Revue de presse : Latribune.fr, 9 mars 2023
Les entreprises françaises du CAC 40 ont dégagé 142 milliards d’euros de bénéfices cumulés en 2022 grâce aux records du luxe et de l’énergie. C’est moins que le sommet de 2021 mais cela augure d’une année faste pour les actionnaires.
Les valeurs du CAC 40 sont restées à un très haut niveau en 2022. Le chiffre d’affaires des grandes entreprises atteint 1.729 milliards d’euros, selon un décompte de l’AFP, en hausse de 19% sur un an, grâce aux ventes gonflées par l’inflation pour de nombreux groupes. Le calcul de l’AFP ne prend pas en compte deux groupes, Pernod Ricard et Alstom, qui ont des exercices comptables décalés.
Le bénéfice net recule de 9% par rapport aux près de 156 milliards de 2021, année marquée par le résultat hors norme de près de 25 milliards de Vivendi en raison d’une cession.
Le recul agrégé masque néanmoins des records tous azimuts, à commencer par l’énergie et TotalEnergies, qui affiche avec 19,5 milliards d’euros le plus gros profit de l’indice, devant le constructeur automobile Stellantis avec 16,8 milliards d’euros. Le plus gros profit d’une entreprise française en 2022 est cependant celui de CMA-CGM, troisième armateur mondial, non coté en Bourse, avec 24,9 milliards de dollars.
Le luxe flambe
Au total, le secteur de l’énergie a réalisé 23,2 milliards d’euros de bénéfice (+14%) malgré d’importantes charges liées à la guerre en Ukraine. Hors effets comptables, les bénéfices bondissent davantage, reflétant l’année exceptionnelle alimentée par la hausse des prix de l’énergie, dans le sillage de la reprise post-Covid et de la guerre en Ukraine. La guerre a également laissé des traces sur les industriels comme ArcelorMittal, avec un milliard de dollars de provisions pour couvrir ses pertes ukrainiennes. Renault affiche la deuxième perte nette du CAC, de 338 millions d’euros, après une charge de 2,3 milliards causée par la vente d’Avtovaz, fabricant russe des Lada.
A l’inverse, le luxe (LVMH, Kering, Hermès, L’Oréal) a vu ses profits enfler de 23%, soit 4,5 milliards d’euros de plus sur un an et une progression de 80% comparé à 2019, profitant de pouvoir répercuter la hausse des coûts de production sur les prix de vente. Les plus fortes hausses de bénéfice reviennent à Orange (+820% comparé à 2021, année plombée par une dépréciation) et au fabricant de semi-conducteurs STMicroelectronics (+118%), qui a profité de la « forte demande » mondiale pour la denrée rare des puces électroniques.
Les actionnaires récompensés sous une pluie de critiques
Comme les bénéfices, les reversements aux actionnaires progressent, sous une pluie de critiques reprochant aux entreprises de ne pas verser autant aux salariés, ni d’en faire assez pour le climat. L’Autorité française des marchés financiers (AMF) a d’ailleurs appelé mercredi dans un communiqué les sociétés cotées à détailler leur communication sur leur stratégie climatique et d’autres données extra-financières dans la perspective de l’entrée en vigueur d’un cadre européen qui les obligera, d’ici à 2025, à dévoiler leur impact sur la planète et ses habitants. Elles sont ainsi invitées par l’AMF à « renforcer leur dialogue actionnarial sur leur stratégie climatique, dans le cadre de leur assemblée générale, mais également, de façon régulière, en amont et en aval de celle-ci ».
Par ailleurs, aucun groupe du CAC 40 n’a annoncé baisser son dividende alors que ceux-ci avaient déjà atteint un record en 2022, en France (56,5 milliards d’euros) et dans le monde (1.560 milliards de dollars). LVMH, qui a payé 5 milliards d’euros d’impôts sur les sociétés dans le monde, devrait verser au total quelque 6 milliards d’euros à ses actionnaires, dont près de 3 milliards reviennent à la famille du PDG Bernard Arnault, et distribuer 400 millions d’euros à ses quelque 39.000 salariés français. Société Générale veut redistribuer 90% de son bénéfice aux actionnaires, avec une hausse du dividende, malgré la chute de son résultat sous l’effet de la cession de sa filiale russe Rosbank. TotalEnergies va investir 16 milliards de dollars, dont 4 dans des « énergies bas-carbone », et payer près de 9 milliards d’euros de dividendes.
Des entreprises rachètent leurs propres actions
Outre les dividendes, de plus en plus d’entreprises choisissent de racheter leurs propres actions – une opération destinée à soutenir le cours en Bourse. TotalEnergies prévoit de débourser ainsi deux milliards d’euros au premier trimestre, soit autant que ce que le groupe a versé au titre d’une taxe sur les superprofits dans l’UE et au Royaume-Uni. Mais bien moins que Chevron ou ExxonMobil qui vont respectivement dépenser jusqu’à 75 milliards et 50 milliards de dollars pour racheter des titres. Stellantis va gratifier ses actionnaires avec 4,2 milliards d’euros de dividendes, dépenser 1,5 milliard en rachats d’actions et débourser 2 milliards en primes pour ses salariés.
ZOOM – Cinq familles figurent parmi les dix plus gros actionnaires du CAC 40
Cinq familles figurent parmi les dix plus gros actionnaires du CAC 40 : la famille Arnault (7,4%), celle d’Hermès (4,6%), la famille Bettencourt Meyers (3,3%), la famille Pinault (+1,6%) et la famille Dassault (1,2%). Plus généralement, les familles se sont encore renforcées au sein du CAC 40 et forment désormais la première catégorie d’investisseurs de l’indice vedette de la Bourse de Paris, selon un baromètre de l’opérateur Euronext.
La part de l’actionnariat familial, qui représentait moins de 10% de l’indice en 2012, était monté à 21,5% à fin 2021 (les dernières données disponibles analysées par l’étude) contre 19,3% un an plus tôt, selon cette analyse de l’actionnariat des 40 plus grandes entreprises françaises cotées à Paris.
Les véhicules d’investissements des familles ou fondateurs sont talonnés par les sociétés de gestion d’actifs qui détiennent 20,7% de l’indice, selon ce baromètre. La valeur des actions détenues par les familles s’élevait à 509 milliards d’euros fin 2021, année où le CAC 40 a grimpé d’environ 28%.
Le renforcement de l’actionnariat familial est ainsi lié à « un effet valeur » mais aussi à l’entrée dans l’indice d’Eurofins, géant français des laboratoires d’analyses à « l’actionnariat familial important », et de la famille Agnelli dans le cadre de la fusion de Peugeot-Citroën (PSA) et de Fiat-Chrysler (FCA) au sein de Stellantis, a commenté Nicolas Rivard, directeur des services de données d’Euronext au cours d’une conférence.
(avec AFP)
Revue de presse : Latribune.fr, 9 mars 2023