Publié à partir de l’article original de Charlotte de Saintignon, Le Journal des Entreprises (8 septembre 2025)
Introduction : un enjeu longtemps négligé
La transmission d’une entreprise familiale n’est pas seulement une question de gouvernance ou de fiscalité : elle est avant tout une affaire humaine et entrepreneuriale. Comme le souligne Charlotte de Saintignon dans Le Journal des Entreprises, la formation à la reprise familiale, longtemps absente des cursus classiques, commence à s’imposer comme un levier stratégique majeur.
Derrière cet enjeu, se cache une double réalité : préparer les successeurs à endosser leur rôle de dirigeants tout en leur permettant de trouver leur propre équilibre entre héritage et innovation.
La formation, un champ encore marginal mais en plein essor
Une offre encore limitée
Si certaines grandes écoles comme Dauphine, HEC ou Audencia ont ouvert des chaires dédiées à l’entrepreneuriat familial, l’offre reste encore trop fragmentée. Philippe Grodner (FBN France) parle même d’« angle mort pédagogique », malgré un regain d’initiatives.
Vincent Calvez (Institut des Entreprises Familiales, Essca) rappelle que l’entreprise familiale souffre encore parfois d’une image « poussiéreuse » face à l’attrait des start-up. Pourtant, les enjeux de reprise sont cruciaux : gouvernance, transformation et légitimité.
Un écosystème français en construction
Le Cedef (Cercle des enfants dirigeants d’entreprises familiales) souligne de son côté les progrès réalisés, avec de plus en plus de projets spécifiques et un dialogue croissant entre familles, écoles et réseaux d’accompagnement.
Un apprentissage entre académique et humain
L’importance des témoignages
Pour Vincent Calvez, « par l’émotion passe la transmission ». Les témoignages de repreneurs, leurs succès et leurs épreuves, sont essentiels pour ancrer les apprentissages. Les futurs dirigeants doivent pouvoir confronter leurs propres questionnements à des expériences vécues.
Les programmes innovants privilégient donc une pédagogie participative, où les étudiants repreneurs sont invités à s’exprimer, à tester des cas pratiques et à réfléchir collectivement aux dilemmes qu’ils rencontreront.
Un parcours pluridisciplinaire
Psychologues, avocats en médiation familiale, experts en gouvernance ou consultants en stratégie complètent les cours académiques. L’objectif : préparer les successeurs à la complexité unique de la reprise familiale, qui mêle logiques économiques et dynamiques affectives.
Endosser une posture entrepreneuriale
De l’héritage à l’innovation
Pour Miruna Radu-Lefebvre (Audencia), « les successeurs doivent se positionner comme des entrepreneurs capables de piloter l’entreprise dans un environnement concurrentiel et incertain ». La formation doit leur apprendre à transformer, innover et réinventer l’entreprise, et non pas simplement la maintenir.
Des formats adaptés
Le programme d’Audencia, par exemple, dure six mois, avec deux jours de formation par mois. Les promotions réduites (une dizaine de participants) favorisent l’échange et la confiance. Ce climat intime permet aux futurs repreneurs de partager leurs ambitions, leurs doutes et leurs visions stratégiques.
Un défi : l’émancipation face à l’héritage
Trouver son équilibre
Devenir dirigeant d’une entreprise familiale ne signifie pas reproduire les choix de ses parents. Comme le rappelle Alain Moy (Cedef) : « Devenir dirigeant demain, ce n’est pas forcément faire comme ses parents ».
La transmission exige un travail d’émancipation : assumer ses propres croyances, ses pratiques et ses décisions, tout en respectant l’histoire familiale.
Vers une réappropriation du projet
Le successeur doit écrire son propre projet. Laurent Allard (Family & Co) insiste sur l’importance de cette réappropriation pour assurer motivation et engagement.
Chez Audencia, les participants concluent leur parcours par la présentation d’un projet stratégique devant un jury, affirmant ainsi leur leadership et leur autonomie.
Former pour transformer : un enjeu stratégique pour l’avenir
Un levier de résilience
Dans un contexte de transmission parfois délicate, la formation apparaît comme une clé pour :
- Renforcer la légitimité des successeurs aux yeux des salariés,
- Préserver la cohésion familiale,
- Assurer l’agilité de l’entreprise face aux mutations économiques.
Une vision renouvelée de la transmission
La reprise familiale n’est plus un simple « passage de témoin » : c’est une transformation continue, à la croisée de l’héritage et de l’innovation. La formation offre aux successeurs les outils, mais aussi la posture entrepreneuriale indispensable pour relever ce défi.
Conclusion : la formation, socle de la transmission réussie
L’article du Journal des Entreprises met en évidence un constat clair : la formation n’est plus un luxe, mais une nécessité pour réussir la transmission des entreprises familiales.
En intégrant émotions, gouvernance et stratégie, ces parcours sur mesure permettent aux héritiers de devenir plus que des continuateurs : de véritables entrepreneurs, capables d’inventer l’avenir sans trahir le passé.
👉 Source : Article de Charlotte de Saintignon, Le Journal des Entreprises (8 septembre 2025).