Retour sur les marchés – novembre 2024

La reprise économique en Europe se fait toujours attendre. La hausse du pouvoir d’achat des ménages induite par la hausse des salaires devrait progressivement soutenir la consommation des ménages mais, pour l’instant, ceux-ci préfèrent épargner. Les indices de confiance ne se redressent pas.
La BCE devrait poursuivre son cycle de baisse des taux, même si elle souhaite avancer prudemment. Aux Etats-Unis, la situation inverse prévaut, le PIB du troisième trimestre 2024 ayant progressé de 2.8% soit à un rythme supérieur à son potentiel de croissance estimé à moins de 2%. De l’autre côté du globe, la Chine pourrait annoncer de nouvelles mesures de soutien de grande ampleur afin de compenser une éventuelle baisse de ses exportations vers les Etats-Unis du fait de nouvelles taxes douanières.

La croissance économique déçoit en Europe

Alors que l’inflation est revenue à un niveau raisonnable et que la BCE baisse progressivement ses taux directeurs, les gains de pouvoir d’achat des ménages auraient dû soutenir la croissance et être le moteur d’une reprise de l’activité sur le vieux continent. Pour l’instant, il n’en n’est rien. Les ménages épargnent. Et la croissance économique, de l’ordre de +0.80% en 2024 pour la zone euro, est toujours sensiblement inférieure à son potentiel.

La situation est assez hétérogène sur le vieux continent : la croissance en Espagne est toujours très satisfaisante, l’Allemagne souffre d’une forte perte de compétitivité de son industrie et la France est en proie à une crise de confiance. La trajectoire de notre dette publique est inquiétante et le pouvoir politique en place, fragilisé par les dernières élections, aura du mal à imposer des changements d’orientations nécessaires au respect des grands équilibres.

Le dernier excédent budgétaire français remonte à 1974. Une bonne gestion nécessiterait de réorganiser l’allocation des ressources soit, en d’autres termes mieux gérer hommes et capitaux, plutôt que d’augmenter à nouveau la pression fiscale, déjà élevée dans le pays. De telles réformes ne semblent pas à l’ordre du jour. Plus généralement, l’Europe souffre d’un excès de règlementation et d’une perte de compétitivité liée au prix de l’énergie consommée. C’est un défi majeur pour l’industrie et en particulier pour celle de l’Allemagne avec la menace de voir se poursuivre les réimplantations de centres de production vers les Etats-Unis ou vers la Chine.

Quels sont donc aujourd’hui les espoirs de reprise ?

Tout d’abord, la BCE devrait poursuivre son cycle de baisse des taux. L’inflation est aujourd’hui à 2% et ses taux directeurs à 3.40% (taux de refinancement soit le taux d’intérêt auquel les banques commerciales empruntent de l’argent à la BCE pour une durée de sept jours dans le cadre des opérations principales de refinancement). Un taux réel de +1.40% est élevé et pourrait facilement être divisé par deux. Face à une politique monétaire encore restrictive mais qui devrait se détendre rapidement, les efforts de rééquilibrage budgétaire pèsent cependant toujours sur la croissance. Le déficit budgétaire de la zone euro est passé de -7% en 2020 (crise sanitaire) à -3.7% en 2023 avec un objectif de poursuite de l’effort, sachant que le refinancement de la dette publique va progressivement (compte-tenu d’une maturité moyenne est de l’ordre de 8 ans) alourdir les charges.

La France est dans la pire situation des pays de la zone euro, alliant un déficit élevé et un niveau d’endettement élevé. Toutefois, il suffirait que des mesures crédibles soient prises pour que les taux portant sur la dette souveraine se détendent à nouveau. A contrario, l’incapacité du gouvernement à faire voter le budget pèserait sur la confiance des ménages et des entreprises et donc in fine sur la croissance économique.

La situation de l’Allemagne, ancien champion du vieux continent, mérite son attention. Sa croissance, très inférieure à celle de la zone euro, stagne maintenant depuis 10 ans. Le pays offre cependant des marges de manœuvre budgétaires importantes compte-tenu de son endettement relativement faible. L’industrie allemande se heurte à une perte de compétitivité inquiétante liée d’une part au renchérissement du coût de l’énergie (du fait de la transition vers l’énergie verte et de l’arrêt de l’approvisionnement en gaz russe bon marché) et, d’autre part, à la concurrence très forte des industriels chinois qui ont beaucoup progressé technologiquement et dominent maintenant des secteurs stratégiques pour l’Allemagne comme l’automobile. Il en résulte une baisse de l’investissement industriel, des réductions de capacités de production, des fermetures de sites industriels qui partent vers la Chine ou les Etats-Unis et un taux d’épargne élevé des ménages.
Les prochaines élections législatives fédérales qui ont été avancées au 23 février 2025 pourraient déboucher sur une politique plus favorable aux entreprises (réduction d’impôts, simplification des démarches administratives notamment). Mais il semble que l’espoir principal de l’Allemagne et de ses voisins tient à la possibilité de s’approvisionner en énergie à des prix raisonnables et donc à une paix en Ukraine qui, rappelons-le, est un objectif de la nouvelle administration américaine.

MARCHÉS

L’élection de Trump a soutenu le dollar et les actions américaines dont l’avance s’est accrue par rapport au reste du monde. Les petites et moyennes capitalisations américaines ont en particulier fêté l’élection du nouveau président américain.
Les autres marchés sont en général demeurés hésitants, faute d’indicateurs économiques plus favorables et dans l’attente de la mise en place des mesures annoncées par Trump. Le CSI 300 (indice des actions chinoises) se maintient à un niveau élevé, les investisseurs espérant de nouvelles annonces spectaculaires du gouvernement chinois pour relancer la croissance.
La dette des pays émergents en devise locale souffre de la vigueur du dollar en dépit de taux réels relativement élevés.

Les prochains mois demeurent particulièrement incertains tant il est difficile de prévoir dans quelles mesures les taxes annoncées par Trump sur les importations américaines seront réellement mises en place. Appliquées telles quelles, elles provoqueraient probablement une récession en Chine et au Mexique, un fort ralentissement de la croissance dans d’autres régions du monde (Vietnam, Malaisie…) ainsi qu’un rebond de l’inflation aux Etats-Unis. Mais elles pourraient aussi déboucher vers des négociations bilatérales dont les effets seraient finalement limités. L’inflation est certainement le premier facteur explicatif de la défaite de Biden. Enfin, un accord de paix en Ukraine devient plus probable
ce qui bénéficierait en particulier à l’Europe.

Sur les marchés du crédit en euros, les anticipations de baisse de l’inflation et d’amélioration progressive de la conjoncture ont provoqué un resserrement assez sensible des spreads de taux. Ce segment de marché est donc maintenant bien valorisé et même peut-être un peu cher. Les actions, indexées par nature sur la croissance nominale, sont quant à elles relativement immunes au risque de résurgence de l’inflation, hors période de récession.
Leur niveau de valorisation est actuellement modéré en Europe avec une forte décote sur les secteurs cycliques (Banque, Automobile, Pétrole et Ressources Naturelles) qui ne peut s’expliquer qu’en partie par une analyse de leurs fondamentaux. Les actions américaines, portées par une belle dynamique bénéficiaire depuis deux ans semblent cependant vulnérables si l’on considère leur prime de risque, aujourd’hui très faible.

Sources principales :
Agence Internationale de l’Energie, Banque de France, BCE, BEA, BIS, Bloomberg, BOJ, BOC, CGP Conseils, Coface, Euler Hermès, Facset, Federal Reserve, Financial Times, FMI, INSEE, ISTAT, MIT, OCDE, OMC, Reuter.

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