La loi de finances 2025 vient de clarifier un débat juridique important concernant les non-résidents fiscaux français, en établissant définitivement le principe de primauté de la résidence fiscale conventionnelle sur le domicile fiscal. Cette modification législative réaffirme la doctrine administrative et met fin à l’incertitude créée par une récente décision du Conseil d’État.
La confusion entre domicile fiscal et résidence fiscale enfin dissipée
En droit fiscal international, la distinction entre domicile fiscal et résidence fiscale est fondamentale mais souvent source de confusion. Le législateur français a désormais tranché en faveur de la primauté des conventions fiscales internationales.
Un principe de subsidiarité bien établi
Traditionnellement, le système fiscal international fonctionne selon un principe de subsidiarité :
- Les droits internes des deux États déterminent d’abord si une personne est résidente fiscale selon leurs critères respectifs
- En cas de double résidence, les conventions fiscales internationales tranchent ce conflit
- La résidence conventionnelle prime alors sur le domicile fiscal déterminé par le droit interne français
Cette hiérarchie était clairement établie dans la doctrine administrative française, qui affirme explicitement qu’une personne reconnue comme résidente fiscale d’un autre État selon une convention fiscale ne peut être considérée comme domiciliée fiscalement en France, même si elle remplit les critères établis par le droit fiscal français.
Le bouleversement créé par la décision du Conseil d’État
Le 5 février 2024, le Conseil d’État a créé la surprise en contredisant ce principe établi. Dans sa décision, les juges ont affirmé qu’une personne pouvait simultanément être :
- Résidente fiscale d’un autre pays (la Suisse en l’occurrence) au sens conventionnel
- Tout en restant fiscalement domiciliée en France au sens du droit interne
Cette décision concernait un contribuable exerçant son activité professionnelle principale en France mais résidant fiscalement en Suisse. Les juges ont estimé que ses salaires de source française ne pouvaient pas être soumis à la retenue à la source normalement applicable aux personnes non domiciliées fiscalement en France.
Les implications problématiques de cette jurisprudence
Des conséquences potentiellement étendues
Cette jurisprudence risquait d’affecter de nombreux mécanismes fiscaux français dont l’application dépend du domicile fiscal :
- Exit tax : Le dispositif prévu pour les contribuables transférant leur résidence fiscale hors de France pouvait être contesté si ces derniers conservaient leur domicile fiscal en France.
- Retenues à la source : Les différentes retenues et prélèvements applicables aux « non domiciliés » risquaient d’être inopérants pour les non-résidents restés domiciliés fiscalement en France.
Une situation juridique incertaine
Cette situation créait une insécurité juridique importante tant pour l’administration fiscale que pour les contribuables concernés, particulièrement dans un contexte où la France a conclu 126 conventions fiscales bilatérales avec d’autres États.
La clarification apportée par la loi de finances 2025
Le retour au principe de primauté de la résidence conventionnelle
Face à ces incertitudes, le législateur a choisi d’intervenir rapidement en modifiant la législation fiscale dans la loi de finances 2025. Cette modification réaffirme clairement le principe de primauté de la résidence fiscale conventionnelle.
Une disposition sans ambiguïté
Désormais, la loi précise explicitement qu’un contribuable satisfaisant aux critères du droit interne français mais considéré comme non-résident au sens du droit conventionnel ne peut être regardé comme domicilié fiscal de France au sens du droit interne.
Cette disposition met fin aux nouvelles perspectives esquissées par les juges pour les contribuables qui auraient pu se prévaloir d’un statut hybride de « non-résidents mais domiciliés ».
Les bénéfices de cette clarification législative
Sécurité juridique renforcée
Les travaux parlementaires soulignent que cette modification législative vise avant tout à garantir :
- La stabilité fiscale des non-résidents
- La sécurité juridique de l’ensemble des contribuables
Une cohérence rétablie entre les différents niveaux de normes
Cette intervention du législateur permet de rétablir une cohérence entre :
- La doctrine administrative française
- Le droit fiscal international
- La pratique établie dans les relations fiscales internationales
Elle évite ainsi des conflits de normes qui auraient pu générer un contentieux fiscal important et complexe.
Conclusion : une stabilité retrouvée pour les non-résidents
La loi de finances 2025 met fin à une période d’incertitude en réaffirmant un principe fondamental du droit fiscal international : la primauté de la résidence fiscale conventionnelle sur le domicile fiscal déterminé par le droit interne.
Cette clarification législative offre une meilleure prévisibilité juridique aux contribuables concernés par des situations fiscales transfrontalières, tout en confortant la position traditionnelle de l’administration fiscale française.
Les non-résidents peuvent désormais avoir une vision claire de leur situation fiscale, sans craindre les conséquences d’une interprétation jurisprudentielle qui aurait pu remettre en question l’application des conventions fiscales internationales conclues par la France.