Rémunération des dirigeants : Quand la stratégie devient un acte de gouvernance

L’approche révolutionnaire de Sofia Sefrioui : La rémunération comme levier stratégique

Sofia Sefrioui, experte en Stratégie RH, Rémunération & Gouvernance, défend une vision transformatrice de la rémunération des dirigeants. Selon elle, « la rémunération des dirigeants est souvent perçue comme une question technique ou de conformité. Pourtant, elle constitue un levier stratégique essentiel pour aligner les visions des actionnaires, des conseils d’administration et des équipes dirigeantes. »

Cette approche novatrice repositionne la rémunération dirigeante au cœur de la gouvernance d’entreprise, transformant un sujet souvent considéré comme technique en véritable outil de pilotage stratégique. L’experte démontre comment une conception soignée de la rémunération peut devenir « un outil puissant de clarification des attentes en matière de performance, d’ambition et de création de valeur à long terme. »

Dans son analyse publiée sur Forbes France, Sofia Sefrioui illustre concrètement comment la rémunération peut servir de pont entre les ambitions des actionnaires et les capacités opérationnelles des dirigeants, créant un alignement stratégique durable.

Le contexte français du Say on Pay : Un cadre contraignant mais perfectible

L’héritage de la Loi Sapin II

Depuis 2018, le paysage français de la gouvernance d’entreprise s’est considérablement renforcé avec l’instauration du Say on Pay par la Loi Sapin II. Ce dispositif, qui fait de la France « le pays où le Say on Pay est le plus contraignant dans le monde », impose un double vote annuel contraignant sur la rémunération des dirigeants mandataires des sociétés cotées.

Ce mécanisme fonctionne selon deux temps distincts : un vote ex-ante sur les principes de rémunération, puis un vote ex-post sur leur mise en œuvre effective. Cette approche bicéphale vise à garantir une transparence totale et un contrôle accru des actionnaires sur les politiques de rémunération.

Les limites du système actuel

Paradoxalement, malgré ce cadre contraignant, le risque de voir des résolutions non approuvées reste très faible dans les grandes entreprises du SBF120. Cette situation s’explique par plusieurs facteurs structurels du marché français : le poids important des actionnaires représentés au conseil grâce au vote double, et la participation relativement faible des investisseurs institutionnels, qui représentent pourtant en moyenne 70% du capital de ces sociétés.

Les taux d’approbation sur les résolutions Say on Pay restent souvent sous la barre des 90%, seuil considéré comme le minimum pour qu’une résolution ne soit pas contestée selon les standards internationaux. Ces chiffres masquent souvent des votes négatifs significatifs de la part des investisseurs institutionnels, généralement non représentés au conseil d’administration.

Les points de friction récurrents entre actionnaires et dirigeants

Les critiques des investisseurs institutionnels

L’analyse de Sofia Sefrioui révèle que les contestations des investisseurs se cristallisent autour de trois problématiques principales, largement relayées par les agences de conseil en vote :

Le lien insuffisant entre la performance de l’entreprise et les critères déterminant la rémunération variable des dirigeants constitue le premier point de friction. Les investisseurs peinent souvent à identifier une corrélation claire entre les résultats obtenus et les montants versés.

L’équilibre jugé inapproprié entre court terme et long terme dans les packages de rémunération représente la deuxième source de tension. Les actionnaires privilégient généralement une vision à long terme, tandis que les structures de rémunération tendent parfois à favoriser les résultats immédiats.

Enfin, le montant global de la rémunération, souvent perçu comme excessif par rapport aux pratiques du marché, alimente régulièrement les débats et les votes de contestation.

La qualité du dialogue comme facteur déterminant

Ces tensions reflètent souvent « la mauvaise qualité (ou l’absence) du dialogue entre le conseil et les actionnaires et en particulier de la non prise en compte de leurs attentes », selon l’experte. Cette observation souligne l’importance cruciale d’une communication transparente et d’une écoute active entre toutes les parties prenantes.

Cas pratique : La transformation d’une filiale de services financiers

Le contexte et les enjeux

Sofia Sefrioui illustre sa méthode à travers l’exemple concret d’une filiale d’un grand groupe non coté dans le secteur des services financiers. Cette entreprise de plusieurs centaines de collaborateurs faisait face à des résultats jugés insuffisants par ses actionnaires, qui attribuaient cette performance à « une vision trop court-termiste des dirigeants ».

Les actionnaires souhaitaient encourager une approche à moyen et long terme pour le développement de l’activité, créant ainsi un besoin d’alignement stratégique entre les différentes parties prenantes.

La solution : Un bonus pluriannuel aligné sur la stratégie

La solution élaborée en collaboration avec le management consistait en un bonus pluriannuel sur trois ans destiné aux principaux dirigeants (une dizaine de collaborateurs). Ce dispositif innovant était « directement lié au plan stratégique triennal, avec des indicateurs pertinents et une mécanique de déclenchement des versements cohérente avec les objectifs fixés ».

Des simulations approfondies ont été réalisées pour estimer l’enveloppe nécessaire en fonction de différents scénarios de performance, garantissant ainsi une prévisibilité budgétaire pour les actionnaires.

Le processus de convergence et ses bénéfices

La présentation aux membres du conseil a révélé un écart significatif entre les attentes des actionnaires et les objectifs du plan stratégique, particulièrement concernant l’évolution du résultat net. Un travail pédagogique approfondi a permis de « converger vers des objectifs communs, en conciliant à la fois les ambitions des actionnaires et les capacités de croissance de la filiale ».

Cette démarche s’est révélée « vertueuse » à plusieurs niveaux. Pour les dirigeants, elle a permis de « mieux appréhender les leviers de création de valeur et d’identifier les domaines nécessitant une collaboration accrue entre divisions et départements ». Pour les actionnaires, elle a assuré « l’atteinte d’un cap partagé, suffisamment ambitieux à trois ans ».

La méthodologie de coconstruction : Les clés du succès

L’écoute active des parties prenantes

Le succès de cette approche repose sur « un travail d’écoute des représentants de toutes les parties prenantes, pour comprendre l’activité, les leviers de performance, l’environnement humain, la culture ». Cette phase d’audit approfondie constitue le socle de toute transformation réussie.

L’analyse des dispositifs existants

« Le partage de l’état des lieux des dispositifs en place a permis de statuer sur les performances rémunérées sur le court terme afin d’éviter les redondances et des zones d’inéquité ont pu être identifiées. » Cette analyse préalable évite les doublons et garantit l’équité du nouveau système.

Le processus de coconstruction

Les nouvelles orientations, « issues d’un travail de coconstruction (au travers de plusieurs sessions de travail dédiées), ont pu déboucher sur un dispositif sur mesure, aligné avec la stratégie et les attentes des parties prenantes à moyen terme. »

La rémunération comme outil de pilotage stratégique moderne

Au-delà de l’approche technique traditionnelle

Sofia Sefrioui plaide pour dépasser « une approche purement technique ou conformiste (qui consiste à se caler sur les pratiques marché) ». Cette vision transformatrice permet aux entreprises de « transformer la rémunération en un levier puissant de création de valeur et de succès à long terme ».

Les bénéfices d’un alignement stratégique

Envisagée comme « un véritable outil de pilotage stratégique », la rémunération des dirigeants permet d’aligner les intérêts des actionnaires et des dirigeants, de clarifier les objectifs de performance et de renforcer la gouvernance globale de l’entreprise.

Cette approche transforme fondamentalement la nature même de la rémunération dirigeante : elle devient « un véritable acte de gouvernance, alignant les visions et ambitions des différentes parties prenantes pour une performance durable. »

Conclusion : Vers une nouvelle gouvernance d’entreprise

L’approche développée par Sofia Sefrioui propose une révolution silencieuse mais profonde de la gouvernance d’entreprise. En transformant la rémunération des dirigeants d’un sujet technique en outil stratégique, elle ouvre la voie à une gouvernance plus collaborative, plus transparente et plus efficace.

Cette méthode, illustrée par des résultats concrets, démontre que l’investissement dans un dispositif incitatif bien conçu peut se révéler « largement justifié par la valeur créée ». Elle offre aux entreprises françaises une voie pour dépasser les limites actuelles du Say on Pay et créer un véritable alignement stratégique entre toutes les parties prenantes.

L’avenir de la gouvernance d’entreprise pourrait bien se jouer dans cette capacité à transformer les outils de rémunération en vecteurs de performance durable et de création de valeur partagée.

Source : Forbes France – « Cap partagé entre dirigeants, actionnaires et administrateurs : quand la rémunération devient un acte de gouvernance »

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