L’excès d’épargne des ménages américains a repoussé le début de la récession
La conjoncture mondiale est plutôt meilleure qu’attendue, en particulier aux Etats-Unis. La faiblesse de l’activité manufacturière est pour l’instant largement compensée par la bonne tenue des services. La résistance de l’économie américaine provient principalement de l’excès d’épargne des ménages accumulée pendant le confinement. Il est vrai que la grande particularité de la crise sanitaire que nous avons connue a été l’explosion des déficits publics qui sont venus alimenter les comptes des ménages et des entreprises. S’il s’agit bien de la cause principale qui nous a permis jusqu’ici d’échapper à une récession outre-Atlantique, il convient d’évaluer le montant qu’il reste aux ménages pour soutenir leur consommation. De 2020 à 2021, le gouvernement des Etats-Unis a ainsi injecté quelque 5000 milliards de dollars dans l’économie américaine, rendant la récession de 2020 unique dans l’histoire. L’augmentation des aides aux ménages à un moment où ceux-ci, confinés, réduisaient sensiblement leur consommation, a généré un excès d’épargne gigantesque (2 100 milliards de dollars ?).
Selon la Réserve Fédérale de San Francisco, 1 600 milliards de cette épargne exceptionnelle auraient déjà été dépensés. A ce rythme, l’excès d’épargne aura disparu à la fin de l’été (certains économistes ont une estimation allant jusqu’à la fin de l’année voire au premier trimestre 2024). Ces données sont bien sûr des estimations, mais elles expliquent clairement la particularité du cycle que nous vivons et les raisons pour lesquelles l’activité se maintient. Les composantes cycliques de l’économie continuent cependant de montrer des signes de fragilité tandis que le marché de l’emploi s’affaiblit lentement. Le débat est ainsi vif entre les économistes qui pensent maintenant qu’il sera possible d’éviter une récession et ceux qui penchent vers un dénouement différé. La persistance nécessaire de la lutte contre l’inflation soit, en d’autres termes, le maintien des taux directeurs à un niveau élevé et leurs effets dépressifs différés sur la conjoncture, militent pour une certaine prudence.
Europe : la BCE poursuit sa lutte contre l’inflation
En Europe, plusieurs indicateurs économiques publiés sont inférieurs aux attentes. Le PIB allemand a ainsi été révisé à la baisse sur le premier trimestre avec une croissance de -0.3%, en glissement trimestriel, qui fait suite à une baisse de -0.5% sur le quatrième trimestre de l’année dernière, ce qui correspond à la définition d’une récession, mineure toutefois. En France, l’Insee souligne que son indice sur le climat des affaires se replie pour le troisième mois consécutif. La croissance apparaît toujours mieux orientée en Europe du sud, en particulier en Italie. A noter par ailleurs, la dégradation de la note de la France par Fitch de AA à AA-, en raison des fortes dépenses du gouvernement lors de la crise sanitaire, et la faiblesse des perspectives de croissance de notre pays.
En France, l’inflation s’est élevée à 6.89% en avril soit à peu près au même niveau que celui de la zone euro (+6.97%). Ce sont les produits alimentaires qui sont maintenant les premiers contributeurs à la hausse des prix, devant les prix des services qui devraient rester soutenus au cours de la saison estivale. La contribution de l’énergie s’est par contre effondrée. La BCE poursuit la hausse de ses taux par petits pas tout en écartant l’idée d’un pause prochaine. Deux hausses supplémentaires de 25 points de base sont donc attendues en juin et juillet prochains, ce qui devrait porter son taux de refinancement à 4.25%.
Japon : vers un changement de politique monétaire ?
Au Japon, le nouveau gouverneur devrait infléchir sa politique monétaire alors que l’inflation sous-jacente ne cesse d’accélérer et atteint maintenant 4.1%, tandis que la croissance devrait être de l’ordre de 1.1% cette année. Si l’ajustement de la politique monétaire devrait être progressif, c’est que les autorités monétaires japonaises doutent encore de la soutenabilité de l’inflation, la progression des salaires demeurant trop faible. En attendant, la faiblesse du yen, des salaires et des taux d’intérêts donnent un avantage compétitif important aux industriels japonais.
LES MARCHES
Le mois dernier a été marqué par la hausse impressionnante de toutes les valeurs liées à l’intelligence artificielle, Nvidia en tête, mais aussi par un rebond du dollar, une remontée du 10 ans américain, la persistance de l’inversion de la courbe des taux américaine et le recul prononcé des valeurs chinoises. Ainsi, le MSCI China enregistre une baisse de 17% environ depuis fin janvier dernier sous l’effet d’un tassement du rebond conjoncturel et d’une consommation quelque peu décevante. Le MSCI China se paie maintenant moins de 10 fois les bénéfices attendus sur les 12 prochains mois, soit une décote de 20% environ sur son niveau de valorisation de long terme ce qui illustre bien l’ampleur du sentiment négatif des investisseurs sur ce marché.
La hausse des estimations de résultats attendus en particulier en Europe, l’engouement pour le thème de l’intelligence artificielle et le recul de l’inflation ont permis au marché de se stabiliser à un niveau élevé ces dernières semaines. A moyen terme, la poursuite des politiques monétaires restrictives par les principales banques centrales incite à conserver un biais prudent. Le plafond de la dette devrait par ailleurs se traduire par des dépenses publiques moins généreuses aux Etats-Unis. L’écart de valorisation entre l’Europe et les Etats-Unis s’est accentué du fait de la hausse du secteur de la technologie et en particulier celui de l’intelligence artificielle. Nous ne sommes qu’au début d’une vague d’innovation dont le scénario le plus optimiste prévoit une augmentation générale de la productivité.
Sources principales : Agence Internationale de l’Energie, Banque de France, BIS, BEA, BCE, BOJ, BOC, Bloomberg, CGPConseils, Coface, Euler Hermès, Facset, Federal Reserve, Financial Times, FMI, INSEE, ISTAT, OCDE, OMC, MIT