Retour sur les marchés – été 2025

Bourse

Alors que la croissance mondiale ralentit en 2025 par rapport à l’an passé, les effets des récents virages politiques de Washington, en matière de fiscalité, de politique migratoire, de géopolitique et peut être bientôt, sur le plan de la politique monétaire, sont encore devant nous.
Lors de sa campagne électorale de 2024, Donald Trump annonçait des objectifs de croissance et de déficit budgétaire de 3%. Nous en sommes loin. Les prévisions pour 2025 placent ces deux chiffres à respectivement 1,6% et 6,5%, ce qui devrait alimenter l’insatisfaction du président américain et attiser son activisme au cours des prochains mois, avec peut-être de nouvelles surprises à la clef.

États-Unis : vers un ralentissement de la croissance

Les économistes tablent sur un ralentissement de la croissance aux États-Unis au cours de la seconde partie de l’année, avec en toile de fond le ralentissement de la consommation des ménages. L’inflation demeure trop élevée alors que le marché de l’emploi s’essouffle, ce qui met la Fed dans une position délicate. L’indice des prix des dépenses de consommation des ménages hors éléments volatiles s’est stabilisé depuis le mois d’avril 2024 à environ 2,8%, soit bien au-dessus de l’objectif d’inflation de la Fed qui est de 2%. Une telle situation implique normalement de garder une politique monétaire restrictive afin d’éviter des changements des anticipations d’inflation, la crédibilité de la banque centrale dépendant de la stabilité de ses objectifs

Flux migratoires et marché de l’emploi

La situation du marché de l’emploi américain est très particulière : la nouvelle politique migratoire de Donald Trump réduit sensiblement l’offre de travail, l’immigration devant baisser de moitié par rapport à son niveau moyen d’avant la crise sanitaire. L’immigration nette devrait être de l’ordre de 500 000 personnes par an contre plus d’un million en moyenne avant la crise sanitaire. L’effort de reconduite aux frontières des immigrés illégaux pourrait s’avérer plus intense et réduire encore cette prévision. Or, dans le même temps, la création de nouveaux emplois ralentit sensiblement avec des salariés qui peinent de plus en plus à trouver un nouvel emploi. Il en résulte un taux de chômage qui augmente faiblement (à 4,2% avec un plus bas de 3,4% en avril 2023), et masque la détérioration du moral des ménages américains. Le président de la Fed décrivait la situation en ces termes il y a quelques jours : « Tout compte fait, le ralentissement soudain de l’immigration a conduit à une curieuse forme d’équilibre (sur le marché du travail) qui résulte d’un net ralentissement à la fois de l’offre et de la demande de travailleurs ».

Le dilemme de la Fed

Face à la concomitance des risques inflationnistes et des risques de récession, la Fed – dont la politique monétaire reste restrictive avec des taux directeurs à 4,33% pour une inflation sous-jacente à 2,9% – estime désormais que le risque de ralentissement de l’économie devient plus préoccupant, en particulier depuis la chute des chiffres de création de nouveaux emplois.
Jerome Powell a ainsi indiqué que l’évolution récente de la conjoncture méritait d’envisager une modification de la politique monétaire de la banque centrale américaine et ce, en dépit de l’impact à venir de la politique tarifaire de Trump, jugé transitoire. À la suite de cette prise de position, les investisseurs tablent désormais sur deux baisses des taux directeurs américains d’ici à la fin de l’année, et sur trois baisses supplémentaires en 2026.
Les investisseurs se montrent également plus attentifs à l’évolution de la dette américaine. Ils redoutent que nous rentrions dans une ère de « domination fiscale », un environnement dans lequel le niveau de la dette publique est tel qu’il contraindra la politique monétaire des banques centrales, les empêchant de se concentrer sur la stabilité des prix, ouvrant la voie à une instabilité monétaire.
Le problème tient au poids de la dette publique américaine (la dette brute et la dette nette étant respectivement de l’ordre de 123% et 98% du PIB), à la remontée des taux d’intérêt et à la
récurrence des déficits publics (6,3% en 2025 ?), ces facteurs se combinent pour dessiner une trajectoire future insoutenable. Deux éléments viennent modifier les dernières projections : la nouvelle loi fiscale promulguée le 4 juillet 2025 et les taxations sur les importations.

Adoptée début juillet, la grande loi budgétaire (One Big Beautifull Bill) portée par Donald Trump, entérine et élargit les baisses d’impôts pour les ménages et les entreprises. Elle favorise l’investissement, accroît les dépenses pour lutter contre l’immigration et pour la défense, augmente les subventions agricoles tout en réduisant les aides sociales (Medicaid) et le soutien aux investissements dans l’énergie décarbonée.
Cette loi devrait stimuler la croissance ces prochaines années (+0.5% de PIB par an d’ici 2030 ?). Mais l’ensemble du dispositif se traduit par une hausse de la dette publique, avec un impact de long terme clairement négatif.
Toutefois, les taxations sur les importations apportent des recettes budgétaires considérables. Selon le Budget Lab, le taux d’imposition effectif sur les importations est actuellement de
l’ordre de 18%, le niveau le plus élevé depuis 1933. Les recettes pourraient s’établir de 250 à 300 milliards de dollars en année pleine, si les taux actuels étaient maintenus, soit à près de 1% du PIB. Donald Trump serait-il proche de son objectif d’arriver à financer une baisse de la fiscalité domestique par le protectionnisme ?

Le président américain accentue sa pression sur la Fed pour qu’elle baisse ses taux, alors même que la charge d’intérêt de la dette fédérale bat des records et que les taux réels pèsent sur la
croissance. Cette pression s’accompagne d’une tentative inquiétante de remplacer, au sein du comité de politique monétaire, les membres opposés à ses vues par des partisans favorables à ses orientations.
Si l’objectif final est de maintenir des taux anormalement bas afin de financer la dette américaine, cela reviendrait à monétiser la dette publique. Une telle approche entraînerait une situation fortement inflationniste accompagnée d’une perte de crédibilité de la première banque centrale du monde. Certes, il y a déjà eu monétisation de la dette depuis 2008, mais c’était dans un contexte dépourvu de tensions inflationnistes jusqu’à la crise sanitaire, et elle visait avant tout à stabiliser le système financier. Donald Trump tente de faire limoger Lisa Cook – dont le mandat de gouverneur va jusqu’au 31 janvier 2038 – afin de nommer un de ses partisans. S’il atteint son objectif, quatre des sept membres du Board seraient nommés par lui. Une telle démarche va à l’encontre du consensus largement partagé selon lequel les banques centrales doivent rester indépendantes du pouvoir politique. Jerome Powell rappelait au mois de juillet : « Il ne serait pas bon que la banque centrale fixe sa politique en fonction des besoins du gouvernement en matière de fiscalité. Aucune banque centrale d’un pays développé ne fait cela ».

France : poids de la dette et fragilité gouvernementale

En France aussi la dette est un problème avec pour notre pays l’avantage d’être arrimé à la Banque Centrale Européenne et aux autres pays de la zone euro. Cela doit se traduire par une pression croissante pour nous obliger à adopter une politique budgétaire plus pérenne, même si cela ne garantit en rien que les mesures prises seront les plus judicieuses. Le gouvernement français se trouvera donc confronté à la nécessité de réduire notre déficit primaire. Le vote de confiance du 8 septembre 2025 annoncé par le Premier Ministre François Bayrou, vient nous rappeler qu’il faut un gouvernement disposant d’une large majorité pour mettre en place des mesures impopulaires. Il semble possible sinon probable que le gouvernement tombe et que, le président ne souhaitant pas dissoudre l’Assemblée, il recherche un gouvernement de compromis qui aura des ambitions plus limitées.
A court terme, la pression fiscale, notamment pour les grandes entreprises pourrait augmenter. Et à une échéance indéterminée, le risque majeur demeure une sanction du marché obligataire se traduisant par une envolée des taux d’emprunt de la dette française. Cela nous obligerait à changer radicalement de politique car sans emprunt, pas de dépenses. Attendre que la crise survienne pour ajuster structurellement notre politique budgétaire risque d’avoir un effet dépressif majeur sur la conjoncture. Nous n’en sommes pas là mais nous maintenons pour l’instant notre cap vers cette destination peu enviable.

Les marchés

A l’issue du discours de Jerome Powell à Jackson Hall, la courbe des taux s’est légèrement pentifiée tandis que les taux courts baissaient légèrement. Toutefois, mis à part une légère remontée des anticipations d’inflation, les investisseurs ne semblent pas encore effrayés par les tentatives de prise de contrôle du gouvernement républicain sur la banque centrale américaine, ce qui peut surprendre.
Si l’insoutenabilité de la trajectoire de la dette, notamment pour les États-Unis, semble claire, personne n’est en mesure de prédire si cela déclenchera une crise prochainement ou dans 15 ans, ce qui est assez frustrant pour l’investisseur. Mais d’ores et déjà, les attaques répétées de Donald Trump contre l’indépendance de la Fed sont très préoccupantes. Si elles finissaient par lui permettre de prendre le contrôle de la banque centrale américaine, le scénario d’une remontée des anticipations d’inflation deviendrait central. Pour les marchés, cela signifierait une augmentation de la prime de terme sur les emprunts longs. Le taux à 10 ans américain, qui est la référence du prix de tous les actifs financiers dans le monde, se tendrait et provoquerait une forte volatilité. Les pertes pour les détenteurs d’obligations seraient potentiellement élevées, tandis que cela affaiblirait le dollar. La Fed est ainsi au cœur de l’économie mondiale ! C’est l’étalon du prix de toute chose sur les marchés financiers. Sa crédibilité, aujourd’hui très élevée, ne saurait être mise à mal sans remous.

Sources principales : Banque de France, CGPConseils, Federal Reserve, FMI, OCDE, BIS, BEA, BCE, BOJ, BOC, Bloomberg, Reuter, Facset, Financial Times, Agence Internationale de l’Energie, OMC, INSEE, Euler Hermès, Coface, MIT, ISTAT

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