Mis à jour le 5 déc. 2024
Après avoir engagé sa responsabilité sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 par le recours à l’article 49, alinéa 3 de la Constitution, le gouvernement est renversé par une motion de censure votée par l’Assemblée nationale. Quel devenir pour les projets de lois de finances (PLF) et de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025…
Ce qu’il faut retenir
Lundi 2 décembre, Michel Barnier, Premier ministre, a engagé la responsabilité du gouvernement sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 en recourant à l’article 49, alinéa 3 de la Constitution.
Ce recours avait pour but de mettre fin au processus législatif et de faire adopter le texte issu des discussions en Commission Mixte Paritaire (CMP) sans vote de l’Assemblée nationale pour éviter le rejet du texte.
À la suite de ce recours, deux motions de censure ont été déposées le même jour. En obtenant la majorité des voix à l’Assemblée nationale sur l’une d’entre elles, le mercredi 4 décembre, les députés ont renversé le gouvernement. Quelles en sont les conséquences ?
- Le gouvernement démissionne, un nouveau gouvernement doit être nommé.
- Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale n’est pas adopté. La revalorisation des pensions de retraite et la révision des cotisations patronales pour limiter les « trappes bas salaires » sont des mesures désormais caduques.
- Le projet de loi de finances est suspendu. La première partie du texte (dépenses) en lecture au Sénat s’est arrêtée. Les ministres ne pouvant plus participer aux débats, les projets de lois en cours seront, a minima, mis en pause, voire seront annulés. En effet, la présence du gouvernement est obligatoire pour légiférer. A priori, en cas de mise en pause, les débats pourront reprendre à compter de la nomination d’un nouveau gouvernement.
Remarque :
Cette situation est inédite pour un projet de loi de financement de la Sécurité sociale et n’a pas été prévue ni par la Constitution, ni par la loi organique.
En l’absence de textes clairs sur le sujet, différentes possibilités sont envisageables, et devront être tranchées par le Conseil constitutionnel.
1. « Loi spéciale » pour le projet de loi de finances
Le gouvernement démissionnaire ou le prochain gouvernement pourra déposer, selon la procédure accélérée, un projet de « loi spéciale » devant l’Assemblée nationale avant le 19 décembre 2024. Ce projet de loi l’autorisera à percevoir les impôts existants, dans leur version issue de la loi de finances 2024, et ce, jusqu’au vote de la loi de finances 2025. Le projet de loi de finances 2025 sera lui de nouveau discuté, mais selon la procédure accélérée. Les dispositions qui seront issues de la loi de finances 2025 s’appliqueront :
- en matière d’IR, a priori :
- au titre des revenus de l’année 2024, si la loi est votée avant la fin de la période déclarative 2025 ;
- à partir des revenus perçus en 2025, si la loi est votée après la fin de la période déclarative.
- en matière d’IS, les dispositions s’appliqueront aux bénéfices des exercices clos à compter du 31 décembre 2024.
Le gouvernement pourra, jusqu’au vote de la loi de finances 2025, prendre des décrets qui lui permettront de réaliser les dépenses applicables aux seuls services votés en 2024 et à la rémunération des fonctionnaires (entendus comme le minimum de crédits que le Gouvernement juge indispensable pour poursuivre l’exécution des services publics).
Remarque :
Si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée sur le budget dans un délai de 70 jours, les dispositions pourraient être mises en vigueur par le gouvernement au moyen d’ordonnances, et donc sans vote.
Cette possibilité est débattue par les constitutionnalistes et devra être tranchée par le Conseil constitutionnel. En effet, le gouvernement ne peut agir par ordonnances que si l’Assemblée nationale n’a pas pu venir à bout de l’examen une fois le délai expiré. Certains constitutionnalistes considèrent que voter contre revient à se prononcer et qu’une motion de censure est un vote écartant cette possibilité.
2. Dernier recours pour la loi de finances en l’absence d’accord
En dernier recours, le président de la République peut se doter de pouvoirs exceptionnels. Dans cette hypothèse, un budget transitoire serait en vigueur jusqu’à l’adoption d’un budget définitif.
Cet article 16 de la constitution, peut être déclenché en cas de menace grave et immédiate contre les institutions de la République et si le fonctionnement régulier des pouvoirs publics est interrompu. La possibilité de recourir à cet article dans le cadre du projet de loi de finances est également débattue par les constitutionnalistes…
Si le président de la République prend cette mesure, après 30 jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le président de l’Assemblée Nationale, le président du Sénat, 60 députés, ou 60 sénateurs pour vérifier si les conditions sont toujours réunies.
3. Incertitudes pour le budget de la Sécurité sociale
Une incertitude plane concernant le recours à l’emprunt par la Sécurité sociale.
L’autorisation de la Sécurité sociale de s’endetter est prévue, chaque année, dans la loi de financement. Ce détail a de grandes conséquences : en effet, la Sécurité sociale est très largement déficitaire depuis de nombreuses années et doit chaque année emprunter pour assumer ses dépenses (prestations sociales, retraites, etc.).
Dans la pratique :
Les prestations sociales et pensions de retraite continueraient d’être versées dans l’immédiat et les cotisations continueraient d’être collectées au 1ᵉʳ janvier 2025.
En l’absence de budget, à la suite de la censure, la Sécurité sociale ne peut plus s’endetter, et certaines prestations ne pourraient donc être versées. Pour éviter cette déconvenue, et régulariser cette absence d’encadrement juridique, différentes possibilités sont envisagées :
- le gouvernement présente une « loi ad hoc » pour prévoir cette autorisation d’emprunt ;
- le gouvernement prévoit, au sein de la « loi spéciale » déposée pour la loi de finances, une disposition pour autoriser la Sécurité sociale à recourir à l’emprunt ;
- la Sécurité sociale continue d’emprunter sans avoir de base juridique (peu probable).
Sources : Fidroit