Résident fiscal français et pensions de retraite étrangères : fin du plafonnement des prélèvements sociaux

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Le régime fiscal et social des pensions de retraite étrangères vient de connaître un tournant majeur avec la publication d’un rescrit de l’administration fiscale le 11 août 2025. Celui-ci confirme que les prélèvements sociaux (CSG, CRDS, CASA) appliqués aux pensions étrangères perçues par les résidents fiscaux français ne sont plus plafonnés. Une décision qui s’appuie sur la jurisprudence récente du Conseil d’État (CE 25 octobre 2024, n°473997) et qui suscite de vives inquiétudes chez les anciens frontaliers et les polypensionnés.


📌 Contexte : un durcissement progressif de la fiscalité sociale

Jusqu’à présent, les résidents fiscaux français percevant à la fois une pension française et une pension étrangère pouvaient bénéficier d’un plafonnement des contributions sociales : le montant total des prélèvements dus en France ne pouvait excéder celui calculé sur la pension française.

Ce mécanisme, issu de l’arrêt Nikula de la CJCE (2006), visait à éviter une charge excessive pour les retraités percevant des pensions de plusieurs pays. Toutefois, cette limite ne figurait pas dans les règlements européens ultérieurs (n° 883/2004 et n° 987/2009), ce qui a ouvert la voie à un revirement jurisprudentiel.

Le Conseil d’État, dans sa décision d’octobre 2024, a ainsi considéré que rien n’imposait à la France de maintenir ce plafonnement. L’administration fiscale vient désormais d’entériner cette position via un rescrit officiel.


👥 Qui est concerné ?

Le dispositif vise ainsi les personnes physiques qui sont :

  • résidentes fiscales françaises,
  • affiliées à un régime obligatoire d’assurance maladie en France.

Il s’applique aussi bien aux pensions françaises qu’étrangères, versées sous forme de rente ou de capital.

Sont donc concernés :

  • Les retraités ayant cotisé en France ainsi qu’à l’étranger (anciens frontaliers, expatriés revenus s’installer en France).
  • Les bénéficiaires de pensions de réversion étrangères.
  • Les polypensionnés (carrière partagée entre plusieurs pays de l’UE, de l’EEE, en Suisse ou au Royaume-Uni).

⚠️ Les résidents fiscaux français percevant uniquement une pension étrangère (sans pension française) affiliée à un régime local de sécurité sociale ne sont pas soumis à ces prélèvements en France, sauf disposition contraire d’une convention bilatérale.


💶 Les prélèvements sociaux en question

Les pensions de retraite étrangères perçues par un résident fiscal français affilié au régime français sont désormais assujetties sans plafonnement :

  • CSG (Contribution sociale généralisée) : 8,3 % (taux normal), avec des taux réduits ou exonérations possibles selon le revenu fiscal de référence.
  • CRDS (Contribution au remboursement de la dette sociale) : 0,5 %.
  • CASA (Contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie) : 0,3 %.

Ces contributions peuvent donc s’appliquer à la totalité des pensions françaises et étrangères, quel qu’en soit le montant.

Exemple concret :
Un retraité perçoit 3 000 € de pension française et 15 000 € de pension suisse.

  • Avant : les prélèvements sociaux étaient plafonnés sur la base de 3 000 €.
  • Désormais : ils sont calculés sur 18 000 €, ce qui représente une charge beaucoup plus lourde.

⚖️ Conséquences pratiques et risques pour les retraités

  1. Fin de l’avantage du plafonnement
    Les polypensionnés sont les plus touchés. L’administration fiscale pourra désormais prélever la CSG, CRDS et CASA sur l’intégralité des pensions, françaises et étrangères.
  2. Capital ou rente : plus aucune distinction
    Le rescrit met fin à une ambiguïté : le régime s’applique indifféremment aux pensions servies en rente ou en capital. Les versements issus du 2ᵉ pilier suisse, notamment, sont concernés.
  3. Convention fiscale internationale
    Les conventions bilatérales peuvent limiter ou neutraliser en partie la double imposition. Certaines prévoient des crédits d’impôt, d’autres excluent explicitement les contributions sociales. Une vérification au cas par cas est indispensable.
  4. Un coût accru pour les anciens frontaliers
    Nombreux sont les retraités ayant travaillé de part et d’autre de la frontière (France/Suisse, France/Luxembourg, etc.). Jusqu’ici, le plafonnement atténuait la charge. Sa suppression renforce la pression fiscale et sociale sur cette catégorie de contribuables.

🛠️ Quelles stratégies pour limiter l’impact ?

  1. Vérifier son statut d’affiliation.
    Les résidents fiscaux français percevant uniquement une pension étrangère (et aucune pension française) ne devraient pas être affiliés d’office au régime français d’assurance maladie. Ce critère peut être décisif pour éviter l’assujettissement.
  2. Anticiper la fiscalité des pensions en capital.
    Les retraits de capital (comme ceux du 2ᵉ pilier suisse) sont désormais pleinement soumis aux prélèvements sociaux. Une planification fiscale et patrimoniale est essentielle pour arbitrer entre rente et capital.
  3. Recourir au droit à l’erreur.
    Pour les contribuables de bonne foi ayant mal déclaré leur situation, une régularisation spontanée permet de limiter les pénalités (intérêts de retard réduits de 50 %).
  4. Étudier les recours.
    La CJUE pourrait être saisie à terme, certains avocats fiscalistes estimant que cette interprétation porte atteinte au principe d’équité entre retraités européens.

📊 Un enjeu financier majeur

Selon les estimations, environ 300 000 retraités français perçoivent une pension étrangère, en particulier des anciens frontaliers. Les montants en jeu se chiffrent en centaines de millions d’euros de contributions sociales supplémentaires pour l’État français.

Cette mesure s’inscrit dans un contexte de durcissement global de la lutte contre l’optimisation et la fraude fiscales. Cela risque cependant d’entraîner une vive contestation parmi les intéressés.


✅ Conclusion

La publication du rescrit fiscal du 11 août 2025 marque un tournant : la fin du plafonnement des prélèvements sociaux sur les pensions étrangères alourdit la facture pour de nombreux retraités. Ceux qui ont travaillé à cheval entre la France et d’autres pays européens sont directement concernés.

Face à ce nouveau cadre, il devient crucial de sécuriser sa situation fiscale et sociale en amont, d’anticiper les conséquences patrimoniales et, le cas échéant, de se faire accompagner par un professionnel du droit fiscal international.

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