Actualité des marchés – novembre 2023

L’activité économique tient bon face à la hausse des taux

Selon les dernières prévisions de l’OCDE, la croissance de l’économie mondiale devrait poursuivre son ralentissement, passant de 2.9% en 2023 à 2.7% 2024, rythme inférieur à sa moyenne de 3.8% enregistrée de 2000 à 2019, mais meilleur que ce que nous pouvions attendre dans le contexte actuel de resserrement monétaire. La conjoncture est nettement plus favorable dans les pays émergents, divergence qui devrait se maintenir l’année prochaine.

Toute l’année, la croissance a résisté, en particulier aux États-Unis et ce, en dépit des nombreux signaux de ralentissement (courbe des taux inversée, récession dans l’industrie). La hausse des taux d’intérêt réels a en partie été compensée par le reflux du prix des matières premières et par une forte croissance des dépenses publiques. Les ménages américains, sans doute parce que le marché du travail demeure solide et en dépit d’un recul de leurs salaires réels, ont continué à accroître leurs dépenses Toutefois, les salaires réels recommencent à progresser depuis peu, soutenus par la baisse de l’inflation. L’Europe fleurte toujours avec la récession, mais avec des indicateurs de confiance qui ne se dégradent plus.

La baisse de l’inflation partout dans le monde permet d’envisager une stabilisation des taux directeurs des banques centrales, et peut-être des premières baisses au cours de l’année prochaine. Si l’hypothèse d’un ralentissement sans contraction notable de l’économie est donc devenue plausible, celle d’une récession demeure toujours d’actualitéLes investisseurs s’attendent à une poursuite de la baisse de la croissance et de l’inflation ces prochains mois, avec probablement une inflexion positive au cours de l’année prochaine.Si l’économie américaine a connu trois ralentissements de sa croissance suite à une hausse de taux et ce, sans tomber en récession (épisodes de 1966, 1984 et 1995), ce n’est cependant jamais arrivé dans un contexte de durcissement aussi fort de la politique monétaire de la Fed et de presque toutes les grandes banques centrales.

Inflation aux États-Unis

L’inflation baisse et pour que cette tendance se poursuive, il faut que le prix des services cesse de résister. Les premiers signes d’un essoufflement du marché de l’emploi américain vont dans ce sens.

Depuis la fin des années 60, le taux de participation à l’emploi avait beaucoup progressé, principalement du fait du travail des femmes, jusqu’aux années 2000.La principale explication de la fermeté du marché de l’emploi aux Etats-Unis, facteur de résistance tout au long de ces derniers mois, tient à la baisse structurelle du taux de participation depuis plus de 20 ans, elle- même liée au vieillissement de la population.

La hausse du coût de la dette doit modifier la politique budgétaire des états endettés

L’envolée de la dette qui progresse maintenant plus vite que le PIB avec des taux d’intérêt supérieurs à leur croissance nominale place les grands pays endettés sur une trajectoire intenable. C’est aujourd’hui le cas des Etats-Unis, de la France et de l’Italie.

Pour les États-Unis, le défi à relever est majeur alors que l’agence de notation Moody’s a revu à la baisse, de stable à négative, les perspectives associées à sa notation de l’état américain qui est actuellement toujours de AAA. Historiquement, la remontée du coût de la dette ouvre la voie à une politique de réduction des dépenses budgétaires. Au cours de l’année fiscale 2023, les intérêts payés par le Trésor américain se sont élevés à 659 milliards de dollars soit 2.5% du PIB contre 345 milliards en 2020 (soit 1.6% du PIB).

La France, avec une dette supérieure de 20% à la moyenne de la dette européenne est également, de ce point de vue, en mauvaise posture.

Faiblesse du Yen

Après des décennies de déflation, le Japon connait pour la première fois depuis le début des années 90 une inflation significative, les sursauts momentanés de 1997 et de 2014 n’ayant été dus qu’à une hausse ponctuelle de la TVA.

L’inflation semble aujourd’hui soutenue et généralisée, progressant de 3.3% en rythme annuel en octobre et de 2.9% si l’on considère l’inflation cœur, c’est-à-dire hors produits frais et énergie. Les entreprises commencent à répercuter peu à peu les hausses de prix sur les salaires, mais la dynamique est faible et l’évolution des salaires est même nettement négative cette année en termes réels. La Banque du Japon maintient ainsi sa politique monétaire très accommodante. Elle continue à contre-courant, d’acheter des obligations sur le marché, gonflant son bilan qui devrait atteindre 130% du PIB national à la fin de l’année.

Le résultat des prochaines négociations salariales avec les syndicats japonais pourrait donc peut-être mettre fin à la dernière politique de taux directeurs négatifs. Les résultats seront connus fin janvier prochain. En attendant, le yen reste très sous-évalué.

Amérique latine

En Argentine, un nouveau président libertarien a été élu, Javier Milei. Celui-ci fait face à une situation économique très difficile avec une inflation de 128%, une récession qui devrait se poursuivre l’année prochaine et un taux de chômage en hausse. Il souhaite adopter le dollar et vaincre ainsi l’inflation, supprimer la banque centrale d’Argentine et enfin, sabrer dans les dépenses publiques tout en réduisant les impôts.

L’absence substantielle de réserves en devises et une partie importante de sa dette publique en obligations en devises fortes (40%) ne va pas rendre la transition facile. Une dévaluation du peso est probable à court terme. Historiquement, l’Argentine s’endette puis dévalue sa dette par un surcroît d’inflation ou en faisant défaut. Vu de l’extérieur, la situation va être intéressante à suivre, en particulier si Javier Milei arrive à faire passer ses réformes devant le Congrès argentin. Le continent sud-américain devrait continuer à être celui des grandes expérimentations économiques.

LES MARCHES

La confirmation d’une baisse de l’inflation a suffi, dans un contexte très morose, à inverser du tout au tout la psychologie des investisseurs et à provoquer un rebond violent des bourses mondiales.

Le taux souverain à 10 ans des États-Unis qui culminait encore il y a quelques semaines à plus de 5% est revenu à 4.25% en quelques jours. Le dollar a accompagné le mouvement des taux outre-Atlantique en perdant plus de 3% contre l’euro. La Chine, où les nouvelles économiques demeurent mitigées, a été un des rares pays à ne pas participer à cette fête de fin d’année.

Le crédit en euro (obligations « investment grade ») avec un rendement supérieur à 4% pour un risque limité, demeure attractif. Le rendement du monétaire est également à un niveau sympathique et cette classe d’actifs retrouve la faveur des investisseurs.

Sur les actions, le niveau de valorisation du marché américain semble à nouveau un peu trop élevé avec une faible prime de risque et un multiple prix sur bénéfices attendus de 18,5 fois. Sur l’ensemble des marchés, les prévisions de croissance des profits pourraient être trop optimistes compte-tenu de la conjoncture, en particulier en Europe, avec une faible probabilité implicite d’entrer en récession.

Le point d’inflexion vers un nouveau cycle de croissance n’est peut-être plus très loin sans forcément être immédiat. Les marges des entreprises devraient continuer de baisser au cours des prochains trimestres. Le recul des taux pourrait faire une pause le temps de constater le bien-fondé de l’optimisme actuel quant à une prochaine inflexion des politiques des banques centrales.. à plus longue échéance, le dernier cycle au cours duquel les banques centrales ont artificiellement fait baisser les taux d’intérêts est traitre pour rechercher un niveau de valorisation moyen, que cela soit pour les actions et pour les obligations. En d’autres termes, les taux d’intérêts devraient être durablement plus élevés et les multiples de valorisation des actions plus bas que ce que ces dix dernières années.

Sources principales : Agence Internationale de l’Energie, Banque de France, BIS, BEA, BCE, BNS, BOJ, BOC, Bloomberg, CGPConseils, Coface, Euler Hermès, Facset, Federal Reserve, Financial Times, FMI, INSEE, ISTAT, OCDE, OMC, MIT, Reuter

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