La niche fiscale ? Une réduction d’impôt créée pour favoriser un secteur de l’économie ou inciter les contribuables à investir. Quelles sont les niches fiscales qui coûtent le plus cher à l’État ? Qui sont les principaux bénéficiaires ? Le top 8 :
Revue de presse :
article de Benoit LETY pour MoneyVox le 23 janvier 2021
Exonérations, abattements, déductions, crédits et autres réductions d’impôt sur le revenu : parmi les multiples niches fiscales, laquelle est la plus coûteuse pour l’État ? La réponse est, chaque année, dans les annexes de la loi de finances. Le gouvernement ayant en effet l’obligation de transmettre au Parlement « la liste des huit dépenses fiscales les plus coûteuses parmi celles relatives à l’impôt sur le revenu ». Verdict : se côtoient dans ce « top 8 » des niches profitant à une très large part de la population, ou d’autres profitant à une « poignée » d’investisseurs immobiliers.
Dépenses fiscales les plus coûteuses pour 2021
1 Abattement de 10% sur les pensions 4,2 milliards €
2 Crédit d’impôt emploi à domicile 3,8 milliards €
3 Exonération « épargne salariale » 2,2 milliards €
4 Exonération des heures sup’ 2,1 milliards €
5 Exonération des allocations familiales et de l’AAH 2 milliards €
6 Déficit foncier et charges locatives déductibles 1,7 milliard € *
7 Réduction d’impôt pour les dons aux œuvres 1,5 milliard €
8 Investissements locatifs en Duflot et Pinel 1,2 milliard €
*en 2019
Source : tome II de l’annexe « voies et moyens » de la loi de finances pour 2021
N°1 – Abattement de 10% sur les pensions
« Abattement de 10% sur le montant des pensions (y compris les pensions alimentaires) et des retraites », détaille le gouvernement dans l’annexe du budget 2021. Les 14,5 millions de bénéficiaires de cette niche fiscale, de loin la plus coûteuse en se concentrant sur l’impôt sur le revenu, sont donc à la fois des retraités et des contribuables percevant une pension alimentaire. Coût estimé de cette « dépense fiscale » destinée à « aider les retraités » : 4,2 milliards d’euros en 2021.
Première précision d’importance : il ne s’agit pas d’un crédit d’impôt. Les 3 millions de bénéficiaires de cette « niche » les plus modestes sont non-imposables : la « dépense » pour le Trésor public est nulle dans leur cas. Seconde précision : cet avantage fiscal est plafonné pour chaque foyer fiscal (3 850 euros en 2020).
L’abattement forfaitaire de 10% pour frais professionnels qui profite à tous les actifs, dont les salariés, n’est pas considéré par Bercy comme une « dépense fiscale », plutôt comme « mesure de simplification » pour éviter à chaque contribuable de déclarer ses frais réels. L’application du quotient familial n’est pas, non plus, considérée comme une « dépense fiscale » du point de vue de Bercy.
N°2 – Crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile
4,2 millions de foyers fiscaux déclarent des dépenses pour des services à la personne, à leur domicile, que ce soit en direct via des dispositifs tels que le Cesu ou via une entreprise ou association prestataire de service. Il s’agit là d’un crédit d’impôt. Donc, à la différence de la première « niche » de ce classement, elle entraîne une dépense pour l’État pour chacun des bénéficiaires, même les non imposables. Le coût le plus élevé pour les dépenses publiques concerne tout de même des foyers dont le revenu fiscal de référence (RFR) dépasse 108 510 euros par an (plus de 9 000 euros par mois) : le crédit d’impôt versé à ces foyers plus aisés (10% des bénéficiaires) dépasse le milliard d’euros, malgré les plafonds par foyer.
N°3 – Exonération « épargne salariale »
Quand votre employeur vous verse une prime de participation ou d’intéressement, vous avez le choix entre 1. « prendre le cash », ce qui ajoute cette prime à votre revenu soumis à l’impôt sur le revenu, ou 2. placer la prime sur un plan d’épargne salariale (PEE, PER, Perco…), ce qui vous exonère d’impôts. Cette exonération (1) coûte plus de 2 milliards d’euros chaque année aux finances publiques. Impossible toutefois de déterminer précisément le nombre de bénéficiaires de cette « niche ».
A cela s’ajoute que la prime n’est soumise ni aux charges patronales, ni aux charges salariales. L’état favorise ainsi le partage de la valeur dans les entreprises.
N°4 – Exonération des heures sup’
C’est une mesure prise par le gouvernement d’Emmanuel Macron dans la foulée du mouvement des Gilets jaunes : le retour des heures sup’ défiscalisées. Depuis janvier 2019, les heures supplémentaires sont exonérées d’impôt sur le revenu, dans la limite toutefois de 5 000 euros d’heures sup’ dans l’année. Le coût pour l’État était limité à 1 milliard d’euros en 2019 mais il grimpe à 1,9 milliard en 2020 et devrait dépasser les 2 milliards d’euros en 2021.
N°5 – Exonération des allocations familiales
Voici la liste complète pour cette 5e « niche » : « exonération des prestations familiales, de l’allocation aux adultes handicapés ou des pensions d’orphelin, de l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée, de l’allocation de garde d’enfant à domicile, et de la prestation d’accueil du jeune enfant » (Paje). Pour simplifier : les allocations versées par la CAF aux contribuables et qui sont totalement exonérées d’impôt sur le revenu. Cette absence de recette pour le fisc est légèrement inférieure à 2 milliards d’euros, mais le gouvernement ne détaille par le nombre de bénéficiaires.
N°6 – Déficit foncier et charges locatives déductibles
La « déduction des revenus fonciers des dépenses de réparations et d’amélioration ». Autrement dit : d’une part les charges locatives déductibles et d’autre part le déficit foncier. Ces dispositifs permettent aux propriétaires bailleurs de prendre en compte leurs frais de gestion locative, la taxe foncière, les charges de copropriété et autres primes d’assurance pour réduire leurs revenus fonciers (les loyers perçus) : on parle de charges déductibles.
Ce mécanisme permet aussi de répercuter le coût des travaux d’entretien sur les revenus fonciers : s’il est supérieur aux revenus fonciers à déclarer, alors le bailleur génère un déficit foncier. Ce dernier permet alors de réduire ponctuellement les autres types de revenus (salaires, pensions, etc.). Coût de ces deux dispositifs dédiés aux propriétaires louant un logement : 1,7 milliard d’euros en 2021, pour 1,75 million de contribuables bénéficiaires.
N°7 – Réduction d’impôt pour les dons aux œuvres
Plus de 5 millions de contribuables déclarent chaque année des dons aux associations caritatives ou autres organismes d’intérêt général et d’aide aux plus démunis. A la clé : une réduction d’impôt de 66% ou 75% du montant donné. Coût annuel pour les finances publiques : 1,5 milliard d’euros. Précision d’importance : les foyers non-imposables qui donnent n’en retirent aucun avantage fiscal, puisqu’il s’agit d’une réduction et non d’un crédit d’impôt. Selon l’étude annuelle Recherche & Solidarités, environ un quart des donateurs sont non-imposables et font donc figurent de donateurs désintéressés.
N°8 – Investissements locatifs en Duflot et Pinel
Un manque à gagner d’un milliard d’euros par an environ (745 millions en 2019, prévision de 991 millions en 2020 et de 1,2 milliard en 2021) pour un avantage fiscal qui ne concerne cette fois que 200 000 foyers fiscaux. Soit une dépense approximative de 5 000 euros pour l’État pour chaque foyer bénéficiaire des principales niches d’incitation à l’investissement locatif ! Ces statistiques ne concernent en effet que le dispositif Pinel et son prédécesseur le Duflot. Une dépense extrêmement ciblée (la moitié des foyers bénéficiaires ont un RFR supérieur à 70 000 euros) mais qui s’explique par la volonté de l’État d’« augmenter l’offre de logements locatifs ».
(1) Plus précisément l’exonération « des sommes versées au titre de la participation, de l’intéressement, de l’abondement ou d’un partage de plus-value, aux plans d’épargne salariale et aux plans d’épargne retraite d’entreprise collectifs ou obligatoires ».
Article de Benoit LETY pour MoneyVox le 23 janvier 2021