Les dernières perspectives économiques de l’OCDE, publiées en décembre 2024, prévoient une croissance mondiale stable pour 2025 à 3,3% et un redressement de l’activité en Europe. L’inflation s’est beaucoup rapprochée des objectifs des banques centrales même si, au cours des derniers mois, elle a cessé de baisser et demeure un peu trop élevée. Ce scénario central plutôt favorable pourrait cependant être menacé par l’application de la politique de taxation des importations du nouveau président américain, personne ne sachant si Trump utilisera ce dispositif comme une arme de négociation avec ses partenaires commerciaux ou si, au contraire, il appliquera les droits de douane annoncés, en vue de réindustrialiser les Etats-Unis, quitte à fortement perturber les circuits d’approvisionnement mondiaux, déclencher une guerre commerciale, relancer l’inflation et provoquer une récession dans plusieurs pays.
L’évolution prochaine de l’inflation aux Etats-Unis est liée à celle de l’emploi
L’inflation américaine est toujours un peu supérieure à l’objectif des 2% de la Fed en dépit de la baisse du prix de l’énergie ces derniers mois. Une bonne nouvelle cependant, l’inflation des services ralentit progressivement, même si à +4.49%, elle demeure trop élevée.
La crainte est bien entendu de revivre un scénario similaire à celui des années 70 au cours desquelles l’inflation qui, dans un premier temps, avait baissé de 6,1% à 2,7% (de février 1970 à juin 1972), s’était ensuite envolée pour atteindre 14,8%, début 1980…
Le contexte économique était cependant très différent avec notamment une dépendance au pétrole très importante.
La résistance de l’inflation est aujourd’hui le fait du prix des services qui demeurent trop élevés même s’ils semblent stabiliser en dessous des 5% (4.49% en novembre dernier en glissement annuel). Elle est donc étroitement liée avec l’évolution du marché de l’emploi dans un contexte macro-économique meilleur qu’attendu, la croissance des Etats-Unis à près de 3% en 2024 étant sensiblement supérieure à son potentiel de long terme. Le nombre de nouveaux emplois créé progresse toujours mais à un rythme plus faible. Tout semble donc indiquer que le maintien de taux réels à des niveaux élevés est efficace même si cela demande du temps. Ce lent retour à l’équilibre pourrait cependant être fortement perturbé par la nouvelle politique commerciale des Etats-Unis. Donald Trump, élu le 5 novembre 2024, prévoit d’instaurer dès son entrée en fonction, le 20 janvier 2025, des mesures protectionnistes significatives. Il envisage notamment d’imposer des droits de douane universels de 10% à 20 % sur l’ensemble des importations, avec une taxation spécifique de 60 % sur les produits en provenance de Chine. Ces mesures visent à rééquilibrer la balance commerciale, à réindustrialiser le pays et à renforcer la sécurité nationale. Lors de son précédent mandat (2017-2021), Trump avait déjà mis en place des tarifs douaniers ciblés, notamment sur l’acier et l’aluminium ainsi que sur certains produits chinois, déclenchant une guerre commerciale avec la Chine.
Les nouvelles mesures envisagées pour 2025 sont plus étendues et pourraient entraîner une contraction du commerce international et une baisse du PIB mondial. Toutefois, le premier facteur explicatif de la défaite de Biden lors des dernières élections présidentielles tient au mécontentement des ménages du fait de l’inflation. Aussi est-il probable que le nouveau président américain mais aussi les membres du Congrès et du Sénat prendront en compte les implications inflationnistes des nouvelles mesures tarifaires prévues…en d’autres termes, une application plus circonscrite des droits de douanes tout en recherchant des accords commerciaux avantageux est une orientation probable de la nouvelle administration américaine.
L’activité en Europe est toujours décevante
Plusieurs facteurs structurels expliquent le faible potentiel de croissance du vieux continent. L’Europe est confrontée à un vieillissement rapide de sa population. Une population âgée réduit la taille de la main-d’œuvre active et entraîne une augmentation des dépenses publiques pour les retraites et la santé. Cependant, les trajectoires démographiques sont prévisibles très longtemps à l’avance et il est donc tout à fait possible de s’y adapter. Par ailleurs, la croissance du PIB par habitant est un indicateur plus pertinent que celle du PIB global pour mesurer l’évolution de notre richesse. Mais l’Europe souffre aussi d’une régulation excessive qui associée à une faible dynamique de l’innovation, notamment dans le secteur de la technologie, peut expliquer une évolution décevante de notre productivité. Enfin, la transition vers des énergies propres est couteuse et entraine des ajustements douloureux notamment dans l’industrie.
Les facteurs conjoncturels tels que la guerre en Ukraine et la politique monétaire restrictive de la BCE jouent également défavorablement.
Dans cet environnement difficile, le faible niveau de confiance des agents économiques s’est traduit par une augmentation du niveau d’épargne des ménages et une réduction des stocks et des investissements chez les entreprises. A défaut de réformes structurelles modifiant en profondeur la trajectoire de notre potentiel de croissance, une reprise conjoncturelle en 2025 et 2026 est donc tout à fait envisageable sinon probable dans un contexte de baisse des taux et d’un possible sinon probable retour à la paix sur notre continent. Toute amélioration de la conjoncture en Chine est également une bonne nouvelle pour l’industrie européenne.
Marché
Le mois de décembre a été marqué par la poursuite de la remontée du taux souverain à 10 ans des Etats-Unis, référence fondamentale pour la valorisation de tous les actifs dans le monde. Il se situe maintenant à 4,6% environ contre 3,6% en septembre dernier. Ce mouvement est lié en partie à la résistance de l’inflation et à la révision du rythme de baisse des taux par la Fed, tandis que l’activité aux Etats-Unis est meilleure que prévu.
Mais cela n’explique qu’une partie de ce mouvement. L’essentiel provient d’une remontée de la « prime de terme », c’est-à-dire de la rémunération supplémentaire demandée par les investisseurs pour prêter à 10 ans. Compte-tenu de l’incertitude portant sur l’application de la politique tarifaire de Trump qui pourrait relancer l’inflation en 2025 et 2026 et de la hausse des émissions pour financer le déficit budgétaire américain et rouler sa dette, cela semble légitime.
La poursuite de la hausse du 10 ans américain est, selon les experts, le risque le plus important sur les marchés, en particulier pour les valeurs de croissance dont les niveaux de valorisation sont logiquement plus impactés par la hausse des taux longs et pour certains pays émergents dont les politiques monétaires sont perturbées par la vigueur du dollar et le renchérissement du prix de l’argent. Les investisseurs pensent que le taux réel à 10 ans américain est à un niveau satisfaisant en considérant la période qui a suivi la grande crise financière de 2008 mais qu’il demeure encore faible par rapport aux vingt années précédentes. Le risque d’une application littérale des taxes annoncées sur les importations ne peut être écarté et aurait un impact sur les marchés obligataires. Les investisseurs soulignent une nouvelle fois la cherté du marché américain, vulnérable à ces niveaux, même s’il peut être encore porté quelques temps par le dynamisme des bénéfices des « 7 magnifiques » (Amazon, Apple, Tesla, Alphabet, Nvidia, Microsoft, Meta).
La menace d’une politique commerciale punitive de la nouvelle administration américaine incite à privilégier, au delà d’un niveau de diversification élevé, les pays émergents qui bénéficient d’une forte dynamique interne (Inde, Indonésie…) par rapport à ceux qui dépendent plus de leurs exportations (Chine, Vietnam, Mexique…) vers les Etats-Unis.
Sources principales : Agence Internationale de l’Energie, Banque de France, BCE, BEA, BIS, Bloomberg, BOJ, BOC, CGPCONSEILS, Coface, Euler Hermès, Facset, Federal Reserve, Financial Times, FMI, INSEE, ISTAT, MIT, OCDE, OMC, Reuter.