La loi Pacte, la mèche à retardement qui réveille l’actionnariat salarié

Revue de Presse : Pascale Braun – Les Echos 12/04/2021

La création de fonds communs de placement d’entreprise abondés par l’épargne salariale est poussée par la loi Pacte. Encore marginal, ce véhicule financier confirme sa pertinence pour lever des fonds ou pour transmettre l’entreprise aux salariés.

Fin 2020, à peine 5 % des quelque 4.000 ETI françaises détenaient un fonds commun de placement d’entreprise (FCPE). Méconnu, ce dispositif, qui regroupe dans un même véhicule financier la participation ou l’intéressement des salariés souhaitant entrer au capital de leur société, était présumé compliqué, voire ingérable. Les FCPE de reprise , qui permettent aux salariés de prendre le contrôle de leur entreprise, se comptaient, quant à eux, sur les doigts d’une main – généralement dans le cadre du sauvetage de sociétés en retournement. Mais l’entrée en vigueur de la loi Pacte, dont l’incidence sur les FCPE a été occultée par la crise sanitaire, arrive à point nommé pour changer la donne. 

Levier de partage

« Nous sommes surpris du nombre de sollicitations émanant de sociétés à capitaux français qui s’intéressent aux FCPE d’actionnariat salarié en dépit du Covid. » L’outil paraît fiscalement avantageux, mais aussi bien adapté pour compenser les chutes d’intéressement et de participation suite aux baisses de résultats des entreprises en 2020. « C’est un puissant levier de partage de la valeur basé sur les performances futures de l’entreprise », explique Xavier Collot, directeur Epargne salariale et retraite d’Amundi. Premier gestionnaire européen d’actifs avec plus de 1.700 milliards d’euros, le groupe gère près de 70 milliards d’euros d’actifs en épargne salariale et épargne retraite d’entreprise dont plus de 33 milliards d’euros en FCPE d’actionnariat salarié. Il recense 53 FCPE supplémentaires en 2020, contre 22 l’année précédente.

Coup de pouce fiscal

La loi Pacte ne se contente pas d’encourager la participation et l’intéressement pour mieux partager la valeur. Ses dispositions permettent également aux salariés de mobiliser cette épargne en entrant au capital de leur propre entreprise. Le forfait social, une charge pour l’employeur, passe de 20 % à 10 % pour les entreprises de plus de 50 salariés qui décident d’abonder un FCPE pour aider les salariés à devenir actionnaires. Ces derniers peuvent bénéficier d’une décote de 30 % sur le prix de l’action – contre 20 % auparavant – lorsqu’ils s’engagent pour une durée de cinq ans, et de 40 % lorsque l’engagement est bloqué durant dix ans. 

Si au moins 20 % de l’effectif d’une entreprise de moins de 50 salariés, ou au moins 10 salariés d’une entreprise de plus de 50 salariés, souhaitent en prendre le contrôle, le FCPE dit « de reprise » offre, dans le cadre de la loi Pacte, une souplesse inédite : le plafond d’apport volontaire est relevé à un an de salaire, contre un trimestre d’ordinaire, et la durée du blocage est réduite à trois ans. Ce dispositif a permis, fin mars, de réaliser le premier LBO de reprise post-loi Pacte, avec le rachat par ses salariés de la menuiserie vosgienne Les Zelles. 

Performance boursière

Jusqu’à présent, le FCPE était essentiellement apprécié par ses pionniers en tant qu’outil de fidélisation. « Un salarié n’est pas un actionnaire comme un autre. Sa motivation est plus forte, puisqu’il qui contribue lui-même à la valeur de son entreprise, et il voit son investissement comme un engagement à long terme », observe Benoît Clocheret, président exécutif d’ Artelia . Issu de la fusion de Coteba et Sogreah en 2010, le groupe d’ingénierie de 6.000 salariés répartit son capital entre 830 salariés détenant en direct 85 % des parts et 2.800 salariés regroupés au sein d’un FCPE représentant 15 % du capital. La moitié des salariés profite ainsi directement de la valorisation des actions, qui se monte à 10 % par an en moyenne depuis dix ans. 

Cette plus-value n’est pas exceptionnelle. L’indice boursier Euronext FAS-IAS, qui répertorie les performances des entreprises dont 3 % au moins du capital sont détenus par plus d’un quart des salariés, affiche une progression de 27 % sur dix ans. L’indice élaboré par le fonds de gestion Equalis Capital , spécialisé dans l’actionnariat salarial, sur la base des résultats de 42 entreprises non cotées ayant ouvert leur capital à leurs salariés, a pour sa part bondi de 170 % entre sa création en juin 2015 et 2020. 

Liquidités

Ces impératifs de partage et de transparence jouent sans doute dans la réticence manifestée par les ETI, notamment familiales, vis-à-vis des FCPE. Sitôt franchi le cap de 3 % du capital, les actionnaires salariés sont représentés par des administrateurs. L’obligation, pour l’entreprise, de racheter les parts des associés du FCPE – alors que les actionnaires directs ne pourront céder leurs parts que s’ils trouvent un acheteur – constitue également un frein, car les dirigeants peuvent être contraints d’écouler des liquidités dans des périodes difficiles. Dans le pire des cas, les actionnaires du FCPE risquent de perdre simultanément leur épargne et leur emploi. Cette prise de risque collective rassure les banquiers.

Les experts-comptables et cabinets spécialisés misent, quant à eux, sur ce nouvel outil pour amorcer des levées de fonds de proximité dans le cadre du plan de relance et aider les dirigeants fatigués par la crise sanitaire à passer le relais.

Revue de Presse : Pascale Braun – Les Echos 12/04/2021

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