Alors que le recul de l’inflation se poursuit, aidé en cela par la baisse des matières premières, la banque centrale américaine tourne maintenant son attention sur la dégradation du marché de l’emploi.
Elle vient ainsi d’annoncer une baisse de 50 points de base de ses taux directeurs lors de son dernier comité de septembre.
De nouvelles baisses de taux sont prévues ces prochains mois à un rythme soutenu.

L’activité aux États-Unis est jusqu’ici satisfaisante


La bonne tenue de la croissance est venue soutenir la thèse des investisseurs qui écartent l’hypothèse d’une contraction prochaine de l’activité aux EtatsUnis. Le débat sur l’occurrence d’une récession en 2025 continue cependant d’être un point d’attention central, les indicateurs que nous suivons montrant une certaine divergence. Normalement, lorsque le taux du chômage remonte de 3.4% (janvier 2023) à 4.2% (août 2024) tandis que la courbe des taux, longtemps inversée, redevient positive, une contraction de l’activité suit. Toutefois, le taux de chômage demeure faible en termes absolus tandis que le cycle du crédit se comporte comme si nous sortions de récession.
Le système bancaire américain desserre en effet ses conditions d’accès au crédit ce qu’il ne fait normalement pas avant une récession.


La question n’est donc pas tranchée : faut-il privilégier le niveau ou la tendance de l’emploi ? faut-il considérer la capacité à s’endetter des ménages américains ou leur taux d’épargne actuellement très bas ?
La thèse optimiste est tentante, le crédit pouvant alimenter la croissance même si cela ne peut, à ce stade, écarter un scénario moins favorable.

Les prochaines élections présidentielles américaines augmentent par ailleurs l’incertitude qui pèse sur les investisseurs. Kamala Harris avance un programme prévoyant une remontée du taux d’imposition sur les bénéfices des entreprises (de 21%
à 28%) tandis que Trump prône une augmentation des taxes douanières qui s’établiraient à 60% pour la Chine et à 10% pour le reste du monde dont l’Europe. Bien entendu, pour avoir les mains libres, le nouveau président devra disposer d’une majorité
à la Chambre des représentants et au Sénat ce qui n’est pas le scénario le plus probable pour cette élection. Pour l’instant, les pronostiqueurs misent sur l’élection de Kamala Harris ne disposant pas d’une majorité aux deux chambres législatives, avec une probabilité de l’ordre de 35%.


Même si Kamala Harris est moins dépensière que Trump, les deux candidats proposent des mesures qui augmenteront le déficit public américain. Celui-ci demeure très élevé et la dette publique américaine enfle à un rythme inédit depuis la seconde guerre mondiale. Les projections du Congrès prévoient que la dette publique devrait passer de 99% du PIB aujourd’hui à 122% en 2034, niveau jamais atteint au cours de l’histoire des Etats-Unis. Son augmentation pourrait finir par influencer sinon contraindre la politique monétaire de la Fed comme ce fut le cas de 1946 à 1948 et en 1951, années pendant lesquelles les taux d’intérêt étaient maintenus à un niveau très bas, permettant ainsi de réduire le montant de la dette en termes réels. Il y a toujours plusieurs moyens pour un état de faire défaut, l’inflation étant généralement considérée comme le plus élégant.

Mais il sera difficile pour les prochains gouvernements de réduire le déficit public en suivant une voie plus vertueuse comptetenu de sa structure fondamentalement déséquilibrée :

  • Le financement, partiel aux Etats-Unis, des retraites par répartition se heurte au vieillissement de la population
  • La politique étrangère appuyée par des interventions militaires coûte extrêmement cher
  • Les dépenses de santé en grande partie subventionnée par l’état ne cessent de croître

Sur ce dernier point, il est notable que le système de santé américain est à la fois coûteux et inefficace. Les dépenses de santé sont beaucoup plus élevées aux Etats-Unis que dans les autres pays développés alors qu’il n’y a pas de couverture sociale généralisée et que, par exemple, le taux de mortalité infantile et le taux de mortalité des mères lors des accouchements sont très supérieurs à ceux du Japon et des principaux pays européens. En dépit de ces mauvais résultats, les dépenses du secteur de la santé s’élevaient en 2021 à 17.8% du PIB contre 12.4% pour la France, 11.1% pour le Japon et 11.8% pour la Suisse. (Sources : rapport du Commonwealth Fund janvier 2023).

La Chine annonce un grand plan de relance de son économie

En Chine, les autorités, déterminées à soutenir la croissance, viennent d’annoncer une série de mesures comprenant une baisse du taux des réserves obligatoires, une baisse
du taux de rémunération des liquidités du système bancaire, l’émission de 280 milliards de dollars de dettes supplémentaires destinée à financer une relance budgétaire et l’alignement des taux hypothécaires des anciens prêts sur le taux hypothécaire actuel, soulageant plus de 50 millions de ménages. Pékin combine ainsi assouplissement monétaire et relance budgétaire afin de faire face au recul des profits dans l’industrie, à la faible consommation, au niveau de chômage élevé des jeunes et à la poursuite de
la baisse des prix de l’immobilier. Il s’agit de stabiliser le secteur de la construction, de soutenir le moral des ménages et de redonner confiance aux investisseurs sur les marchés. La Banque centrale chinoise dispose encore de marges de
manœuvre significatives pour baisser ses taux.

MARCHÉS

Le rebond des actions chinoises, a pris à contre-pied beaucoup d’institutionnels.
Dans la foulée, les minerais de fer et de cuivre, sensibles aux perspectives du secteur de la construction chinois, ont accompagné cette hausse. A l’autre bout du spectre, le Topix (actions japonaises) demeure hésitant, pénalisé par le rebond du Yen.

Trois questions demeurent.


Tout d’abord, le risque de récession apparait plus élevé qu’à la normale. Rappelons que le début d’un cycle de baisse des taux n’est favorable aux actions qui si l’activité ne se contracte pas. Dans le cas contraire, les bénéfices plongent.


Ensuite, et sans remettre en cause la baisse de ces derniers mois, l’inflation devrait demeurer un sujet préoccupant ces prochaines années. Il serait tentant, comme cela fut le cas dans le passé, d’écraser les taux d’intérêt réels et de mettre en
place une réglementation contraignante dirigeant les flux de l’épargne afin d’échapper au processus de capitalisation de la dette publique.


Enfin, en ce qui concerne la Chine, les mesures annoncées ne doivent pas faire oublier que le pays souffrirait d’une augmentation significative des tarifs douaniers sur ses exportations vers les Etats-Unis, que le problème immobilier va persister encore
plusieurs années et que les entreprises chinoises sont, semble-t-il, trop endettées. A moyen terme, il apparait que les marchés émergents sont moins valorisés que les places occidentales.

Sources principales :
Agence Internationale de l’Energie, Banque de France, BCE, BEA, BIS, Bloomberg, BOJ, BOC, Coface, CGPConseils, Euler Hermès, Facset, Federal Reserve, Financial Times, FMI, INSEE, ISTAT, MIT, OCDE, OMC, Reuter.

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