L’expert en gouvernance de l’IA d’IBM Phaedra Boinodiris Global Leader for Trustworthy AI? répond à une question cruciale du secteur : « Comment mesurer le succès de nos engagements en matière d’éthique et de gouvernance de l’IA ? » Sa réponse bouleverse les idées reçues en plaçant l’humain au cœur de la mesure du succès. Selon lui, le véritable indicateur de réussite réside dans l’intégration concrète des principes éthiques dans la stratégie, les workflows et la prise de décision, bien au-delà des simples documents théoriques.
Dans son article publié sur IBM Think, l’expert révèle une approche révolutionnaire : mesurer les comportements humains plutôt que les performances techniques. Cette vision transforme radicalement notre compréhension de la gouvernance IA en entreprise.
Les indicateurs comportementaux : nouvelle mesure du succès en gouvernance IA
L’échec fondamental de la gouvernance traditionnelle
L’expert identifie l’échec le plus profond de nombreuses initiatives de gouvernance IA : négliger le comportement humain et l’expérience utilisateur lors de l’interaction avec les systèmes d’intelligence artificielle. Cette négligence constitue un angle mort majeur dans l’évaluation du succès des projets IA.
Le principe psychologique fondamental énoncé est simple mais révélateur : « on obtient beaucoup plus des comportements humains que vous mesurez ». Cette observation soulève des questions essentielles pour les organisations :
- Quels comportements humains mesurons-nous concernant l’utilisation de l’IA ?
- Quels comportements nos clients souhaitent-ils voir davantage ?
Mesurer l’engagement critique des utilisateurs IA
La mesure du succès doit évaluer si les employés s’engagent activement comme consommateurs critiques de l’IA. Cela implique de vérifier leur capacité à :
- Comprendre les risques liés à l’IA (biais, impact disparate)
- Exercer leur discernement face aux recommandations automatisées
- Contribuer activement à l’amélioration des modèles
- Alerter en cas de dysfonctionnements
Étude de cas : transformation culturelle dans un service de police
Le défi de l’inclusion des non-experts techniques
L’expert partage l’expérience transformatrice avec un grand service de police, illustrant parfaitement sa philosophie. Initialement, les membres du comité de gouvernance IA s’interrogeaient sur leur légitimité : « Pourquoi avez-vous besoin de moi au sein de ce comité de gouvernance ? »
Cette question révèle un malentendu fondamental sur la gouvernance IA. L’expert a dû démontrer que l’expertise métier prime sur la compétence technique pour une gouvernance efficace.
L’expertise métier comme atout inestimable
La révélation clé de cette collaboration : « le plus difficile pour réussir dans l’IA n’était pas d’ordre technique ». Les experts métier apportent une compréhension irremplaçable :
- Contexte de collecte des données
- Relations entre les points de données
- Implications pratiques des décisions automatisées
- Risques spécifiques au secteur d’activité
Méthodologie pratique : les exercices de design thinking
Questions stratégiques pour une gouvernance réussie
L’expert utilise des exercices de design thinking issus du guide de conception IA d’IBM, structurés autour de questions fondamentales :
Composition d’équipe et problématique :
- Avons-nous les bonnes personnes parmi nous ?
- Quel est le principal problème que nous tentons de résoudre ?
Données et expertise :
- Disposons-nous des données adéquates et d’une compréhension suffisante ?
- Comment définir les exigences fonctionnelles et non fonctionnelles ?
Confiance et communication :
- Quels principes d’IA tactiques doivent être reflétés pour gagner la confiance publique ?
- Quelles informations communiquer sur l’utilisation prévue et non prévue ?
Environnement propice à la réflexion stratégique
Le succès de ces exercices nécessite un environnement privilégiant :
- L’humilité et l’inclusivité
- La sécurité psychologique
- La diversité des expériences de vie
Le résultat : les équipes acquièrent enfin le langage nécessaire pour communiquer clairement leurs besoins aux concepteurs et acheteurs de solutions IA.
Contradiction entre incitations et évaluations : un piège organisationnel
Le paradoxe de la responsabilité sans mesure
L’expert révèle une contradiction majeure dans les organisations : les employés sont simultanément :
- Encouragés à utiliser l’IA (sous peine de sanctions)
- Rendus responsables de la qualité des résultats
- Évalués uniquement sur la rapidité et la productivité
Cette schizophrénie organisationnelle crée des situations dangereuses où les experts métier, conscients d’erreurs IA, n’osent pas intervenir par crainte de pénalités.
Cas documentés de défaillance du jugement humain
L’expert cite plusieurs cas où des experts métier ont identifié des erreurs IA mais n’ont pas agi, leurs performances étant évaluées sur des critères incompatibles avec l’exercice du discernement critique. Cette situation illustre l’importance cruciale d’aligner les indicateurs de performance avec les objectifs de gouvernance.
Mesurer l’amélioration de l’intelligence humaine par l’IA
Indicateurs d’engagement responsable
Pour évaluer si l’IA améliore réellement l’intelligence humaine, l’expert propose de mesurer :
- L’engagement actif comme consommateur critique d’IA
- La contribution à l’entraînement et à l’amélioration des modèles
- La capacité d’alerte en cas de dysfonctionnement
- La compréhension des risques inhérents à l’IA
Développement d’une culture organisationnelle appropriée
Les comportements de leadership essentiels incluent :
- Conscience des biais et impacts disparates
- Compréhension de la responsabilité individuelle
- Évaluation alignée sur les objectifs de gouvernance
- Formation continue sur les enjeux IA
La confiance comme indicateur ultime de succès
Transparence et démonstration du travail accompli
« Pour savoir si vous avez réussi dans votre projet de gouvernance de l’IA, il est essentiel de savoir si vous avez gagné la confiance des gens. » Cette affirmation résume l’approche de l’expert : la confiance devient l’indicateur ultime de succès.
Les dirigeants efficaces en gouvernance IA sont capables de « montrer leur travail », démontrant concrètement leurs efforts et résultats en matière de gouvernance responsable.
Inclusion universelle dans le débat IA
L’expert insiste sur un point crucial : « vous avez votre place dans cette discussion, même si vous ne le pensez pas ». Nul besoin de diplôme en science des données ou de doctorat en IA. L’expérience vécue différente de chacun constitue une contribution précieuse au débat sur l’IA.
Leadership à l’ère de l’IA : accepter l’ambiguïté
Compétences essentielles des leaders IA
Diriger à l’ère de l’IA exige des compétences spécifiques :
- Confort avec l’ambiguïté et l’incertitude
- Choix éthiques au-delà de la rentabilité immédiate
- Compréhension technique des capacités et limites IA
- Transmission de connaissances à l’ensemble du personnel
Investissements stratégiques nécessaires
Les organisations doivent investir massivement dans :
- Maîtrise de l’IA pour tous les collaborateurs
- Gouvernance IA structurée et formalisée
- Leadership compétent en gouvernance IA
- Systèmes centrés sur les valeurs humaines
Avantage concurrentiel durable par la confiance
L’expert conclut sur une vision optimiste : les dirigeants qui s’engagent aujourd’hui, posent des questions courageuses et mettent en place des systèmes adéquats ne se contentent pas d’éviter les pièges. Ils façonnent activement un avenir IA plus responsable et gagnent une confiance qui devient un avantage concurrentiel durable.
Cette approche révolutionnaire de la mesure du succès en gouvernance IA transforme notre compréhension du sujet. En plaçant l’humain au cœur de l’évaluation et en mesurant les comportements plutôt que les seules performances techniques, elle ouvre la voie à une IA véritablement responsable et bénéfique.
La gouvernance IA ne se résume plus à des documents et des processus : elle devient une transformation culturelle mesurable par l’engagement, la confiance et les comportements humains responsables face à l’intelligence artificielle.
Source : IBM Think – Comment un expert en gouvernance de l’IA mesure-t-il le succès ?