La version définitive des commentaires de l’administration fiscale sur le régime d’exonération Dutreil a été publiée le 21 décembre 2021.
Pour rappel, les transmissions par décès et les donations de parts ou actions de sociétés ayant fait l’objet d’un Pacte Dutreil sont exonérées de droits de donation ou succession à hauteur de 75 % de la valeur des titres transmis (sans limitation de montant), sous réserve du respect de certaines conditions. Les droits de mutation sont alors calculés sur 25 % de la valeur des biens transmis. Par ailleurs, en cas de donation de titres en pleine propriété avant les 70 ans du donateur, les droits de donation sont réduits de 50 % de leur valeur.
Le 6 avril 2021, le nouveau Bulletin Officiel des Impôts relatif au régime Dutreil a été mis en consultation publique jusqu’au 6 juin 2021. Certains commentaires étaient apparus délicats à mettre en œuvre, voire non cohérents avec les dispositions légales. La version définitive était donc très attendue.
Cette dernière est opposable aux opérations intervenues à compter de sa mise en ligne, soit le 21 décembre 2021. S’agissant des opérations survenues entre le 6 avril 2021 et le 21 décembre 2021, le contribuable peut, s’il y trouve un intérêt, s’appuyer sur la version qui était en consultation publique.
Éclairage sur quelques points
EXERCICE D’UNE FONCTION DE DIRECTION
L’exercice de la fonction de direction doit être effectif pendant toute la durée de l’engagement collectif ou unilatéral de conservation et pendant 3 ans après la transmission (donation ou décès).
- Pour la période allant de la signature du pacte Dutreil jusqu’au jour de la transmission, la fonction de direction doit être exercée uniquement par un associé signataire du pacte Dutreil ;
- Pour la période postérieure à la transmission, elle peut être exercée indifféremment soit par un associé signataire du pacte, soit par un bénéficiaire de la transmission. Le 6 avril dernier, l’Administration avait ajouté une condition selon laquelle l’associé ne pouvait exercer la fonction de direction dans la société que s’il continuait de détenir des titres de cette société. Cette condition empêchait le dirigeant donateur de transmettre tous ses titres soumis au pacte Dutreil et de ce fait l’obligeait à prolonger sa durée de conservation de titres au-delà du délai minimal de deux ans prévu par la loi. Cette suppression est donc la bienvenue.
Dans le cadre d’un engagement post mortem, la fonction de direction doit être exercée par une personne ayant signé l’engagement collectif ou unilatéral de conservation.
En cas d’engagement réputé acquis, à compter de la transmission, la fonction de direction doit être remplie par un des héritiers, donataires ou légataires et non plus par le donateur. Mais l’administration précise que l’auteur de la transmission n’a pas à cesser toute fonction de direction au sein de la société opérationnelle. Une codirection de l’entreprise est donc tout à fait envisageable.
Dans le cadre des sociétés interposées, en cas d’engagement réputé acquis, la fonction de direction doit être exercée dans la société opérationnelle et non dans la société interposée.
ENGAGEMENT COLLECTIF SOUSCRIT PAR UNE SOCIÉTÉ INTERPOSÉE
L’exonération Dutreil peut être mise en place en présence d’une ou deux sociétés interposées entre le redevable et la société opérationnelle exerçant l’activité éligible.
Dans ce cas, l’engagement collectif de conservation n’est pas souscrit par le donateur ou le défunt sur les titres qu’il détient mais par la société interposée sur les titres de la société opérationnelle. En revanche, l’engagement individuel de conservation porte sur les titres de la société interposée.
Point important : l’Administration met fin à la condition ajoutée en avril 2021 selon laquelle les personnes physiques associées d’une société interposée ne pouvaient transmettre leurs titres en bénéficiant du régime Dutreil que si elles étaient par ailleurs signataires du pacte portant sur la société opérationnelle.
Un associé d’une société interposée peut donc profiter du régime Dutreil sans être partie au pacte, qui peut être souscrit par une personne morale seule. En revanche, les associés doivent détenir les titres de la société interposée pour lesquels ils souhaitent bénéficier de l’exonération partielle depuis la conclusion de l’engagement collectif/unilatéral par la société interposée sur la société opérationnelle, [BOI-ENR-DMTG 10-20-40-10 n°375].
Maintien des participations inchangées à chaque niveau : chaque associé de la chaine de participations doit détenir au minimum le même nombre de titres qu’il possédait au moment de la signature de l’engagement collectif pendant toute la durée de ce dernier, ainsi que pendant l’engagement individuel de conservation.
NATURE DE L’ACTIVITÉ ÉLIGIBLE
En réécrivant le paragraphe relatif aux activités éligibles au dispositif Dutreil, l’Administration indique plus précisément que seules sont susceptibles d’ouvrir droit à l’exonération les parts ou actions d’une société qui exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole, ou libérale, à l’exclusion des activités de nature civile.
Il est maintenu que sont considérées comme des activités commerciales les activités mentionnées aux articles 34 et 35 du CGI, à l’exclusion des activités de gestion par une société de son propre patrimoine immobilier.
Bercy confirme que sont exclues les activités de location de locaux nus et de locaux meublés à usage d’habitation, les activités de location d’établissements commerciaux ou industriels munis du mobilier ou du matériel nécessaires à leur exploitation et les activités de promotion en restauration de son patrimoine immobilier.
Il est précisé que les activités de construction-vente d’immeuble ou de marchand de biens sont éligibles au dispositif d’exonération.
L’administration fiscale reconnait désormais expressément qu’une société peut exercer plusieurs activités éligibles.
Par ailleurs, il est prévu qu’en cas d’abandon d’activités, l’exercice d’activités nouvelles est possible tant que la condition d’activité est
remplie pendant toute la durée des engagements de conservation.
prépondérance DE l’activité ÉLIGIBLE
Il n’est pas exigé que la société exerce de façon exclusive les activités éligibles à l’exonération Dutreil, il suffit qu’elle les exerce de façon prépondérante. Pour apprécier la prépondérance de l’activité, l’Administration s’appuie sur la décision du Conseil d’Etat du 23 janvier 2020 en précisant que « le caractère prépondérant de l’activité s’apprécie en considération d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de l’activité et les conditions de son exercice ». Mais l’Administration indique aussi qu’à titre de règle pratique, les anciens critères cumulatifs annulés par le Conseil d’Etat peuvent toujours être appliqués : l’activité est prépondérante lorsque le chiffre d’affaires procuré par cette activité représente au moins 50 % du montant de son chiffre d’affaires total et que la valeur vénale (et non plus la valeur comptable) de l’actif brut immobilisé et circulant affecté à cette activité représente au moins 50 % de la valeur vénale de son actif brut total, (BOI-ENR-DMTG 10-20-40-10 n°20).
De plus, dans le cas d’une société holding animatrice de groupe, le Bofip précise que ces sociétés peuvent bénéficier du régime Dutreil dès lors que le groupe exerce une activité éligible (BOI-ENR-DMTG 10-20-40-10 n°55). Précision importante : la condition du caractère de holding animatrice d’une holding de groupe s’apprécie au moment de la conclusion du pacte Dutreil et doit être remplie jusqu’au terme des engagements collectif/ unilatéral et individuel de conservation.
POUR ALLER PLUS LOIN :
Le sujet des droits de mutation à titre gratuit fait actuellement l’objet de nombreux débats et figure dans la quasi-totalité des programmes des candidats à l’élection présidentielle. A noter également le rapport du Conseil d’Analyse Economique intitulé « repenser l’héritage » publié en décembre 2021, dans lequel il est exposé un projet de refonte de l’assiette des droits de succession pour éliminer ou réformer les principales niches, dont le dispositif Dutreil.