D’après l’article publié par L’Usine Nouvelle
Avec près de 70 % des dirigeants de petites entreprises familiales âgés de plus de 50 ans, la question de la transmission devient cruciale en France. Certaines familles anticipent ce passage avec méthode, d’autres se laissent surprendre, au risque de fragiliser la pérennité de l’entreprise.
Transmission : un enjeu stratégique pour les entreprises familiales
Une préparation de long terme
La transmission se prépare en moyenne dix ans à l’avance, le temps d’impliquer les jeunes générations et d’asseoir une gouvernance adaptée. Sans anticipation, le risque est grand : conflits familiaux, perte de valeur, voire disparition de l’entreprise.
Exemple du groupe Fournier
Chez le fabricant de meubles de cuisine Fournier, un travail de clarification intergénérationnel a été mené avec l’appui d’un cabinet spécialisé. Des questionnaires anonymes ont permis de révéler l’engagement des plus jeunes dans le projet d’entreprise, sécurisant ainsi le passage de la troisième à la quatrième génération.
Quand la direction sort du cercle familial
Le cas Prova
Muriel Acat-Vergnet, présidente de Prova (arômes alimentaires), a envisagé la nomination d’un directeur général extérieur à la famille, ses enfants ne souhaitant pas reprendre la direction malgré leur attachement à l’actionnariat.
Le cas Septodont
Olivier Schiller, petit-fils des fondateurs, a cédé en 2025 la direction générale à Karim Khadr, cadre expérimenté recruté dès 2021.
D’autres exemples marquants
Bic et OPmobility ont suivi la même logique : confier la direction à des managers externes lorsque la relève familiale n’était pas prête.
Les modèles de gouvernance interne
Mandats tournants chez Maped
Les frères Lacroix ont adopté une présidence tournante de trois ans pour éviter les tensions. Chaque frère supervise une partie durable de l’activité.
L’exemple Sodexo
Pour trancher entre plusieurs héritiers, l’entreprise a eu recours à un comité de sages qui a nommé Sophie Bellon PDG en 2012.
Pacte Dutreil : un dispositif fiscal sous pression
Un outil clé de transmission
Créé en 2003, le pacte Dutreil permet d’exonérer 75 % de la valeur d’une entreprise transmise en échange d’un engagement de conservation des titres pendant six ans. En cas de donation avant 70 ans, une réduction supplémentaire de 50 % s’applique.
Un coût contesté
Évalué entre 800 M€ et 2 Md€ pour les finances publiques, il est critiqué par certains parlementaires. Une proposition de loi a tenté de réduire son impact en juin 2025, sans succès.
La défense des entreprises
Pour Philippe Pelé-Clamour (HEC), le pacte est essentiel pour maintenir la compétitivité fiscale française face à ses voisins européens.
Gouvernance : une condition essentielle à la réussite
Structurer les organes de gouvernance
- Fournier a renforcé son conseil de surveillance avec des administrateurs indépendants.
- Brault Métallerie a créé un conseil de famille et un comité de direction pour impliquer l’ancien dirigeant sans lui laisser de rôle opérationnel.
La charte familiale
Chez Septodont, un document impose aux héritiers d’avoir cinq ans d’expérience externe avant de rejoindre l’entreprise, garantissant leur légitimité auprès des salariés.
Conclusion : anticiper, structurer, professionnaliser
La transmission d’une entreprise familiale n’est jamais simple. Elle exige de :
- préparer tôt la relève,
- clarifier les rôles entre famille et dirigeants externes,
- sécuriser le cadre fiscal (pacte Dutreil),
- et structurer la gouvernance pour assurer la pérennité.
Au-delà des chiffres, c’est un enjeu humain : maintenir le lien affectif des familles à leur entreprise tout en assurant la continuité et la croissance.