Le pilier social de l’ESG : un levier de performance financière souvent sous-estimé

Le pilier social, souvent relégué au dernier rang de l’analyse ESG face aux enjeux environnementaux et de gouvernance, s’avère pourtant être un facteur clé de performance financière pour les entreprises. Selon les experts, une politique sociale volontariste est directement liée à une meilleure rentabilité et à des performances boursières supérieures.

Comme le souligne Arthur Le Denn dans son article du 18 février 2025, le social fait figure de « parent pauvre de l’analyse ESG » alors que « les entreprises qui lui accordent de l’importance afficheraient, selon les experts, de meilleures performances financières et boursières que les autres. »

L’enjeu social : pilier méconnu mais essentiel de l’ESG

Un équilibre nécessaire entre les trois piliers

L’analyse ESG repose sur trois piliers interdépendants : Environnement, Social et Gouvernance. Toutefois, face à l’urgence climatique et aux questions de gouvernance, le volet social est souvent négligé. Pourtant, comme le rappelle Jérémie Joos, associé coresponsable du centre d’excellence ESG de KPMG, « toute action humaine doit s’inscrire dans le respect de certains seuils. Nous pourrions décarboner très vite si nous le souhaitions, mais pas sans remettre en question des acquis sociaux. »

Cette interdépendance souligne l’importance d’une approche équilibrée de l’ESG, où le social joue un rôle de vigie fondamentale pour assurer une transition durable et équitable.

Au-delà de la philanthropie : une source de valeur économique

L’article met en lumière une évolution importante dans la perception des enjeux sociaux : il ne s’agit pas simplement de « faire de la philanthropie » mais bien de créer de la valeur. Des études récentes confirment l’intuition des experts selon laquelle une politique sociale volontariste est corrélée à une meilleure rentabilité.

Cette nouvelle approche transforme la vision du pilier social, qui passe d’une simple obligation morale à un véritable levier de performance économique.

Quantifier l’impact social : méthodologies et approches

La méthodologie True Value de KPMG

Pour concrétiser cette approche, KPMG a développé la méthodologie True Value qui vise à quantifier les impacts positifs ou négatifs générés par une activité au regard des critères ESG, puis à les convertir sur une échelle monétaire. Cette conversion permet de comparer ces impacts à d’autres indicateurs financiers traditionnels.

Jérémie Joos explique que cette approche permet d’établir le « bénéfice ou coût social » d’une activité. « Donner une valeur monétaire à une heure de formation ou à un accident du travail permet d’évaluer la contribution positive d’une entreprise à la création d’un écosystème local, » précise-t-il.

L’analyse de double matérialité

L’analyse de double matérialité, encouragée par la directive européenne relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD), constitue un point de départ essentiel pour identifier les risques et opportunités liés aux enjeux sociaux.

Jérémie Joos souligne que « plus cela sera précis, plus les leviers en matière de performance le seront également. » Cette précision dans l’analyse permet de transformer les enjeux sociaux en véritables outils stratégiques.

Le cercle vertueux de la performance sociale

Protection sociale et création de valeur

Le raisonnement autour du pilier social a vocation à créer un cercle vertueux. « Ces enjeux doivent être perçus comme un outil de protection sociale, mais aussi de création de valeur, » insiste Jérémie Joos. Il cite l’exemple d’une entreprise qui développerait des relations avec des producteurs locaux : « Cela est bénéfique pour tout son territoire, aussi bien socialement qu’économiquement, et limite son exposition à des marchés spot volatils ainsi qu’à des retards de livraison. »

Ce type d’initiative permet de maîtriser les conséquences d’une activité sur l’ensemble du corps social, tout en générant des bénéfices économiques tangibles.

Au-delà des cas extrêmes : une approche systémique

L’article souligne que cette approche va bien au-delà des cas extrêmes où l’entreprise joue sa réputation, comme le recours au travail forcé. Il s’agit d’une vision plus systémique qui vise à « inciter à maîtriser les conséquences d’une activité sur l’ensemble du corps social. »

Cette vision globale permet d’identifier et de valoriser des actions sociales positives qui, autrement, passeraient inaperçues dans une analyse ESG classique.

Une analyse sectorielle des enjeux sociaux

La matrice d’activation de Morningstar Sustainalytics

Le cabinet Morningstar Sustainalytics a adopté une approche sectorielle précise pour analyser les enjeux sociaux. Les critères sont spécifiques à chaque sous-industrie, selon ce que le cabinet appelle sa « matrice d’activation ».

Axel Pierron, directeur associé de Morningstar Sustainalytics, explique que « les indicateurs qui s’activent sont ceux dont on a jugé qu’ils peuvent, in fine, avoir des conséquences sur les finances de l’entreprise donnée. » Cette analyse concerne aussi bien les impacts sociaux directs (internes à l’entreprise) qu’indirects (effets de l’activité sur la société).

Exemples sectoriels : pharmacie et agroalimentaire

L’article détaille des exemples concrets d’analyse sociale par secteur :

  • Industrie pharmaceutique : Les acteurs sont évalués sur leur transparence concernant les données des essais cliniques, leur politique tarifaire favorisant l’accès aux médicaments, et leurs standards publicitaires au regard des enjeux de santé publique.
  • Agroalimentaire : Les entreprises sont attendues sur le respect du commerce équitable, l’existence d’un système de gestion de la qualité des produits, la responsabilité de la politique publicitaire et le respect des droits humains.

Axel Pierron souligne que ces critères dénotent « à la fois l’impact très positif que peuvent avoir leurs produits sur la société et leur dangerosité en cas de problème de qualité. » Il rappelle également que l’analyse prend en considération l’ampleur des initiatives et controverses relevées.

Des défis politiques et réglementaires

Un contexte international incertain

Malgré la prise de conscience croissante du lien entre performances sociale et financière, le contexte politique mondial fait craindre un recul. L’article évoque certaines entreprises qui ont supprimé leurs programmes en faveur de l’inclusion et de l’égalité femmes-hommes par opportunisme ou par proximité idéologique avec le président américain Donald Trump.

Axel Pierron rappelle que ces entreprises « semblent avoir oublié que cette stratégie a une vocation commerciale au moins aussi forte que morale. Le manque de diversité au sein des entreprises fait qu’elles se coupent de certains marchés, ce qui revient à une perte d’opportunités de croissance. »

L’avenir du devoir de vigilance européen

En Europe, l’article soulève la question de l’avenir du devoir de vigilance au regard des résultats électoraux de l’année précédente. Cette directive impose à terme à 9.000 entreprises d’identifier et de combattre les atteintes à l’environnement et aux droits humains éventuellement perpétrées par leurs sous-traitants.

Jérémie Joos insiste sur le fait que « du travail reste nécessaire pour instiller l’idée qu’il ne s’agit pas simplement de se mettre en conformité, mais bien de générer un facteur de robustesse. » Cette vision souligne l’importance de considérer les enjeux sociaux comme des facteurs de résilience plutôt que comme des contraintes administratives.

Conclusion : vers une intégration stratégique du pilier social

L’analyse du pilier social de l’ESG démontre qu’au-delà des considérations éthiques, une politique sociale volontariste constitue un véritable levier de performance économique et financière. Les méthodologies de quantification des impacts sociaux, couplées à une analyse sectorielle précise, permettent de transformer ces enjeux en opportunités stratégiques.

Face aux incertitudes réglementaires et politiques, les entreprises qui sauront maintenir et développer leurs initiatives sociales bénéficieront non seulement d’une meilleure image, mais aussi d’une robustesse accrue et d’un potentiel de croissance élargi.


Source : Article d’Arthur Le Denn publié le 18 février 2025, « Le social : entre protection des individus et création de valeur ».

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