Retour sur les marchés financiers – février 2021

Le nombre de nouveaux cas quotidiens de Covid-19 dans le monde a fortement baissé ces dernières semaines. Cette évolution favorable associée au déploiement des vaccins laisse présager un retour quasi normal de la vie sociale et de l’activité économique, d’ici à quelques mois. Les données enregistrées par le personnel médical en Grande-Bretagne montrent que les vaccins sont efficaces dès la première dose. Outre la réduction de la mortalité, la vaccination devrait également permettre de réduire fortement la transmission du virus au sein d’une communauté.

Les indicateurs d’activités sont favorablement orientés, particulièrement aux Etats-Unis, tandis que l’écart est important entre l’activité industrielle, plutôt bonne et celle des services, toujours pénalisée. Ironiquement, la forte baisse de l’impact de la Covid-19 sur notre vie économique devrait coïncider avec le déploiement du plan de relance européen et surtout de celui, particulièrement conséquent, de Joe Biden. Nous pourrions donc, cet été, avoir des chiffres de croissance très élevés aux Etats-Unis (sous réserve que les plans de relance soient effectivement votés) avec une inflation qui dépasserait les objectifs de la Fed et une politique monétaire correspondant habituellement à un environnement en récession. En l’état, les 1900 milliards prévus pour l’instant, ajoutés au dernier plan de soutien de Trump représentent le montant astronomique de plus de 12% du PIB des Etats-Unis. Nous pourrions ainsi passer d’une forte récession à une croissance élevée en Amérique du nord, la seconde partie de l’année, sous l’effet d’un rebond exceptionnel de la consommation des ménages, pouvant même connaitre une surchauffe de l’activité. Ce changement radical d’environnement économique est prometteur de surprises et d’une certaine volatilité sur les marchés financiers. Il est par exemple difficile de se prononcer sur l’évolution de l’inflation ; le consensus demeure modéré à ce sujet en prévoyant une accélération passagère.
Le discours de la Fed ne change pas et elle affirme toujours sa volonté de soutenir l’activité en maintenant à la fois ses taux bas, dont le relèvement n’est pas envisagé avant 2023 ou 2024 et ses achats d’actifs, qui risquent cependant de devenir insuffisants au regard des déficits à venir. L’anticipation de l’émission massive de dette publique américaine conduit notamment à une remontée des taux longs, qui demeurent à un niveau faible par rapport à l’inflation et à la croissance attendue. La banque centrale américaine pourrait finalement constater qu’elle doit faire plus pour éviter une poursuite de la hausse des taux longs et envisager d’augmenter ses achats d’obligations souveraines, alors même que l’économie serait en forte croissance, avec pour objectif la stabilité des marchés financiers, en mettant en avant le caractère transitoire de la hausse de l’inflation (ce qui est possible mais en aucun cas assuré…).
On reviendrait alors dans une configuration extrême qui rappelle la politique économique menée au cours de la seconde guerre mondiale aux Etats-Unis avec, de fait, une perte d’indépendance de la Banque Centrale. Certains économistes s’inquiètent du surdimensionnement du plan américain. Le montant finalement dépensé ou au contraire épargné ou utilisé pour rembourser des dettes par les ménages sera déterminant. Joe Biden prévoit aussi, rappelons-le, un plan d’investissement dans les infrastructures de un à deux mille milliards de dollars (soit de 5% à 10% du PIB environ), d’ici la fin de l’été. Le plan de soutien des Etats-Unis dépasse largement les efforts européens avec des montants relatifs près de trois fois supérieurs ce qui viendra alimenter le différentiel de croissance à court terme entre les deux continents.

On notera que laisser filer l’inflation aurait pour effet de dégonfler le stock de dette au grand dam des épargnants sur les marchés obligataires. Il nous semble que l’annulation de la dette qui est actuellement l’objet de débats est à la fois néfaste et inutile. L’alternative a un défaut brutal qui entraînerait une crise de confiance et une violation de nos traités est celle du défaut indolore et discret, conséquence de taux réels négatifs.

En France, la chute importante de 8.3% du PIB en 2020 ne nous permettra de retrouver notre niveau d’activité de fin 2019 a priori qu’au début de 2023. On notera cependant que le confinement de fin 2020 a été nettement moins dommageable que celui de la première partie de l’année avec un recul des dépenses des ménages de 5.4% au quatrième trimestre contre une baisse de 11.6% au second trimestre 2020. L’état tente maintenant de préserver le tissu économique en maintenant ses aides dans l’attente du plan de relance européen.

Alors que l’on attendait les démocrates américains ou les Européens pour règlementer les GAFA, ce sont les Australiens qui tentent de mettre en place des lois obligeant Google et Facebook à payer les éditeurs de contenus qu’ils mettent en avant. Les sociétés américaines ont répliqué en menaçant de se retirer du pays tout en soutenant de considérables efforts de lobbying. Camberra tente ainsi de redonner un peu de force aux médias traditionnels et prévoit l’intervention d’un arbitre extérieur le cas échéant. L’Europe et le Canada réfléchissent à la mise en place de mesures similaires. Microsoft, grand concurrent de Google et bien qu’ayant lui-même un moteur de recherche (Bing), tente d’inciter les Américains à faire de même. Il faudra attendre un peu pour mesurer l’efficacité de ce nouveau dispositif réglementaire.

LES MARCHES

Une forte agitation s’est emparée des marchés à la suite de l’accélération de la montée du taux à 10 ans américain, référence utilisée pour la valorisation de tous les actifs financiers. Son niveau demeure, somme toute, assez bas mais l’ampleur de sa progression en quelques jours est inhabituelle et les investisseurs s’interrogent sur la pérennité de cette dynamique dans un contexte de surchauffe économique possible outre-Atlantique dans quelques mois. Premières victimes de cette hausse, les valeurs de croissance et en particulier celles du Nasdaq ont sensiblement baissé ces derniers jours. La volatilité est toujours élevée tandis que sur le front des changes la Livre Sterling s’apprécie un peu, favorisée par l’avance britannique sur sa vaccination.

La bonne santé des marchés financiers dans cet environnement très particulier (niveau de valorisation élevé et une forte croissance attendue des profits) repose sur la certitude que le niveau d’inflation demeurera durablement faible et qu’une éventuelle poussée, cette année, ne sera que passagère. Nous demeurons prudents sur ce point car nous percevons des risques inhabituels en cette phase de début de cycle économique. Outre les caractéristiques conjoncturelles de cette reprise, il faut considérer que les allocations d’actifs ont bénéficié depuis quarante ans et jusqu’à récemment d’une performance inverse entre les actions et les obligations souveraines lors des baisses des bourses mondiales. Ainsi, dans un portefeuille, la part obligataire venait compenser en partie les pertes sur les actions dans les périodes agitées. Aujourd’hui, le niveau des taux est tel que les phases de marchés au cours desquelles actions et obligations baisseraient conjointement sont désormais tout à fait envisageables ce qui vient augmenter, toutes choses égales par ailleurs, le risque des portefeuilles.

 Sources principales : Banque de France, Federal Reserve, FMI, OCDE, BIS, CGPConseils, BEA, BCE, BOJ, BOC, Bloomberg, Reuter, Facset, Financial Times, Agence Internationale de l’Energie, OMC, INSEE, Euler Hermès, Coface, MIT, ISTAT.

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