BSPCE : Nouvelle donne !

Deux censures du BOFIP relatives aux BSPCE ont été prononcées par le Conseil d’Etat : il est désormais possible de bénéficier du sursis d’imposition en cas d’apport de titres reçus par l’exercice de BSPCE à une société non contrôlée ainsi que de lever les BSCPE dans un PEA.

1. Ce qu’il faut retenir

Deux décisions prononcées par le Conseil d’Etat changeant la donne concernant les BSPCE.

La première, datant du 8 décembre 2023, censure la doctrine administrative qui excluait la possibilité d’exercer les BSPCE et d’acquérir les titres via un PEA. 
Un porteur de BSPCE peut donc désormais exercer son droit lié au bon et souscrire les titres dans son PEA. 

La seconde décision, datant du 5 février 2024, censure la doctrine administrative qui interdisait le bénéfice du sursis d’imposition prévu par l’article 150-0 B du CGI en cas d’apport de titres issus de l’exercice de BSPCE. 
Ainsi, le Conseil d’Etat confère à l’apport de ces titres un caractère purement intercalaire : la plus-value ne sera déterminée qu’au moment de la cession des titres de la société non contrôlée par l’apporteur. 

Rappel

L’administration fiscale, via sa doctrine administrative, a pour mission de donner des précisions sur l’interprétation de la loi sans pouvoir rajouter à la loi.
Si un contribuable estime que l’administration fiscale outrepasse sa mission, il peut intenter un recours pour excès de pouvoir (appelé « REP ») auprès du Conseil d’Etat. Cette procédure consiste à demander l’annulation de l’instruction fiscale jugée illégale. 

2. Conséquences pratiques

2.1 L’exercice des BSPCE via un PEA

Il est dorénavant possible d’exercer les BSPCE afin de loger les titres issus de cet exercice dans le PEA. Pour cela, le PEA doit avoir des liquidités disponibles (dans le compte « espèce » du plan) afin de payer le prix d’exercice du BSCPE et d’acquérir ainsi les titres dans le plan. 

Cependant, il reste impossible de loger directement les BSCPE dans le PEA.
CMF art. L. 221-31

Loger les titres issus de l’exercice de BSPCE dans le PEA permet d’optimiser la fiscalité notamment sur les gains de cession (exonération d’IR des plus-values au-delà de 5 ans de détention du PEA).

Cependant, une incertitude existe sur la fiscalité issue du gain d’exercice. En effet, la plus-value, issue de la différence entre le prix constaté lors de l’attribution et le prix d’exercice pourrait faire l’objet d’un traitement différent. Ce gain n’a pas été acquis dans le cadre du PEA mais bien avant que les titres soient logés dans le plan. Or, aucun texte légal ne prévoit ce cas de figure. Une brèche existe donc laissant une incertitude importante… 

2.2 Le sursis d’imposition

2.2.1 Transposabilité de la décision aux reports d’imposition

À notre sens, la décision du conseil d’Etat est transposable au report d’imposition. 

Ainsi, il serait possible de bénéficier du report d’imposition en cas d’apport de titres de société issus de l’exercice de BSPCE à une société contrôlée par l’apporteur si toutes les conditions sont respectées par ailleurs. 

L’instruction fiscale censurée concernait seulement les BSPCE. Ainsi, le Conseil d’Etat s’est prononcé seulement sur ce dispositif, les autres mécanismes d’intéressement des salariés ne sont donc pas visés.

Rappel

Les règles restent donc inchangées pour les autres mécanismes d’intéressement, notamment :

  • pour les stock-options :
    • attribuées depuis 2007 : le sursis (et, a priori, le report) s’applique sur le gain de cession seulement (les gains d’acquisition, eux, ne sont pas éligibles) en cas d’apport de titres issus de la levée de l’option ;
    • attribuées avant 2007 : le sursis (et, a priori, le report) s’applique sur le gain de levée d’option (s’il y a) et le gain de cession en cas d’apport de titres issus de la levée de l’option.
  • pour les AGA : a priori, le sursis ainsi que le report d’imposition s’appliquent sur le gain de cession. Le gain d’acquisition, peut, sous certaines conditions, bénéficier d’un report d’imposition spécifique en cas d’apport réalisé pendant la période d’acquisition.
  • pour les BSA : les gains de cession peuvent bénéficier des mécanismes de sursis et report en cas d’apport de titres issus de la levée de l’option. Le gain d’acquisition, s’il y a lieu d’être, est éligible au moment de l’exercice du bon, soit nécessairement avant l’apport.

2.2.2 Conséquences sur la fiscalité des BSPCE

Taux d’imposition à la fin des différés 

Des événements peuvent mettre fin au sursis et au report d’imposition, comme la cession des titres de la holding.

À la fin du différé d’imposition, la plus-value en sursis ou report devient exigible. Afin de déterminer la plus-value exigible, le taux d’imposition utilisé sera de 12,8 % (ou barème progressif sur option). En effet, actuellement, aucune dérogation légale n’existe pour déroger à l’application de la fiscalité du droit commun lors de sursis ou report d’imposition.

Ainsi, les mécanismes de sursis et report d’imposition ont pour effet de « convertir » le taux d’imposition des BSPCE, pouvant alors passer d’un taux d’imposition à 30 % (notamment pour les salariés ou dirigeants exerçant depuis moins de 3 ans à la date de la cession des titres issus de l’exercice de BSPCE) à un taux d’imposition de 12,8 %.

Purge de la plus-value lors de donation

L’article 163 bis G du CGI régissant la fiscalité des BSPCE prévoit une imposition en cas de « cession » sans préciser les conditions de cette opération (seulement les cessions à titre onéreux ? ou également celles réalisées à titre gratuit ?). Ainsi, la donation rendrait exigible l’impôt sur le gain issu du BSPCE. 

Cependant, dans le cadre d’un report ou d’un sursis, la donation des titres de la holding purge la plus-value en report (ou sursis), sous réserve du respect du délai de conservation de 5 ans dans le cadre du report d’imposition. Ainsi, ces mécanismes permettent d’être certains de la fiscalité en cas de donation, contrairement à une donation directe des titres issus de l’exercice de BSPCE. 

3. Pour aller pour loin

3.1 BSPCE : qu’est-ce que c’est ?

3.1.1. Définition

Les BSPCE (Bons de Souscription de Parts de Créateur d’Entreprise) sont des instruments financiers réservés aux jeunes entreprises qui donnent le droit aux salariés et/ou aux dirigeants de la société de souscrire des actions de la société pendant une période précise et à un prix d’acquisition (généralement préférentiel) convenus lors de l’émission du bon. 

L’émission de BSPCE est décidée par les associés, en assemblée générale extraordinaire qui vient fixer les conditions d’obtention et d’exercice des BSPCE tels que :

  • le calendrier d’exercice (de « vesting ») : délai nécessaire afin que les BSPCE soient définitivement acquis et deviennent exerçables par le bénéficiaire ; 
  • la période d’exercice : période pendant laquelle le bénéficiaire peut exercer son droit (souscrire effectivement aux actions de la société) ; 
  • les bénéficiaires ;
  • le prix d’exercice (« strike price ») : le prix d’achat des actions, peu importe leur valorisation au jour de leur souscription ;
  • les conséquences en cas de départ de la société : le règlement peut prévoir la perte immédiate du BSPCE, un délai dans lequel l’ex-salarié peut décider d’exercer son BSPCE, le maintien des conditions initiales d’exercice des bons, etc.

Les BSPCE sont attribués gratuitement aux bénéficiaires et sont incessibles (seuls les titres issus de l’exercice de ces bons sont cessibles). 

3.1.2. Exercer son droit : option ou obligation

Le détenteur du bon est libre d’exercer son droit d’achat ou non à tout moment pendant la période d’exercice. Ainsi, il pourra prendre sa décision en prenant en compte la valeur de la société, du prix d’exercice, sa capacité de trésorerie, etc. 

Exemple

La société x émet des BSPCE en avril 2021. D’après les conditions de l’émission, les bons pourront être exercés par ses détenteurs d’avril 2023 à avril 2024 pour un prix d’exercice de 10 € par bon.
En avril 2023, l’action de la société x vaut 7 € sur les marchés. Avec cette seule donnée, et sans information supplémentaire sur l’évolution potentielle de la société, il ne sera pas judicieux d’exercer son droit.
En janvier 2024, l’action de la société x vaut 15 € sur les marchés. Il peut alors être judicieux, à la lumière de cette information, d’exercer son BSPCE. Ainsi, en cas de revente rapide, et en estimant que la valeur n’a pas bougé entre l’exercice du bon et la revente de l’action, il sera possible de réaliser une plus-value de 5 € par BSPCE exercé.

Si le détenteur décide de ne pas exercer son droit d’achat, son BSPCE devient caduc passé la période d’exercice convenue.

3.1.3. Quelle fiscalité ?

Les BSPCE bénéficient de modalités d’imposition qui leur sont propres :

  • les gains réalisés (la différence entre le prix d’exercice et le prix de cession) sont imposables lors de la cession des titres ;
  • les gains d’acquisition et de cession sont traités de manière uniforme (contrairement aux AGA et stock-options)

Ainsi, la fiscalité applicable sur les gains réalisés est :

3.2 BSPCE, AGA, BSA, stock-option … Quelles différences ?

Bien que les BSPCE, AGA, BSA, et stock-options soient tous des mécanismes d’intéressement au capital social (et donc de motivation des collaborateurs), ils ne doivent pas être confondus. 

3.2.1. BSPCE et stock-option

Les stocks sont des options d’achat qui permettent à leur bénéficiaire de souscrire ou d’acquérir des actions de la société à une valeur et dans un délai définis à l’avance. Ainsi, un BSPCE est une catégorie particulière de stock-option. Aussi, les BSCPE bénéficient de modalités d’imposition plus favorables que des stock-options « classiques ».

3.2.2. BSPCE et BSA (bon de souscription d’action)

Ces deux mécanismes sont des catégories particulières de stock-options. Les BSA donnent le droit à des salariés, aux dirigeants et / ou à des tiers de souscrire des actions de la société pendant une période précise et à un prix d’acquisition (généralement préférentiel) convenus lors de l’émission du bon.
Contrairement aux BSPCE, les BSA :

  • sont émis en faveur du bénéficiaire à un prix préférentiel (les BSPCE sont eux gratuits) ;
  • sont ouverts aux tiers de la société ;
  • ils ne sont pas réservés aux jeunes entreprises ;
  • ils sont cessibles ;
  • la fiscalité est différente.

3.2.3. BSPCE et AGA (attribution d’actions gratuites)

Les AGA consistent à attribuer gratuitement des actions à des salariés ou mandataires sociaux. Cela permet de les impliquer dans la gestion de la société. Contrairement aux BSPCE, les AGA permettent d’attribuer directement des actions aux bénéficiaires (passé la période d’attribution prévue contractuellement) sans que ces derniers aient à les acheter.

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