Le contribuable américain actionnaire : vers un nouveau modèle d’intervention publique ?

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D’après un article de BFMTV publié le 25 août 2025 (lien ici), le gouvernement des États-Unis explore une stratégie inédite : devenir actionnaire direct de certaines entreprises stratégiques, après avoir déjà pris part au capital d’Intel.

Cette orientation marque un tournant dans la politique industrielle américaine, avec une question centrale : jusqu’où l’État doit-il aller pour sécuriser ses intérêts économiques et technologiques, tout en garantissant un juste retour pour le contribuable ?


📌 Le cas Intel : un précédent historique

En 2024, le gouvernement américain a injecté 8,5 milliards de dollars de subventions et 11 milliards de prêts dans Intel pour renforcer la production nationale de semi-conducteurs. Particularité : en contrepartie, l’État a obtenu des bons de souscription d’actions (« warrants ») lui donnant la possibilité d’acquérir des parts du capital.

C’est une différence majeure avec les subventions classiques :

  • Habituellement, l’argent public finance sans retour direct.
  • Ici, le contribuable peut profiter des retombées positives si l’entreprise croît en valeur.

Cette logique, héritée des interventions lors de la crise financière de 2008 (sauvetages bancaires avec prise de participation temporaire), pourrait s’imposer comme un nouveau standard.


🏭 Pourquoi cette évolution ?

Trois raisons principales expliquent ce changement de paradigme :

1. Sécuriser la souveraineté industrielle

Les semi-conducteurs sont au cœur de la guerre technologique entre Washington et Pékin. En soutenant massivement Intel, les États-Unis veulent réduire leur dépendance à l’Asie (notamment Taïwan) et sécuriser leur autonomie stratégique.

2. Donner un “juste retour” au contribuable

Les aides massives financées par l’impôt suscitent régulièrement des critiques. La participation au capital permet de répondre à cette objection : si l’entreprise réussit, les citoyens en bénéficient.

3. Réinventer la politique industrielle

Avec le CHIPS and Science Act (2022) et l’Inflation Reduction Act (2022), les États-Unis ont initié un vaste programme de soutien aux filières stratégiques (semi-conducteurs, batteries, énergie verte). Le fait de coupler financement public et prise de participation ajoute une nouvelle corde à cet arc.


🔎 Quelles entreprises concernées demain ?

Selon BFMTV, le gouvernement envisage d’étendre ce modèle à d’autres secteurs stratégiques :

  • Batteries électriques et véhicules électriques : pour réduire la dépendance aux importations asiatiques.
  • Énergies renouvelables et hydrogène : au cœur de la transition énergétique américaine.
  • Technologies de défense : drones, IA militaire, cybersécurité.

Le modèle Intel pourrait donc se généraliser et transformer profondément la relation entre État et entreprises.


⚖️ Les avantages et les risques

✅ Avantages

  • Meilleure acceptabilité sociale des subventions.
  • Potentiel de gains financiers pour l’État.
  • Incitation des entreprises à maximiser leur performance.

❌ Risques

  • Distorsions de concurrence : des entreprises privées non soutenues pourraient se retrouver désavantagées.
  • Gestion publique des participations : l’État ne doit pas s’immiscer dans la stratégie au risque d’alourdir la gouvernance.
  • Aléa moral : certaines entreprises pourraient être tentées de « compter » sur le soutien public.

🌍 Une tendance mondiale ?

La démarche américaine s’inscrit dans un mouvement plus large :

  • En Europe, la Commission européenne pousse les États à investir dans les projets industriels jugés stratégiques (ex. batteries, hydrogène).
  • En Chine, l’État actionnaire est déjà la norme dans la plupart des secteurs clefs.

Les États-Unis, longtemps défenseurs du « laisser-faire », se rapprochent donc d’un modèle plus interventionniste, assumant un rôle direct d’actionnaire.


📈 Conclusion : un nouveau pacte entre État, entreprises et contribuables

La participation publique au capital d’Intel ouvre une voie nouvelle : celle d’un État investisseur, garant de la souveraineté économique et soucieux de partager les fruits de la croissance avec ses citoyens.

Mais cette évolution pose aussi des questions de gouvernance, de concurrence et de frontières entre public et privé.

Une chose est sûre : dans un monde marqué par les tensions géopolitiques et la transition technologique, le rôle de l’État actionnaire est appelé à se renforcer.

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