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Marchés financiers

Retour sur les marchés financiers – mai 2021

Alors que les différents indicateurs économiques sont très favorablement orientés, il est probable que l’on soit déjà au pic de la dynamique de la croissance aux Etats-Unis, tandis que l’Europe devrait connaître une accélération de son activité, ces prochains mois. Les indices PMI sont à des sommets outre-Atlantique, bénéficiant de la réouverture des services. L’effet de rattrapage devrait se poursuivre encore quelque temps.

Aux Etats-Unis, républicains et démocrates continuent de négocier les grandes lignes du plan d’investissement dans les infrastructures. Les républicains proposent un montant de 928 milliards (contre 1700 milliards pour les démocrates) avec des priorités pour les routes, l’accès à internet, le traitement de l’eau et les aéroports. Mais c’est sur le financement de ce plan que l’opposition est la plus marquée. Les républicains demeurent vent debout contre une augmentation de la fiscalité ce qui pourrait différer l’adoption du projet à 2022, date à partir de laquelle une majorité simple pourrait suffire. Le taux d’imposition des sociétés proposé par l’administration Biden est de 28% alors qu’il se situe actuellement à 21%. Le taux effectif, c’est-à-dire celui qui prend bien en compte l’ensemble des impôts réellement payés par rapport à l’ensemble des bénéfices est bien plus bas. La secrétaire au Trésor, Janet Yellen, souhaite mettre fin à la baisse régulière du niveau de taxation des entreprises en promouvant un taux minimum de 15% pour les multinationales, évolution à laquelle s’opposent les paradis fiscaux tels que l’Irlande qui accueille notamment sur son territoire Alphabet (Google) et Amazon. A contrario, la France, l’Allemagne et l’Italie sont très favorables à cette proposition. L’OCDE estime à 100 milliards de dollars par an le montant qui pourrait être redistribué aux Etats si cette mesure était appliquée.

Dans un environnement économique nettement amélioré, la Fed aborde la possibilité de réduire ses achats d’actifs, s’élevant actuellement à 120 milliards par mois (« QE »), avec une extrême prudence en mentionnant « la possibilité d’un début de discussion » sur le sujet tout en insistant toujours sur le caractère transitoire du niveau d’inflation actuel (4.15% en avril). Si le resserrement monétaire devrait normalement accompagner l’amélioration de la situation sur le marché du travail, les derniers chiffres montrent que la destruction du nombre d’emplois est encore élevée par rapport à la période pré covid. Cette situation relève aussi des difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises américaines pour trouver des candidats qui semblent moins enclins à reprendre un travail mal rémunéré quand ils sont indemnisés. Le paradoxe tient au fait que si la politique monétaire très accommodante de la fed est adaptée pour soutenir l’investissement des entreprises et donc les créations d’emplois, elle est impuissante à ramener la population active vers le marché du travail. On notera que, dans le monde, plusieurs pays ont commencé à réorienter leur politique monétaire. La dynamique actuelle semble ainsi être propice à une augmentation du coût du travail aux Etats-Unis.

En Europe, le plan de relance de 750 milliards a maintenant été ratifié par tous les parlements laissant espérer un début de versement des fonds aux Etats dès cet été. Les pays du sud et de l’est en sont les grands gagnants. Les montants attribués représenteront ainsi 9.4% du PIB Italien et 10% de celui de l’Espagne contre 4.4% en moyenne pour l’ensemble des pays de la zone euro. Ce plan de soutien sera le bienvenu alors que les aides de l’état vont progressivement être retirées. La question demeure quant à l’évolution du nombre de faillites sur le vieux continent et à la capacité de survie des petites entreprises avec un bilan alourdi. En 2020, les faillites ont diminué du fait des aides publiques et ce, en dépit de la contraction de plus de 6% de l’économie. La Coface s’attend cependant à une augmentation des défaillances d’entreprises de 13% en 2021 et de 27% en 2022 par rapport à 2019.

La Chine, plus avancée que nous ne le sommes dans la phase de reprise, est à l’avant-garde d’un resserrement de sa politique monétaire. Le pays devrait connaître une croissance de l’ordre de 8% en 2021, chiffre appelé à décliner progressivement ces prochaines années. Il s’agit pour le gouvernement chinois de se préserver des effets d’un endettement excessif. A titre d’exemple, les entreprises liées à l’état chinois ne seront plus systématiquement soutenues en cas de défaut comme le découvrent les porteurs des obligations de Huarong. Par ailleurs, le nombre de naissances par femme est tombé à 1.3 en 2020, niveau très inférieur aux 2.1 naissances nécessaires pour stabiliser sa population. Depuis 2016, la Chine a abandonné sa politique d’enfant unique. Cela laisse à la fois présager une politique sociale venant soutenir les familles, une poursuite de la migration des campagnes vers les zones urbaines et des efforts redoublés dans le secteur de la robotique. En dépit de ce déclin démographique, la Chine devrait continuer à être le principal moteur de la croissance mondiale ces prochaines années. On remarquera que 8 sociétés chinoises se classent maintenant parmi les 50 plus grandes sociétés mondiales. Il n’y en avait aucune en 2000, leur progression s’étant faite au détriment des européennes dont le nombre est passé de 16 à 7 sur la période considérée.

Les entreprises du monde entier sont confrontées à la hausse du prix des matières premières et des coûts de transports ainsi qu’à la pénurie de produits intermédiaires. L’industrie souffre ainsi de nombreux goulots d’étranglements dans leurs chaînes d’approvisionnement, notamment dans les semi-conducteurs ce qui va perturber encore quelque temps l’industrie automobile. Certaines entreprises devront absorber ces coûts supplémentaires en réduisant leurs marges tandis que d’autres auront la capacité de les répercuter sur leurs prix de vente. Il devrait donc y avoir de grandes disparités dans l’évolution des résultats ces prochains trimestres. Pour l’instant, les bénéfices publiés des entreprises sont très solides sur tous les continents avec une croissance moyenne de 30 à 50% en glissement annuel.

MARCHES

Les bourses mondiales sont toujours portées par les indicateurs de croissance très bien orientés, par des bénéfices publiés excellents et par un soutien toujours sans faille des banques centrales. Dans cet environnement très porteur, les autorisations pour les opérations de rachat de ses propres actions battent des records. Les marchés de taux se sont par ailleurs bien stabilisés grâce aux nombreuses déclarations des banquiers centraux et ne réagissent plus, pour l’instant, aux statistiques d’inflation. On notera la chute de la bourse chilienne, la révision de la constitution engendrant une grande incertitude sur les choix politiques du pays alors que la majorité à la nouvelle assemblée constituante échappe aux partis traditionnels.

Du coté tactique, les marchés fêtent le rebond de la croissance et un retour progressif à la normale de la situation sanitaire. Les cours nous semblent bien anticiper l’ensemble des bonnes nouvelles connues à ce jour et nous demeurons inquiet par la faiblesse des taux réels américains (taux à 10 ans moins inflation), étalon pour mesurer la cherté de toutes choses dans le monde de la finance. La Fed écrit d’ailleurs que « les prix des actifs sont élevés par rapport aux fondamentaux économiques et par rapport aux normes historiques et sont souvent conduits par une volonté des investisseurs à prendre plus de risque ». Bien sûr, c’est quelque peu paradoxal puisque c’est la Fed elle-même qui, en maintenant sa politique monétaire très accommodante, induit ce comportement.

La rédaction de cette lettre mensuelle a été achevée le 3 juin 2021.

Sources principales : Banque de France, Federal Reserve, FMI, OCDE, BIS, BEA, BCE, BOJ, BOC, Bloomberg, Reuter, Facset, Financial Times, CGPConseil, Agence Internationale de l’Energie, OMC, INSEE, Euler Hermès, Coface, MIT, ISTAT.

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