Revue de presse : la-croix.com, Timothée Barnaud, le 15/02/2023
Les faits Après de longs mois de négociations, syndicats et patronat sont arrivés à une proposition d’accord pour améliorer les dispositifs de partage de la valeur dans les entreprises. Il est désormais soumis à la consultation de chacune des organisations, qui doivent rendre leur décision avant le mercredi 22 février.
« C’est un signal fort de maturité envoyé par les partenaires sociaux. » C’est ainsi que Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, a résumé l’aboutissement des négociations sur le partage de la valeur, dans un entretien au Figaro publié dimanche 12 février.
Depuis novembre, l’ensemble des organisations syndicales, et du patronat discutaient à la suite d’une lettre de cadrage du gouvernement leur demandant de travailler sur l’amélioration des dispositifs de répartition des richesses au sein des entreprises.
Pour l’heure, le projet – sur lequel la CGT reste très réservée – n’est toujours pas signé, mais le patronat est très confiant quant à l’aboutissement d’un accord majoritaire d’ici au 22 février. État des lieux des principales avancées…
Le dividende salarié enterré
C’était une clarification nécessaire pour les syndicats et le patronat. Dès le préambule de l’accord, les partenaires sociaux ont répété leur opposition au concept de « dividende salarié », proposition de campagne d’Emmanuel Macron. Elle y est qualifiée d’expression « inadaptée » et « source de confusions », que les signataires de l’accord « s’engagent à ne pas soutenir ». Les propositions de l’accord se concentrent plutôt sur l’élargissement et la simplification des dispositifs existants (intéressement, participation et prime de partage de la valeur).
Obligation de mettre en place un dispositif de partage de la valeur pour les entreprises de 11 à 50 salariés bénéficiaires
C’était le cheval de bataille des syndicats : ouvrir davantage les dispositifs d’intéressement et de participation aux salariés des petites entreprises. En 2020, une enquête de la direction statistique du ministère du travail (Dares) avait montré que seuls 20 % des salariés des entreprises de moins de 50 salariés bénéficiaient d’un dispositif de partage de la valeur, contre 88,5 % dans celles de plus de 1 000 personnes.
Alors que le patronat était d’abord totalement fermé à une mesure coercitive pour les TPE et PME, un compromis a finalement été trouvé : obliger les entreprises de 11 à 50 salariés rentables – plus précisément celles en « bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant trois années consécutives » – à ouvrir un dispositif de partage de la valeur pour les salariés, quel qu’il soit. Cette obligation entrerait en vigueur le 1er janvier 2025.
Incitation à la mise en place de dispositifs de participation pour les petites entreprises
Si les syndicats n’ont pas obtenu l’obligation de partage de la valeur pour toutes les petites entreprises, elles devront néanmoins toutes se pencher sur la question. En effet, l’accord prévoit que dans chaque branche professionnelle, les organisations d’employeurs et de salariés doivent ouvrir avant le 30 juin 2024 «une négociation visant à mettre à disposition des entreprises de moins de 50 salariés un dispositif de participation facultatif ».
La participation, mécanisme de redistribution des bénéfices au sein des entreprises, est aujourd’hui obligatoire dans celles de plus de 50 salariés. Aussi ce point de l’accord vise-t-il à inciter les entreprises en dessous de cet effectif à mettre tout de même en place ce dispositif, quitte à pouvoir « déroger à la formule de référence de la participation », en permettant des redistributions de bénéfices plus faibles, selon les accords de branche signés.
La prime de partage de la valeur renforcée
Avec sa fiscalité très avantageuse pour les entreprises, le patronat souhaitait que la prime de partage de la valeur (anciennement dite prime Macron) soit considérée au même titre que l’intéressement et la participation. De cette manière, les entreprises bénéficiaires de 11 à 50 salariés, obligées de créer un mécanisme de partage des bénéfices, pourront l’utiliser.
Les syndicats y étaient opposés, craignant que cette prime ne se substitue à des augmentations de salaires pérennes. Ils se sont finalement résolus à un compromis, en acceptant que la prime de partage de la valeur puisse être versée à deux reprises « dans la limite du plafond » actuellement prévu. Soit 6 000 € par an et par employé.
Un dispositif (symbolique) pour les superprofits
C’était un sujet difficilement évitable au vu de la montée des tensions sur la question des superprofits des grands groupes, à l’image des 19,1 milliards d’euros de profits générés par TotalEnergies en 2022.
L’accord promet de « mieux prendre en compte les résultats exceptionnels » dans les entreprises de 50 salariés ou plus. Cela passerait par le « versement automatique d’un supplément de participation ou d’intéressement », ou par l’ouverture de nouvelles négociations, mais seulement si les résultats présentent « un caractère exceptionnel tel que défini par l’employeur ».
Cette partie de l’accord reste avant tout symbolique, et il y a fort à parier que le gouvernement l’amende le jour où il se saisira du dossier pour en faire un projet de loi en 2023, comme le laissait entendre le ministre de l’économie Bruno Le Maire à l’automne dernier.
Revue de presse : la-croix.com, Timothée Barnaud, le 15/02/2023