Retour sur les marchés – Avril 2024

Alors que l’Europe continue de montrer des signes de reprise, la situation conjoncturelle devient plus difficile à analyser aux Etats-Unis, avec la publication de signaux contradictoires, ce qui explique pour partie l’accroissement sensible de la volatilité sur les marchés financiers ces dernières semaines même si ceux-ci ont réussi à conserver l’essentiel des gains enregistrés depuis le début de l’année.

Une inflexion de la conjoncture qui vient compliquer la tâche de la réserve Fédérale

Aux Etats-Unis, les enquêtes de confiance marquent des signes de ralentissement. Les nouvelles commandes sont ainsi en contraction en avril par rapport à mars. Cette nouvelle tendance, si elle se confirme, devrait militer pour une inflexion de la politique monétaire de la Fed. Le souci provient des derniers chiffres sur l’évolution des prix : en avril, l’indice d’inflation et l’indice du prix des services aux Etats-Unis progressaient respectivement de 3.48% et de 5.26% en variation annuelle. La normalisation des salaires prend du temps et demeure incertaine. Par ailleurs, le prix des matières premières, pétrole et cuivre en particulier, rebondit sensiblement depuis le début de l’année tandis que la consommation, sous l’effet d’une évolution favorable des salaires réels est toujours bien orientée. Notons que la poursuite du ralentissement de la hausse des salaires demeure l’hypothèse majoritaire des investisseurs. Enfin, les élections américaines constituent un élément perturbateur pour la Fed avec la possibilité d’une aggravation du déficit public américain. Ainsi, Trump propose une réduction du taux d’imposition des classes moyennes et une pérennisation des baisses d’impôts adoptées en 2017. Républicains et Démocrates s’entendent par ailleurs sur un durcissement des relations commerciales avec la Chine. Bien sûr, l’application de ces mesures nécessiterait une majorité dans les deux chambres du Congrès, alignée sur le Président élu.

Dans la zone euro, la tendance des prix est un peu plus favorable avec une inflation hors énergie et alimentation qui permet toujours d’envisager une première baisse des taux par la BCE cet été. Par ailleurs, les salaires réels soutiennent l’activité qui demeure relativement faible mais qui progresse. La dernière publication du PMI composite de la zone euro (estimations préliminaires des enquêtes auprès des directeurs d’achat des entreprises) progresse en territoire d’expansion, passant de 50.3 en mars à 51.4 pour le mois d’avril. L’amélioration porte une fois de plus sur les services tandis que le secteur manufacturier demeure en contraction. Le rebond de la croissance sur le vieux continent devrait devenir de plus en plus net d’ici à 2025.

La forte progression de la dette publique en occident est bien évidemment un facteur de fragilisation de nos économies, en particulier dans un contexte de taux réels qui ont beaucoup progressé. Les pays émergents hors Chine ont, en moyenne, été beaucoup plus sages ce qui devrait leur permettre de bénéficier très largement du prochain cycle de baisse des taux.

L’Inde, futur moteur de la croissance mondiale ?

Les élections des députés du Lok Sabha, chambre basse du parlement indien ont lieu en ce moment même. Le processus électoral de ces élections est un exercice logistique impressionnant, mobilisant des millions de fonctionnaires et reflétant la complexité et la diversité de la démocratie la plus peuplée au monde. Ces élections se déroulent en sept phases étalées sur plusieurs semaines, du 19 avril au 1er juin 2024, avec la participation de près d’un milliard d’électeurs. La Commission électorale de l’Inde, autorité indépendante et neutre, supervise l’ensemble du processus depuis la préparation des listes électorales jusqu’à la proclamation des résultats. Le vote électronique, introduit en 2004, est une caractéristique notable du système électoral indien, visant à accroître l’efficacité et à réduire les fraudes. L’électeur utilise une machine prévue à cet effet dans un isoloir et appuie sur un bouton correspondant à son choix. Les campagnes les plus reculées sont censées pouvoir proposer un accès à un bureau de vote éphémère mis en place pour cette occasion. Le Bharatiya Janata Party (BJP) du Premier ministre Narendra Modi est toujours bien positionné et son objectif de gagner 400 sièges avec ses alliés au parlement pourrait être atteint. Cela lui permettrait d’atteindre une majorité des deux tiers et donc de pouvoir modifier la constitution indienne. Il s’agit pour Modi qui brigue un troisième mandat d’accroître la domination de son parti et de poursuivre sa politique. Les résultats des dernières élections régionales (décembre 2023) ont montré la popularité du BJP au détriment du parti du Congrès, son principal opposant. Le récit national mis en avant par le BJP est celui d’une Inde qui progresse et se développe sur le plan économique, courtisée dans le concert des nations et centrée sur son hindouité (langue, religion, histoire) au détriment des autres communautés vivant en Inde, musulmans et chrétiens.

Face au BJP, le parti du Congrès a créé une alliance qui regroupe des partis régionaux, dominants dans certains États, comme le TMC (Trinamool Congress) au Bengale ou le DMK (Dravida Munnetra Kazhagam) au Tamil Nadu, et de nombreux partis à fondements religieux, comme la Ligue musulmane, ou idéologique (les deux partis communistes du Bengale et Kerala). Cette opposition est théoriquement importante à l’échelle nationale mais demeure éclectique et beaucoup moins bien organisée que le BJP qui domine largement les médias officiels et les réseaux sociaux.

 L’économie indienne enregistre depuis plusieurs années une croissance remarquable. Elle a bénéficié ces dernières années d’une grande réforme fiscale, d’une réforme du système bancaire et du développement des infrastructures numériques. Son rythme de croissance démographique a sensiblement baissé ces dernières années, passant de 1.33% en 2012 à 0.68% en 2022. Mais sa population qui a sans doute dépassé celle de la Chine en 2023 demeure jeune avec un âge médian de 28 ans contre 39 ans pour la Chine ou les Etats-Unis. Une politique propice au développement du secteur privé, un contexte géopolitique qui lui est favorable et un potentiel de développement d’une industrie manufacturière nationale compétitive sont autant de facteurs qui soulignent le potentiel de croissance élevé de l’Inde. Certes les problèmes ne manquent pas : la pauvreté rurale est frappante, le chômage des jeunes très élevé (près de 45% en 2023), les infrastructures sont très insuffisantes, le statut des femmes laisse songeur tandis que les scandales pour corruption et mauvaise gouvernance sont nombreux.

Du point de vue financier, la bourse indienne est maintenant la cinquième du monde avec un niveau de valorisation qui reflète l’engouement des investisseurs nationaux et internationaux, convaincus des perspectives favorables de croissance du pays. Elément remarquable, la croissance bénéficiaire n’a rien à envier au S&P 500 ces dernières années, les profits des entreprises cotées progressant pratiquement autant que les indices boursiers indiens (Nifty 50 et Sensex). Le ratio capitalisation boursière sur PIB indien est aujourd’hui de l’ordre de 1.2 tandis que le ratio cours sur bénéfices attendus pour les 12 prochains mois s’élève à 20 fois contre 17,5 fois en moyenne ces douze dernières années. Un marché donc un peu cher à court terme mais qui devrait conserver toute l’attention des investisseurs pour le prochain cycle.

Marchés

Les principaux indices boursiers sont en baisse au cours du mois suite à des prises de bénéfices sur des niveaux élevés, à la publication de chiffres d’inflation plutôt mauvais aux Etats-Unis et à la remontée des taux longs. Les indices chinois, qui viennent de loin, ont quant à eux poursuivi un rebond débuté fin janvier dernier. Le dollar a retrouvé une certaine vigueur dans cet environnement. Le niveau de volatilité augmente sensiblement illustrant parfaitement les doutes sur l’évolution des politiques monétaires de ces prochains mois.

Les investisseurs sont maintenant devenus assez pessimistes sur l’évolution des taux directeurs aux Etats-Unis, passant de six baisses anticipées, pour l’ensemble de l’année 2024, le premier janvier dernier à une seule aujourd’hui. L’excès d’optimisme il y a quelques mois a donc été largement corrigé, trop peut-être. La probabilité d’une récession outre-Atlantique a encore diminué (20% de probabilité) tandis que le scénario d’une persistance de l’inflation progresse un peu (20% de probabilité). C’est bien sûr cette dernière hypothèse qui inquiète en ce moment les investisseurs. Il est vrai que les politiques protectionnistes, les risques de guerres commerciales, les investissements pour la transition énergétique et la remontée des budgets alloués à la défense sont tous des éléments inflationnistes. A contrario, une amélioration de la productivité et une détente sur le marché du travail (via notamment l’émigration et la progression des taux de participation) seront des éléments stabilisants de l’évolution du niveau général des prix.

Sources principales : Banque de France, Federal Reserve, CGPCONSEILS, FMI, OCDE, BIS, BEA, BCE, BOJ, BOC, Bloomberg, Reuter, Facset, Financial Times, Agence Internationale de l’Energie, OMC, INSEE, Euler Hermès, Coface, MIT, ISTAT.

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