Etats-Unis : ralentissement probable ces prochains mois ?
L’impact visible des taxes sur les importations de biens aux États-Unis demeure pour l’instant limité, grâce aux stocks considérables accumulés au premier semestre. Mais à mesure que les entrepôts se vident, les entreprises devront choisir entre absorber une partie des coûts, ce qui réduira leurs marges, ou les répercuter sur les consommateurs, ce qui amputerait le pouvoir d’achat de ces derniers. Dans le scénario où les ménages supporteraient intégralement ce qui semble être considéré comme une taxe, leur pouvoir d’achat baisserait, ce qui peserait sur la consommation. C’est ce risque qui nourrit les prévisions d’un ralentissement marqué de l’activité outre-Atlantique pour les mois à venir.
La Fed observe attentivement la situation. Selon elle, la probabilité d’une spirale inflationniste prix-salaires reste limitée : le marché du travail s’est nettement refroidi depuis le printemps, réduisant la capacité des salariés à exiger des hausses de rémunérations importantes. Dès lors, les hausses de prix liées aux droits de douane devraient rester ponctuelles, sauf si une nouvelle vague de taxations était décidée par Donald Trump, ce qui semble peu probable. Dans ce contexte, la banque centrale américaine a commencé l’assouplissement de sa politique monétaire, considérant que le risque principal pour l’économie américaine est désormais un ralentissement de l’activité plutôt qu’une résurgence de l’inflation.
L’évolution de l’économie américaine demeure toutefois contrastée.
L’investissement des entreprises dans les équipements, porté par la révolution de l’intelligence artificielle, est toujours élevé, mais le secteur immobilier résidentiel stagne, pénalisé par des coûts encore trop élevés pour les ménages. Les disparités sociales sont également flagrantes : les foyers les plus aisés, soutenus par la progression des marchés boursiers, affichent un optimisme solide, tandis que les ménages modestes expriment un pessimisme croissant face aux prix du logement et à un marché de l’emploi qui se détériore.
Secteur pharmaceutique : l’Europe relativement protégée
L’annonce par le président américain d’une taxe de 100 % sur les importations de médicaments brevetés à partir du 1er octobre 2025, est spectaculaire mais doit être nuancée. En effet, les entreprises investissant dans des sites de production sur le territoire américain verraient cette taxe limitée à 15%, soit le taux qui avait fait l’objet d’un accord entre Washington et Bruxelles. Or, la plupart des grandes sociétés pharmaceutiques européennes a annoncé des investissements considérables aux États-Unis.
Mais en fin de compte, les initiatives américaines visant à réduire les prix des médicaments pourraient s’avérer plus menaçantes pour le secteur, en affectant durablement sa rentabilité. Rappelons qu’un même produit pharmaceutique est vendu beaucoup plus cher aux États-Unis que dans les autres pays du monde. Certains considèrent, au regard des montants dépensés et de l’espérance de vie, que le système de santé américain est l’un des moins performants au monde. Partant de ce constat, Donald Trump a donné aux laboratoires pharmaceutiques jusqu’à fin septembre pour aligner leurs tarifs américains sur les niveaux les plus bas observés dans les autres pays développés. À défaut, il a menacé d’utiliser « tous les outils disponibles » afin de préserver les ménages de prix jugés abusifs. Des discussions sont en cours au sein du Center for Medicare and Medicaid Services Innovation Center pour tester de nouveaux mécanismes de plafonnement s’inspirant d’expériences passées qui avaient déjà suscité de fortes oppositions judiciaires.
Dans ce contexte très incertain, les multiples de valorisation du secteur de la santé se sont logiquement contractés des deux côtés de l’Atlantique, intégrant beaucoup de mauvaises nouvelles. En Europe, les valeurs pharmaceutiques affichent ainsi une petite décote par rapport à l’ensemble du marché contre une prime habituellement.
France : un répit politique fragile
Il n’y a pas de scoop, l’état de nos finances n’est pas bon. La dette publique progresse plus vite que notre création de richesse, notre situation devrait ainsi continuer à se dégrader lentement. Insoutenable sur le long terme la situation relativement indolore à court terme car le coût de la dette reste relativement bas (2% environ) et ne doit remonter que progressivement. Cette situation peut perdurer ainsi plusieurs années hors chocs exogènes.
La nomination de Sébastien Lecornu, cinquième Premier ministre en moins de deux ans, semble apporter un répit. Ce proche d’Emmanuel Macron rassure momentanément les milieux économiques : la probabilité d’une hausse brutale de la fiscalité sur les entreprises recule et l’hypothèse d’une dissolution immédiate de l’Assemblée s’éloignerait. Pour autant, aucune réforme de fond n’est réellement engagée et la France demeure dans un immobilisme où les décisions les plus difficiles sont continuellement différées.
Le débat sur la fiscalité des patrimoines et des plus hauts revenus refait surface avec insistance. Plusieurs propositions circulent : taxation accrue du capital, contribution exceptionnelle sur l’immobilier haut de gamme ou encore hausse de l’imposition sur les revenus exceptionnels. Ces pistes séduisent une partie de l’opinion publique, qui y voit une solution pour financer les dépenses sociales et réduire les inégalités. Mais elles suscitent aussi des craintes, notamment sur les risques par rapport au niveau des investissements productifs en France qui pénaliseraient la croissance, l’emploi et au final le budget…
Japon : incertitudes politiques et inflexions de la politique monétaire
Au Japon, la scène politique connaît un bouleversement majeur : le Premier ministre Shigeru Ishiba a annoncé sa démission au mois de septembre, à la suite de la défaite électorale du parti au pouvoir (LDP) et à la perte de sa majorité dans les deux chambres du Parlement. Le parti libéral-démocrate tiendra son élection interne le 4 octobre 2025 pour choisir son nouveau président, qui devrait devenir Premier ministre, sauf alliance improbable entre les partis de l’opposition. Parmi les favoris figurent Shinjiro Koizumi, actuel ministre de l’Agriculture, et Sanae Takaichi, qui pourrait devenir la première femme à occuper ce poste.
Sur le plan macroéconomique, le Japon affiche une dynamique modeste mais stable. La Banque du Japon prévoit une croissance réelle du PIB de 0,6 % en 2025, 0,7 % en 2026, puis 1,0 % en 2027. L’inflation sous-jacente devrait se situer autour de 2,7 % en 2025, avant de ralentir vers 2,0 % dans les années suivantes. Après des hausses de prix tirées par l’énergie et l’alimentation, la tendance indique une stabilisation progressive. L’inflation est devenue un enjeu électoral : beaucoup de ménages estiment avoir perdu de leur pouvoir d’achat ces dernières années.
Dans ce contexte, la Banque du Japon envisage la poursuite de la lente normalisation de sa politique monétaire. Certains membres du Conseil plaident pour une prochaine hausse des taux et d’anciens responsables anticipent que le taux directeur pourrait atteindre 1,5 % d’ici la fin du mandat du gouverneur Ueda en 2028.
Marchés
Globalement, les marchés actions ont progressé, portés par l’espoir de baisses de taux aux États‑Unis et par un regain d’intérêt pour les valeurs technologiques dont la dynamique bénéficiaire est toujours excellente. Pour l’instant aux Etats-Unis, le ralentissement de l’activité en fin d’année ne se traduit pas par une baisse des prévisions de résultats des entreprises
américaines. La probabilité de récession a certes progressé avec la faiblesse du marché de l’emploi, mais les indicateurs avancés demeurent divergents et ne permettent pas de trancher. Côté valorisation, les multiples sont très exigeants (les ratios cours sur bénéfices des douze derniers mois pour le S&P500 et pour le Nasdaq sont respectivement de 25,5X et de 33X) et se rapprochent de ceux de 1999.
Un vent d’optimisme a par ailleurs porté les actions chinoises en dépit d’un ralentissement conjoncturel prévu pour la fin de l’année.
L’or a poursuivi sa hausse, impressionnante depuis le début de l’année, qu’il convient toutefois de relativiser en tenant compte du recul du dollar.
Sources principales : Banque de France, CGPConseils, Federal Reserve, FMI, OCDE, BIS, BEA, BCE, BOJ, BOC, Bloomberg, Reuter, Factset, Financial Times, Agence Internationale de l’Energie, OMC, INSEE, Euler Hermès, Coface, MIT, ISTAT.