Retour sur les marchés – Janvier 2025

Marché financier

La croissance mondiale devrait être relativement stable en 2025 avec, en toile de fond, l’hypothèse d’un léger rebond de l’activité en Europe. L’inflation a cessé de baisser depuis l’été dernier des deux côtés de l’Atlantique alors que les prix des services, sous l’effet des hausses de salaires, demeurent trop élevés. La Fed entre maintenant dans une phase d’attente, par rapport au cycle de baisse des taux. Les politiques monétaires présentent des  divergences inhabituelles, la Federal Reserve souhaite être relativement prudente, la Banque du Japon releve ses taux, la Banque de Chine multiplie les mesures de soutien. La BCE semble, quant à elle, confiante dans la poursuite du processus de désinflation en Europe…

Dans cet environnement, une grande incertitude porte sur les mesures concrètes de la nouvelle administration américaine. Trois grandes orientations politiques, mises en avant par Trump au cours de sa campagne présidentielle, doivent ici être considérées.

Premièrement, le nouveau président souhaitait que la banque centrale américaine adopte une politique monétaire beaucoup plus accommodante. Bien entendu, la remise en cause de l’indépendance de la Fed, que nous jugeons improbable car particulièrement néfaste, modifierait considérablement les anticipations des acteurs économiques. Il s’ensuivrait probablement une remontée sensible de l’inflation et un ajustement des taux d’intérêts réels qui serait in fine dommageables à l’économie américaine. La Banque Centrale américaine a clairement marqué son indépendance lors de son dernier communiqué, notamment en maintenant pour un temps ses taux directeurs au niveau actuel. Cela semble justifié, tout d’abord, parce que l’inflation a cessé de baisser depuis l’été dernier et ensuite, parce que le programme économique de Trump demeure incertain quant à son champ d’application.

Deuxièmement, Trump avait fait campagne sur sa volonté de contrôler l’immigration aux Etats-Unis et de reconduire à la frontière des millions de personnes qui sont dans une situation illégale. Dans les faits, une part importante de la croissance de la population active provient de l’immigration dont un quart est sans doute illégal alors que le marché du travail sort à peine d’une situation de surchauffe. La croissance naturelle de la population américaine (341 millions d’habitants) est aujourd’hui très faible, de l’ordre de 0.15%. Sa croissance liée à l’immigration est estimée à +0,35% environ, ce qui permet à la population américaine de croître à un rythme d’environ 0.50%, ces chiffres pouvant varier sensiblement d’une année sur l’autre. Aujourd’hui, environ 15% de la population active est constituée de personnes qui ne sont pas nées aux Etats-Unis. Les Etats-Unis compteraient environ 7 millions de travailleurs immigrés illégaux. Les secteurs de la construction et de l’agriculture en sont les premiers employeurs. La nouvelle politique de Trump sur l’immigration aura donc un impact sur l’inflation et sur la croissance. Selon un article publié par le Peterson Institute, la déportation de 1,3 million d’immigrés augmenterait l’inflation de 0,5 point et réduirait la croissance de 1,3 point ces trois prochaines années par rapport aux projections n’intégrant pas ces nouvelles mesures.

Troisièmement, Trump a pour objectif de faire renaître l’industrie américaine qui, il est vrai, a beaucoup perdu en compétitivité depuis cinquante ans. Historiquement, la doctrine des gouvernants plus ou moins favorable au libre-échange a toujours été très liée à la force de leur industrie. Déjà, lors de la guerre de sécession, les états du nord souhaitaient une politique protectionniste pour se préserver de la concurrence du Royaume-Uni. Depuis la fin du XIXe siècle, l’orientation a été très clairement de favoriser le libre-échange, position qui devient aujourd’hui de plus en plus inconfortable pour l’industrie américaine. Le commerce international représente ces dernières années plus d’un quart du PIB américain. Le solde de la balance commerciale est structurellement déficitaire mais celui des services est excédentaire avec un solde global négatif, mais qui n’a rien de dramatique, de l’ordre de -3% du PIB.

Quels sont les pays cibles de Trump qui, selon ses termes, « se comportent très mal avec les Etats-Unis » ? Il suffit de regarder ceux avec qui le déficit de la balance commerciale américaine est le plus élevé, à savoir : la Chine, les pays de la zone euro, le Mexique et le Vietnam. A contrario, la Grande-Bretagne, le Brésil, l’Australie, les Pays-Bas se « comportent donc bien » puisque les Etats-Unis enregistrent un excédent commercial avec chacun d’entre eux.

Pendant la campagne électorale, Trump déclarait vouloir taxer de 60% les importations provenant de Chine et de 10% toutes les autres. Ces taxes accompagnées de mesures de rétorsion par les pays touchés engendreraient de fortes perturbations sur les chaînes logistiques des entreprises américaines et seraient bien sûr inflationnistes. Les dernières déclarations du président américain vont dans ce sens puisqu’il veut imposer les importations provenant du Mexique et du Canada de 25% (mais seulement 10% sur le pétrole canadien), tandis qu’il prévoit une taxation substantielle sur les importations de la zone euro.

Bien entendu, ces nouvelles taxes peuvent être définitives ou, tout au contraire, le point de départ de négociations pragmatiques dont l’issue serait moins radicale.

MARCHÉS

Les actions ont enregistré une belle performance au cours du mois de janvier, en particulier en Europe, classe d’actifs jusqu’ici délaissé. Le dollar demeure surévalué mais soutenu par les dernières décisions de Trump susceptibles de maintenir la Fed sur la défensive. La divergence des politiques monétaires des grandes banques centrales devrait par ailleurs alimenter une forte volatilité sur les devises, cette année. Le Yen et le Real Brésilien demeurent sensiblement sous-évalués.

Alors que la croissance modérée prévue pour 2025 assortie d’une inflation stable ou en baisse devrait être favorable aux actifs risqués, la politique du président Trump et l’engouement des investisseurs pour l’exceptionnalisme américain demeurent préoccupants.

La politique du président américain peut, en fonction de ses modalités d’application, non seulement modifier les perspectives économiques des Etats-Unis mais aussi de grands pays exportateurs. Les pays émergents sont de ce point de vue quelques peu vulnérables, en particulier le Mexique, le Vietnam et la Chine…. Par ailleurs, l’Europe, dont l’Allemagne, pourrait également être touchée alors que nous attendons patiemment un rebond de l’activité sur le vieux continent. La stabilisation du cadre politique en France avec une trajectoire budgétaire plus responsable et les élections de février en Allemagne permettant de déboucher sur un nouveau gouvernement ayant pour priorité un retour de la croissance sont des éléments favorables qui devraient progressivement se mettre en place.

La cherté du S&P 500 qui se paie 25 fois les bénéfices 2024 est difficile à ignorer et rend ce marché directeur vulnérable. Historiquement, un marché cher peut certes devenir encore plus cher et son niveau de valorisation n’est que peu prédictif de sa performance de ces prochains mois, en particulier si les bénéfices demeurent bien orientés, ce qui est le cas pour l’instant. Mais son espérance de rendement sur un cycle d’investissement de 5 à 7 ans, est considéré comme faible par une partie des investisseurs. L’apparition de Deepseek, en décembre dernier, moteur chinois d’intelligence artificiel, n’est pas anodin. La concurrence existe et va s’intensifier y compris dans les nouvelles technologies. Et il est hasardeux de penser qu’une tendance favorable se prolongera indéfiniment.

Sources principales : Agence Internationale de l’Energie, Banque de France, BCE, BEA, BIS, Bloomberg, BOJ, BOC, Coface, CGPConseils, Euler Hermès, Facset, Federal Reserve, Financial Times, FMI, INSEE, ISTAT, MIT, OCDE, OMC, Reuter.

 

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