Actualité des marchés – décembre 2022

Vers un ralentissement de la hausse des taux directeurs ?

 Alors que l’activité décline globalement, le rythme de hausse des taux directeurs destinés à contrôler l’inflation est appelé à ralentir début 2023. La hausse serait donc modérée en 2023, et nous serions presque arrivés au bout de nos peines. Les derniers chiffres de l’inflation sont en recul, mais demeurent toujours élevés et s’accompagnent d’un rebond des salaires qui ne doit pas rassurer la Fed. Ainsi, la question n’est pas seulement jusqu’où les taux monteront, mais aussi pendant combien de temps ils demeureront à un niveau élevé.

Nos indicateurs avancés militent pour une baisse sensible de l’inflation en 2023, mais il semble prématuré d’envisager une réorientation de la politique monétaire des banques centrales alors que nous sommes encore très loin de l’objectif des 2%. Le dernier chiffre d’inflation aux Etats-Unis s’élevait à 7.1%, tandis que la Fed prévoit de remonter ses taux directeurs à 5.1% d’ici à la fin 2023, ce qui est supérieur à ce qui est aujourd’hui anticipé par le marché (4.6%). En d’autres termes, les marchés pensent que la bataille contre l’inflation est gagnée, avis que la Fed juge prématuré. Il faudrait aujourd’hui une forte contraction de l’activité pour qu’elle change d’avis. De son côté, la BCE a adopté une posture ferme et déterminée pour lutter contre l’inflation avec deux hausses probables de 50 points de base de ses taux directeurs en février et mars prochains, ce qui les porteraient à 3.5%. Outre la lutte actuelle contre l’inflation, la BCE va devoir prendre en compte les effets de la politique européenne de transition énergétique qui provoquera à moyen terme une inflation plus forte. L’adoption par les pays membres de la réforme du marché carbone qui acte la réduction des « permis à polluer » de 65% d’ici 2030 par rapport à 2005, ainsi que la suppression des quotas d’émission gratuits distribués aux industriels européens d’ici 2034 en est un exemple significatif. Elle s’accompagne logiquement de l’instauration d’une taxe carbone aux frontières. L’application de ces mesures est encore conditionnée par leur approbation par le Conseil européen et par le Parlement. Une inflation structurellement plus élevée justifie des taux d’intérêt supérieurs pour ces prochaines années

Le mois de décembre a été marqué par deux surprises venues d’Asie, l’une sur le plan sanitaire, l’autre sur le plan monétaire. Ainsi, après avoir mené une politique sanitaire particulièrement coercitive ces dernières années, la Chine a finalement effectué un virage à 180 degrés en abandonnant les unes après les autres les mesures limitant la circulation des personnes et en mettant un terme aux multiplications des tests pour détecter les personnes infectées. A partir du 8 janvier, les voyageurs en provenance de l’étranger ne seront plus soumis à une période d’isolement de 8 jours. Les autorités chinoises qui ont surpris tout le monde, expliquent que la lutte contre la covid est désormais moins prioritaire. Il s’agit maintenant de passer d’une politique de prévention des infections à celle permettant de vivre avec la maladie, changement justifié par le fait que le virus serait moins virulent. Ce changement radical fait suite aux mauvais résultats économiques ainsi qu’à la multiplication des manifestations de mécontentement de la population. Anecdotiquement, il semble que la population chinoise ait été frappée par l’image d’une foule sans masque, heureuse et insouciante, dans les tribunes des stades pendant la coupe du monde de football, en contradiction totale avec le discours officiel. Cette libération devrait permettre un rebond significatif de la consommation des ménages chinois en 2023, même si à court terme, un certain chaos est à craindre compte tenu de la vague d’infections actuelle dont l’ampleur est difficile à estimer. Si l’on assiste à une envolée du nombre de cas, les données mesurant la circulation automobile dans les grandes villes de l’est confirment déjà un rebond de l’activité où, selon le corps médical, les contaminations devraient atteindre leur pic en janvier 2023. La seconde surprise du mois a été la modification de la politique monétaire au Japon. Le pays du soleil-levant commence à être confronté à des pressions inflationnistes avec un indice en hausse de 3.8% en novembre dernier. Cette tendance qui illustre la diffusion progressive de l’inflation à l’ensemble de l’économie a conduit la Banque du Japon à amorcer un début de normalisation de sa politique monétaire. Elle était la dernière grande banque centrale à maintenir jusqu’ici une politique de taux à zéro pourcent. Le taux à 10 ans pourra dorénavant fluctuer de 50 points de base autour de la cible de 0% contre 25 points de base précédemment. L’évolution est somme toute très modeste, mais a suffi pour faire rebondir le yen contre dollar.

LES MARCHES

Les principaux indices boursiers ont reculé au cours du mois, à la suite il est vrai de l’impressionnant rebond des deux mois précédents. Le marché américain (S&P 500) a en particulier été sensible au discours très ferme de la Fed. La Chine s’est quant à elle distinguée avec une hausse liée à l’annonce du déconfinement tant attendu par les investisseurs.

L’optimisme récent du marché illustré par un rebond prononcé depuis les plus bas de septembre dernier, s’est fondé sur l’anticipation d’un changement de politique monétaire de la Fed suite à la publication de chiffres d’inflation en net repli. Le mouvement avait été particulièrement violent car il s’inscrivait à partir de niveaux d’indices très bas, associés à des niveaux de valorisation faibles ou modérés selon les marchés et prenant à contrepied nombre d’investisseurs. Le corollaire de cette anticipation de « pivot » de la banque centrale américaine est que le marché espère éviter une récession sévère. Ce raisonnement implicite des investisseurs nous semble optimiste car il faudra du temps pour que l’inflation revienne sous contrôle, ce qui signifie que la politique monétaire doit demeurer restrictive. Si l’inflation et ses indicateurs avancés baissent, nous sommes encore très loin des 2% souhaités (objectif des banques centrales). Les périodes de durcissement monétaires sont historiquement propices aux mauvaises surprises provenant des entreprises, tandis que la courbe des taux, qui est depuis plusieurs mois en territoire négatif est un présage préoccupant. Enfin, le dernier mouvement de la Banque du Japon marque selon nous la fin de l’ère des taux négatifs, et nous n’anticipons pas un retour des taux d’intérêt — y compris après la baisse de l’inflation — aux niveaux extrêmement bas qui ont été la norme ces dernières années. Le prochain cycle sera très différent de celui que nous avons connu. Dans ce contexte, alors que l’activité ralentit en Occident, que les prévisions de bénéfices commencent à être revues à la baisse, que le niveau d’endettement est élevé dans un contexte de durcissement des politiques monétaires et de fortes tensions géopolitiques, et que le niveau de valorisation du marché américain nous paraît encore élevé par rapport au régime d’inflation actuel, nous conservons un positionnement prudent. Cependant, tout n’est pas négatif. La Chine devrait renouer avec la croissance et les multiples de valorisation se sont largement dégonflés en 2021, avec un niveau de valorisation des actions européennes maintenant modéré, voire faible pour les secteurs cycliques (pétrole, automobile, banques, produits de base…). Le dilemme pour l’investisseur vient du fait que ce sont justement des secteurs que l’on évite habituellement au début d’une récession. La grande question, aussi bien pour les Etats-Unis que pour l’Europe, porte sur l’ampleur de la correction sur les bénéfices qui nous attend pour l’année 2023.

Sources principales : Agence Internationale de l’Energie, Banque de France, BCE, BEA, BIS, Bloomberg, BOJ, BOC, CGPConseils, Coface, Euler Hermès, Facset, Federal Reserve, Financial Times, FMI, INSEE, ISTAT, MIT, OCDE, OMC, Reuter.

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