Revue de Presse : RevueBanque.fr 08/02/2021 par Sophie Gauvent
Si la Fed a franchi le pas en annonçant, le 27 août 2020, poursuivre désormais un objectif d’inflation moyenne, la BCE hésite encore. Cela lui permettrait, en cas de reprise de la croissance, de maintenir sa politique monétaire considérée comme ultra-accommodante. Bien qu’il ne soit pas le plus probable, le scénario d’un retour de l’inflation, voire même d’une hyper-inflation, n’est pas impossible.
« Inférieur à, mais proche de 2 % ». Là se situe le niveau ciblé par la BCE pour son objectif d’inflation. L’institution est mise en échec depuis plusieurs années car l’inflation est trop basse et ne décolle pas malgré une politique monétaire considérée comme ultra-accommodante. Alors qu’elle mène actuellement une Revue stratégique, elle pourrait être tentée de s’inspirer de la décision prise le 27 août dernier par la Réserve Fédérale dont la problématique est proche de celle de la BCE. Le président de la banque centrale américaine, Jerome Powell, a annoncé son nouvel objectif : average inflation targeting ou objectif d’inflation moyenne. Il s’agit d’obtenir une inflation moyenne de 2 % sur un horizon de temps plus ou moins long, ce qui implique de faire grimper durablement le taux au-dessus de 2 % puisque ces dernières années il a été inférieur à sa cible. Une telle perspective permet de compter sur une politique durablement accommodante puisque la banque centrale ne sera pas contrainte de resserrer la visse dès que l’inflation reviendra et avec elle, en principe, la reprise économique. Selon Patrick Artus, chef économiste de Natixis, « la BCE pourrait, dans la revue stratégique de sa politique, passer à un objectif d’inflation symétrique autour de 2 %, ce qui ressemble furieusement à un objectif d’inflation moyenne. »
Mais quelle est la probabilité de voir le niveau de l’inflation grimper ? Selon Patrick Artus deux scénarios totalement divergents sont plausibles : la déflation et l’hyper-inflation. Toutefois, le plus probable est un scénario intermédiaire, entre déflation et inflation, avec par exemple environ 2 % aux États-Unis et 1 % dans la zone euro, comme les marchés s’y attendent.
Dans l’hypothèse d’une inflation plus musclée, Stéphane Déo, directeur Stratégie marchés chez Ostrum Asset Management, insiste dans son texte sur l’impréparation des marchés à ce scénario, surtout en zone euro : « à l’heure actuelle le marché nous dit que même dans 30 ans l’inflation sera toujours confortablement sous les 2 %. […] La Fed, en revanche, est un peu mieux lotie : les swaps inflation sont tous au-dessus de 2 %. Le marché donne donc le bénéfice du doute sur le retour à l’objectif aux États-Unis. » Selon le stratégiste, « la hausse de l’inflation est maintenant plus probable qu’à tout autre moment au cours des deux dernières décennies ».
Si elle est insuffisante depuis plusieurs années, une inflation excessive serait, elle aussi, dommageable. L’Allemagne a la réputation d’être particulièrement craintive face à une inflation trop forte et cette appréhension s’expliquerait par l’épisode traumatisant d’hyperinflation que le pays a connu dans les années 1920. Cet évènement est sans doute encore présent dans l’inconscient collectif allemand, mais d’autres facteurs peuvent expliquer la préoccupation qui existe outre-Rhin vis-à-vis de l’inflation, comme le montrent Sabine Le Bayon et Christophe Blot, économistes à l’OFCE-SciencesPo. Par exemple, le taux d’épargne, très élevé en Allemagne, rend sensible la question de l’inflation, phénomène susceptible de grignoter le capital sur le long terme.
Le contexte de ces dernières années en zone euro, avec une inflation faible malgré une reprise économique à partir de 2014 a nourri les débats au sujet de la courbe de Phillips, cette relation entre inflation et activité économique. Yannick Kalantzis, adjoint au directeur de la Conjoncture et des Prévisions macroéconomiques au sein de la Banque de France, montre que « la courbe de Phillips fournit une grille de lecture utile de l’inflation. […] Toutefois, la courbe de Phillips n’explique pas tout et l’inflation simulée s’écarte parfois substantiellement de l’inflation observée. »
Il reste maintenant à examiner la crise en cours, qui est d’une telle ampleur qu’elle pourrait s’accompagner de changements structurels susceptibles de modifier le processus de formation des prix.
Revue de Presse : RevueBanque.fr 08/02/2021 par Sophie Gauvent