, en particulier, les populations des pays les plus pauvres, dépourvues de couvertures sociales. Les gouvernements, confrontés à un mécontentement croissant, tentent d’atténuer l’impact de la hausse de prix par une série de mesures. Ainsi, aux Etats-Unis, où l’inflation s’élevait à 8.3% au mois d’avril, le gouvernement Biden a utilisé une partie des réserves stratégiques de pétrole du pays pour limiter la hausse des prix des carburants tout en prenant des mesures pour soutenir le secteur agro-alimentaire, améliorer la productivité de la logistique et réduire le coût de l’assurance santé pour les familles les plus modestes. Les élections de novembre prochain s’annoncent cependant difficiles pour les démocrates.
Au Brésil, avec une inflation de 12.2%, le président Bolsonaro qui se prépare à des élections en novembre prochain, fait pression sur Pétrobras (compagnie pétrolière nationale) pour qu’elle limite ses hausses de prix tandis que les taxes sur les carburants ont été réduites. Au Mexique, avec une inflation de 7.7% en avril, le gouvernement a négocié un accord avec les grandes sociétés du secteur privé pour limiter les hausses de prix des denrées alimentaires pour les six prochains mois en échange de promesses de réduction de charges, tout en subventionnant le prix des carburants. En Inde, où l’inflation s’élevait à 7,8% en avril et où les denrées alimentaires représentent près de la moitié des dépenses des ménages, le gouvernement a réduit ses taxes sur les carburants, limité les exportations de blé et fait distribuer cinq kilogrammes de riz ou de blé à 800 millions de personnes. En France, où l’inflation atteignait 5.4% en avril, le gouvernement a prévu un budget de 25 milliards d’euros comprenant des aides directes aux ménages et aux industries les plus consommatrices d’énergie. Selon l’Insee, ces mesures réduiraient de 1.5% l’inflation dans notre pays.
Face à cette hausse généralisée des prix, les banques centrales poursuivent leur politique de resserrement monétaire dans un contexte de ralentissement économique. Elles sont donc confrontées dans leur action à un double risque : perdre leur crédibilité en laissant l’inflation s’installer durablement ou provoquer une récession. Pour l’instant, leurs discours soulignent leur volonté de traiter, tardivement en réalité, le problème de l’inflation, en indiquant que l’activité demeure, pour l’instant, soutenue. Ainsi la Banque Centrale Européenne a annoncé qu’une première hausse des taux en juillet était probable. Elle devrait être suivie par une seconde hausse en septembre prochain et une troisième à la fin de l’année. Le taux de dépôt devrait ainsi être ramené à +0.25% contre -0.50% actuellement. La Fed poursuit quant à elle sa politique de remontée de ses taux directeurs. Le marché anticipe maintenant des taux à 2.53% en décembre 2022 et à 2.78% en janvier 2024, l’essentiel du mouvement devant donc se faire ces prochains mois. La Fed va par ailleurs commencer à réduire la taille de son bilan, comme le fait déjà la Banque d’Angleterre depuis février dernier, ce qui devrait, toutes choses égales par ailleurs, exercer une pression haussière sur les taux longs. Un assagissement du prix de l’énergie serait donc le bienvenu et les Etats-Unis se font plus pressants auprès des membres de l’OPEP et en particulier de l’Arabie Saoudite, afin qu’ils augmentent plus significativement leur production. Certains sénateurs américains voudraient même remettre en cause la vieille alliance entre les deux pays qui remonte à un accord de 1945 entre le président Roosevelt et le roi Abdul-Aziz qui spécifiait que les premiers recevraient le pétrole dont ils auraient besoin tout en garantissant en échange la sécurité des seconds. Il n’est pas dans l’intérêt des Américains d’avoir un cours du pétrole trop bas, ce qui menacerait leur secteur pétrolier, ni un cours durablement élevé, ce qui affecterait le consommateur américain. Pour l’instant, la consommation des ménages américains, qui réduisent leur taux d’épargne, demeure soutenue.
LES MARCHES
Les marchés ont fortement rebondi en fin de mois, soutenus par une stabilisation du 10 ans américain aux alentours des 3% et des anticipations de hausse des taux aux Etats-Unis. A noter en parallele, l’amorce d’une baisse du dollar, le rebond des valeurs technologiques et l’effondrement du Terra USD, « stablecoin » censé offrir une parité fixe avec le dollar et qui n’aura pas mérité son nom, sa valeur passant de 100 début avril à 0.0001 au 31 mai 2022… Enfin, le prix du baril se maintient au-dessus des 110 dollars (Brent Septembre 2022), tandis que les marges de raffinage en Europe sont exceptionnellement élevées, renchérissant le prix des carburants. Nos capacités de raffinage ont en effet sensiblement diminué depuis 2019 tandis que la Russie exportait vers le vieux continent une grande quantité de produits raffinés…
A court terme, la hausse significative, bien que probablement fragile, des principaux indices boursiers ces derniers jours était attendue du fait de deux facteurs. Le premier, contingent, est lié à l’extrême pessimisme des intervenants et des positions de couvertures accumulées qui, en se débouclant à la moindre bonne nouvelle, amplifie les mouvements de rebond, ce qui ne présage d’ailleurs pas de la tendance future du marché. Le second, plus déterminant, résulte des prévisions de bénéfices qui continuent de progresser en dépit du ralentissement conjoncturel. Il semble que beaucoup de commentateurs sur les marchés confondent croissance nominale et croissance réelle. Ainsi, hors période de récession, la hausse de l’inflation doit s’accompagner d’une hausse similaire des ventes des entreprises cotées. Cette forte dynamique, même en cas de réduction modérée des marges, est difficilement compatible avec une contraction des bénéfices par actions qui est pourtant largement anticipée par les économistes et ce, d’autant plus que les salaires ne sont pas indexés sur l’indice des prix. C’est d’ailleurs ce qui explique que les actions offrent une certaine protection contre l’inflation à condition de ne pas s’exposer à des multiples élevés appelés à se contracter et ce, tant que la baisse des marges ne devient pas trop forte, ce qui serait le cas en récession. Bien entendu, au cas par cas, mieux vaudra se porter sur les entreprises capables de répercuter sur leurs prix de vente les hausses des coûts de production. Les multiples de valorisation se sont sensiblement réduits depuis le début de l’année (les marchés baissant alors que les bénéfices progressaient), apportant à l’investisseur une certaine marge de sécurité dans un environnement bien tourmenté. Le Stoxx 600 se paie ainsi 12.7 fois les bénéfices prévus à 12 mois, multiple modéré accompagné d’un rendement sur dividende de l’ordre de 3.4%.
A moyen terme, la probabilité d’occurrence d’une récession aux Etats-Unis et en Europe, à un horizon de 18 mois, continue de progresser, ce qui limite le niveau d’exposition aux actifs risqués modéré. La Chine qui offre de belles perspectives de rebond à condition que l’on veuille bien acheter quand tout va mal, c’est-à-dire avec un risque associé relativement élevé.
Sources principales : Banque de France, Federal Reserve, FMI, OCDE, BIS, BEA, BCE, BOJ, BOC, Bloomberg, Reuter, Facset, Financial Times, CGPConseils, Agence Internationale de l’Energie, OMC, INSEE, Euler Hermès, Coface, MIT, ISTAT.