Le PIB du troisième trimestre a enregistré, en première estimation, une croissance de 2.2% pour les pays de la zone euro et de 2% pour les Etats-Unis (en variation trimestrielle). Le dernier trimestre de l’année devrait être moins dynamique compte-tenu des nombreuses perturbations que subissent les chaînes de production. L’industrie est ainsi confrontée à la hausse du prix de l’énergie et à une insuffisance des capacités d’approvisionnement pour de nombreux biens intermédiaires, difficultés qui se traduisent par une forte hausse des prix à la production. Ceux-ci ont ainsi progressé de 14.2% à fin septembre en Allemagne (en variation annuelle). La crise mondiale de l’énergie résulte d’une longue période de sous-investissement dans les énergies fossiles et d’une politique de transition énergétique encore confuse alors que la demande progresse plus rapidement que prévu. Il en résulte un recours accru au charbon, ce que l’on voulait éviter absolument car très polluant, une hausse des prix de l’électricité ainsi qu’un rationnement planifié se traduisant concrètement par des coupures de courant dans les usines de certains pays (Inde, Chine).
Le gouvernement Biden poursuit ses négociations pour faire adopter son plan de relance de 1700 milliards de dollars, montant plus limité que ce qui était initialement prévu. Ce plan devrait être axé sur l’éducation, la santé, le logement et la transition énergétique. Par ailleurs, le plan d’investissement dans les infrastructures de 550 milliards approuvé par le sénat cet été doit quant à lui être voté à la chambre des représentants. Le montant cumulé de ces deux plans correspond à environ 10% du PIB du pays, soit 2% du PIB annuel s’ils sont étalés sur 5 ans, ce qui est significatif. Il est probable que la Federal Reserve annonce le mois prochain la réduction progressive de ses achats mensuels d’obligations. Le marché commence par ailleurs à anticiper, un peu partout dans le monde, une remontée des taux courts. La Grande-Bretagne, la Russie, la Hongrie, le Brésil se sont déjà engagés sur cette voie et seront bientôt probablement suivies par l’Australie, le Canada, la Pologne et le Chili. Alors que le niveau des taux réels est extremement bas, cette question est particulièrement sensible compte-tenu de la masse de la dette accumulée. Bien entendu, les taux réels négatifs actuels contribuent au désendettement en termes relatifs (par rapport au PIB). Les Banquiers centraux prévoient maintenant un niveau d’inflation qui demeurerait plus élevé pour une période un peu plus longue (jusqu’à l’été 2022 ?), avant de s’infléchir. L’inflation américaine prévue par les marchés financiers à 5 ans s’est stabilisé un peu en deçà des 3%.
En Chine, les derniers indicateurs économiques décrivent un ralentissement lié à la fois à la lutte contre la pandémie et à la politique du gouvernement. La restructuration de l’économie chinoise par Xi Jinping est profonde et associe le concept de « prospérité commune » aux objectifs de transition énergétique, d’excellence technique, de sécurité géo-stratégique et de contrôle de l’endettement. Les autorités chinoises, confrontées à une crise dans le secteur de l’immobilier avec des faillites probables parmi les promoteurs (Evergrande, Modern Land, Oceanwide…), continuent d’injecter des liquidités, afin d’éviter tout risque systémique. L’effet dépressif sur la croissance, compte-tenu de l’importance du secteur de la construction en Chine, sera cependant sensible. Le prix de l’immobilier baisse pour la première fois depuis 2015, ce qui est très gênant pour les gouvernements locaux dont une grande partie des financements se fait par la vente de terrains constructibles.
Au Brésil, le président Jair Bolsonaro, cherchant à remonter dans les sondages avant les élections de 2022, a provoqué une crise politique en annonçant un plan de dépenses sociales non financées (il prévoie notamment un paiement de 400 reals par mois pour les brésiliens les plus pauvres) et contrevenant aux limites d’endettement prévues par la constitution. Ces mesures, en laissant présager plus d’inflation (actuellement supérieure à 10%) et un endettement plus élevé, ont provoqué une forte baisse de la devise et de la bourse brésilienne dans un contexte de remontée spectaculaire des taux par la banque centrale. Jair Bolsonaro est confronté à une dure réalité : Il est difficile pour les pays émergents de suivre la politique d’accompagnement social des pays européens, faute de moyens. Par ailleurs, le fait de passer outre les règles établies grâce à une « comptabilité inventive » est un précédant inquiétant. On notera que le marché brésilien, très volatil, est peu cher (le Bovespa se paie 8 fois les résultats anticipés des douze prochains mois) et intègre déjà beaucoup de mauvaises nouvelles.
Marchés
Les grands indices boursiers ont sensiblement progressé au cours du mois, accompagnant les publications de bénéfices meilleures qu’attendues et effaçant la baisse de septembre. En revanche l’indice du marché brésilien, le Bovespa, marque un recul important depuis fin juin dernier. Les taux d’intérêt et les spread de crédit sont quant à eux orientés à la hausse tandis que le Brent montait de près de 8% sur la période.
A court terme, les craintes de stagflation semblent exagérées, l’économie étant encore largement soutenue par des taux bas et des plans de relance, à la fois en Europe et aux Etats-Unis. Le rythme de croissance baisse, certes, mais il devait en être ainsi après les rebonds spectaculaires de la première partie de l’année. Il faudrait que les perturbations actuelles s’amplifient et perdurent pour devenir plus inquiets sur les risques de récession. La saison de publications des résultats, largement entamée, a dévoilé des bénéfices meilleurs qu’attendus dans la majorité des cas, tout en repoussant à 2022 les craintes sur les marges des entreprises. Celles-ci, très élevées, résistent pour l’instant à la crise énergétique et aux multiples perturbations auxquelles sont confrontés producteurs et distributeurs (notamment liées au transport maritime, aux semis-conducteurs et aux produits de base). Point d’attention : la réaction du marché a plutôt été limitée lors des bonnes surprises et significative dans le cas contraire, ce qui laisse penser qu’une période de consolidation serait la bienvenue. Dans une perspective plus longue, il convient d’être particulièrement prudent au regard de nouvelles orientations des politiques monétaires des banques centrales très liée aux décisions politiques et avec des périodes d’inflexion pouvant s’étaler sur plusieurs années. Les forces déflationnistes que nous connaissons depuis plusieurs décennies perdurent. Les banques centrales, autrefois garantes de la stabilité monétaire sont aujourd’hui les principaux acteurs des plans de relance qu’elles financent, se liant ainsi au pouvoir politique et leur permettant de s’affranchir, pour un temps, de toute discipline budgétaire. Cette évolution est notable tandis que le dirigisme prégnant des états contraste avec la période libérale que nous avons vécue jusqu’à la grande crise financière de 2008. Dans ce contexte, une certaine diversification des styles de gestion est recommandée, associant, au moins en partie, des fonds « value » ou « blend » aux fonds privilégiant les valeurs de croissance. Le style de gestion « croissance » qui a prédominé ces quarante dernières années pourrait en effet être remis en cause par des mouvements significatifs sur les marchés de taux et par une nouvelle donne politique. Il s’agit aussi de profiter des zones géographiques et des secteurs encore faiblement évalués ce qui devrait permettre de réduire le risque des portefeuilles.
Sources principales : Banque de France, Federal Reserve, FMI, OCDE, BIS, BEA, BCE, BOJ, BOC, Bloomberg, Reuter, Facset, Financial Times, CGPConseil, Agence Internationale de l’Energie, OMC, INSEE, Euler Hermès, Coface, MIT, ISTAT.