Exonération Dutreil, délai prescription fiscale et holding animatrice

Revue de presse : FiscaOnline.com – 29.10.2021

La juriction judiciaire a rendu une décision en matière d’exonération Dutreil (Art. 787 B du CGI) intéressante à un double titre : au regard de la prescription de l’action en reprise de l’administration et au regard du caractère animateur d’une holding mixte.

Rappel des faits :

Monsieur A X est décédé, laissant pour lui succéder, aux termes de son testament fait le 03 juillet 2008, son épouse et ses enfants dont B X. La succession comporte des parts de la SAS F, non cotées.

Ses héritiers ont conclu un pacte collectif de conservation de leurs titres enregistré le 15 décembre 2008, obligeant également à la conservation des titres de la société anonyme C dans les conditions de l’article 787 B du code général des impôts, permettant l’application d’un abattement de 75 % de leur valeur pour les droits de mutation à titre gratuit et qui expirait le 31 décembre 2014.

La déclaration de succession a été déposée le 16 décembre 2008.

Le 20 décembre 2012, l’administration fiscale a proposé de redresser l’assiette des droits de mutation, par majoration de la valeur des parts sociales et par reprise de l’abattement de 75%, du motif que l’activité de la société anonyme C était de manière prépondérante, civile.

Après avis de la commission départementale de conciliation de Paris du 30 juin 2015, la valeur unitaire des parts sociales, initialement déclarée pour 4 euros, était arrêtée à 4,52 euros.

L’avis de mise en recouvrement est émis le 15 décembre 2015, pour 3.970.699 € en droits et 746.491 € de pénalités, au total 4.717.190 €.

Suite au rejet de la réclamation Mme C X, ès qualités d’amnistratrice légale de son fils mineur B X , ont par acte du 11 septembre 2017 assigné l’administration fiscale devant le TJ de Paris. Par conclusions du 04 juin 2018, B X devenu majeur est intervenu volontairement à la procédure.

Le tribunal judiciaire de Paris a 30 janvier 2020 a infirmé partiellement la décision de rejet du 10 juillet 2017 et prononcé la décharge des droits correspondant au rehaussement de la valeur vénale des titres de la SAS F.

L’administration fiscale a fait appel de la décision.

Au cas particulier :

  • les consorts X se prévalaient de la prescription de l’action en reprise de l’administration
    • S’agissant du contrôle de la valeur vénale des titres de la société F, l’administration estime que le point de départ du délai de reprise est fixé au jour de l’échéance du délai accordé pour le paiement de l’impôt, soit le 09 janvier 2009 (nonobstant le fait que la déclaration de succession ait été déposée le 16 décembre 2008). Quant au terme de la prescription, il se trouve fixé au 31 décembre de la troisième année suivant la date d’exigibilité des droits, soit le 31 décembre 2012. Partant pour l’administration la procédure de rectification engagée le 20 décembre 2012 n’est pas prescrite.
    • S’agissant du redressement relatif à la remise en cause du bénéfice de l’exonération partielle prévue à l’article 787 B du CGI l’administration fiscale soutient que la procédure de rectification engagée le 20 décembre 2012 n’est pas prescrite en raison de l’application du délai de 6 ans.

Estimant quel’administration fiscale était tenue de procéder à des investigations pour déterminer la nature commerciale ou civile de l’activité de la société C et sa qualité d’holding animatrice la Cour confirme que la prescription de 6 années trouvait à s’appliquer s’agissant de l’exonération 787 B du CGI

En revanche, s’agissant de la valeur des titres de la société F, la Cour estime que la prescription de 3 années a ainsi été acquise le 31 décembre 2011. La notification de redressement du 20 décembre 2012 est ainsi tardive.
  • les consorts X se prévalaient du fait la société C était une Holding animatrice éligible à l’exonération de 75 % prévu par l’article 787 B du CGI
    • Pour l’administration fiscale la société C exerce une activité civile prépondérante (gestion de valeurs mobilières de placement et de location d’un immeuble de bureaux) et à ce titre elle ne pouvait bénéficier de l’exonération partielle de droits de mutation prévue à l’article 787 B du CGI.

La Cour souligne que la société C exerçant une activité mixte à la fois civile et commerciale, il convient de rechercher laquelle de ces activités est prépondérante. Concernant les participations dans des filiales , seule la qualité de holding animatrice peut permettre de considérer que cette partie d’activité présente un caractère commercial.

La Cour fait valoir que :

  • la société C exerce une activité civile de location immobilière directe et indirecte par le biais d’une participation dans la société I, vendue en 2006, pour un montant de 156 512 000 €
  • au jour du décés de MM. X ces fonds n’avaient pas fait l’objet d’un quelconque investissement
  • ces liquidités ne sauraient être qualifiées de biens professionnels dés lors que les projets de renvestissement invoqués par les appelants n’ont reçu aucune concrétisation.

La simple invocation d’un projet d’investissement ne peut permettre de considérer que la trésorerie en instance d’emploi et placée dans un contrat de capitalisation devrait recevoir une qualification professionnelle.

  • la qualité de holding animatrice suppose au préalable la détention, au jour du décès de M. X de participations effectives de la société C dans des filiales
  • les simples projets non concrétisés ne permettant pas de revendiquer la qualité de holding animatrice
  • la présence d’une trésorerie disponible n’est pas suffisante en l’absence de participation effective dans des filiales.
  • les documents produits :
    • ne caractérisent aucune activité active d’animation de la filiale,
    • aucune fourniture de services à titre interne ou animation du groupe.
  • aucun autre élément ne vient caractériser une activité d’animation.

Au vu de cette situation la cour rappelle:

  • que la part des actifs de la société C pouvant être affectée à une activité industrielle ou commerciale au 30/06/2008 ne peut excéder 16,18 %
  • L’actif immobilisé éffecuté à l’activité professionnelle de la société représente 18,17% de l’actif brut total
  • Avec l’actif circulant, l’actif brut affecté à une activité commerciale représente 23,04 % de l’actif brut total

Partant la Cour confirme que la société Cne développait pas de manière prépondérante une activité éligible au règime de faveur institué par l’article 787 B du CGI.

Source : Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 4 octobre 2021, n° 20/04393

Revue de presse : FiscaOnline.com – 29.10.2021

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