Retour sur les marchés – juin 2024

Alors que la croissance demeurait jusqu’ici bien orientée des deux côtés de l’Atlantique, plusieurs indicateurs conjoncturels annoncent un ralentissement. Ainsi, aux Etats-Unis, l’indice d’activité régionale calculé par la Fed de Chicago est en net déclin. L’évolution du marché de l’emploi confirme par ailleurs un certain essoufflement dont on ne sait pas encore s’il s’agit d’une normalisation qui s’opère à partir de niveaux de chômage très bas ou si cette dégradation est appelée à se poursuivre. Le niveau des nouvelles commandes recule également tandis que les perspectives du marché immobilier souffrent de taux hypothécaires élevés, proches de 7% pour un emprunt sur 30 ans (un ménage pouvait emprunter à un taux allant de 3% à 5% de 2010 à 2021)

Les derniers indicateurs économiques signalent un ralentissement

Dans la zone euro, les PMI (enquêtes auprès des entreprises) publiés portant sur le mois de juin ont été étonnamment mauvais avec en particulier une nouvelle dégradation de l’activité manufacturière en France et en Allemagne. Cependant, sur le moyen-terme, nos indicateurs avancés suggèrent toujours une poursuite de la croissance, même si des baisses de taux seraient les bienvenues. Les derniers chiffres d’inflation sont d’ailleurs plutôt satisfaisants et devraient progressivement conforter les grandes banques centrales dans leur intention de procéder à un desserrement progressif de leur politique monétaire , à l’exception bien sûr de la Banque du Japon.

Le nombre élevé d’élections un peu partout dans le monde nous avait invité à présenter l’année 2024 comme une année politique. A peu près partout en occident, les électeurs expriment leur insatisfaction, en dépit d’un niveau de chômage relativement bas, par des votes en faveur des partis d’opposition. En France, en Italie et en Allemagne, les électeurs confirment un virage vers la droite radicale ou souverainiste mais sans que cela modifie sensiblement les rapports de force au parlement européen où la coalition centriste demeure majoritaire. Toutefois, les résultats sont suffisants pour faire renaître une inquiétude sur le risque de fragmentation de la communauté européenne. Les partis portés par les électeurs étaient jusqu’à une période récente hostile à l’intégration européenne.

La France est un des 7 pays dont le déficit budgétaire est jugé excessif par Bruxelles

En France, les principaux partis en lice pour les élections législatives annoncent des programmes qui aggravent le déficit budgétaire alors même que notre pays se voit reprocher par la commission européenne son endettement excessif. Six autres pays sont dans le même cas, à savoir l’Italie, la Belgique, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et Malte. Tous ont normalement six mois pour se conformer à leurs obligations et prendre des mesures crédibles afin de revenir vers un déficit de 3%.

Selon l’institut Montaigne, le coût des promesses du Nouveau Front Populaire se solderait par des dépenses supplémentaires d’une trentaine de milliards d’euros, principalement par le biais du blocage des prix de biens de consommation jugés essentiels. Les programmes du Rassemblement National et d’Ensemble aboutiraient à une augmentation des dépenses d’une douzaine de milliards principalement du fait de l’indexation des retraites sur l’inflation, pour le premier, et pour ses projets de réduction d’impôts et de baisse du prix de l’électricité pour le second. Le déficit budgétaire français s’est élevé en 2023 à 173 milliards d’euros, résultat d’augmentation des dépenses associées à des ressources fiscales en baisse. On notera que, par le jeu de transferts massifs aux collectivités locales et à la sécurité sociale, l’état ne perçoit plus que 46% des recettes de la TVA. La dégradation de la trajectoire de notre dette pourrait provoquer une forte volatilité sur les marchés obligataires amenant alors notre prochain gouvernement à reconsidérer ses priorités qui de toutes façons ne sont pas compatibles avec nos engagements européens. Mais la tentation sera grande de tenter de passer outre, au moins dans un premier temps, avec une période d’incertitude à la clef.

Allons-nous connaître une nouvelle crise de l’euro ? Probablement pas. Les partis pouvant accéder au pouvoir sont officiellement partisans d’un maintien de l’euro, ce qui rend d’ailleurs difficile l’application de leur programme. Par ailleurs, les autorités monétaires européennes disposent maintenant d’une marge de manœuvre bien plus étendue qu’il y a quatorze ans pour intervenir sur les marchés et tuer dans l’œuf des dérives excessives. Une nouvelle déception des électeurs dont le vote resterait sans effet sur la politique menée, du fait des contraintes que nous avons exposées, pourrait accentuer leur radicalisation.

MARCHES

Les incertitudes politiques portant sur la France ont provoqué un décrochage du CAC 40 et une chute prononcée des banques françaises et italiennes. La prime de risque du 10 ans français par rapport à son homologue allemand est maintenant à un plus haut depuis 2017, année marquée par un possible Frexit. Cet écart OAT-Bund rejoint celui du 10 ans espagnol, ce qui ne semble pas déraisonnable alors que notre dette publique a maintenant dépassé celle de notre voisin du sud. Les attentes sont aujourd’hui telles sur tout ce qui touche au développement de l’intelligence artificielle que les risques de déception deviennent plus prégnants dans les semi-conducteurs. Micron se paie 5.5 fois son chiffre d’affaires attendu sur les 12 prochains mois contre 2.5 en moyenne sur les dernières années. Soros, dans sa description des bulles de marché, identifie ce comportement des prix comme caractéristique de la fin de la période de hausse, les investisseurs étant progressivement confrontés à la réalité et les niveaux de valorisation à la demande réelle. Les premières baisses sont cependant momentanées car beaucoup d’investisseurs pensent qu’une baisse est une occasion pour se positionner à bon compte, confiants dans la persistance d’une trajectoire exponentielle. Ce n’est que dans un troisième temps, celui de la désillusion, que la chute des cours devient spectaculaire.

Tensions géopolitiques et résultats électoraux viennent perturber le cycle financier qui normalement devrait être porteur. La meilleure réponse semble être de diversifier les portefeuilles en privilégiant les pays qui ne sont pas à risque, idéalement ceux dont l’endettement est faible et qui ne sont pas dans une situation géopolitique dangereuse. La rapide et sans doute méritée correction des actifs français sur le marché n’est pas propice à de grands changements d’orientation. Factuellement, la dérive de notre endettement ces dernières années ne milite pas pour une surpondération de notre pays au sein de l’Europe. Certes, certaines grandes entreprises peu endettées et exportatrices ne devraient pas être directement touchées. Toutefois, l’histoire montre que la dette publique et la dette privée sont des vases communicants et qu’il est toujours plus simple de se positionner dans un environnement sain. La décote de la dette souveraine française semble méritée tandis que celle du Cac40 est de l’ordre de 10% ce qui n’est pas suffisant pour devenir attrayante. Un nouveau gouvernement, même contraint, sera probablement tenté de savoir jusqu’où il peut aller avant d’être rappelé à l’ordre par les marchés. Le risque politique nous semble donc devoir perdurer au moins quelques semaines et peut-être plus, en fonction des résultats des élections.

Sources principales :
Agence Internationale de l’Energie, Banque de France, BCE, BEA, BIS, Bloomberg, BOJ, BOC, CGPConseils, Coface, Euler Hermès, Facset, Federal Reserve, Financial Times, FMI, INSEE, ISTAT, MIT, OCDE, OMC, Reuter.

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