L’activité économique mondiale demeure à un niveau élevé, cependant, les indicateurs publiés décrivent un ralentissement avec une poursuite des perturbations sur l’ensemble des chaînes d’approvisionnement. L’évolution de l’emploi demeure favorable et alors que les pouvoirs publics soutiennent l’activité sur le plan budgétaire, les risques de récession demeurent faibles, hors choc exogène. Ainsi, aux États-Unis, le taux de chômage est revenu à 5,3% au mois d’août contre 14,8% en avril 2020 (pic de la crise) et 3,5% en février 2020. Le cycle de croissance est ainsi appelé à se poursuivre l’année prochaine à un rythme relativement soutenu. La situation sanitaire s’améliore à nouveau globalement, à la fois du fait de la progression de la vaccination et de l’immunité naturelle des personnes ayant été contaminées.
Les niveaux d’inflation continuent quant à eux à surprendre à la hausse. La progression des prix a été de 3% au mois d’août dans la zone euro et de 3,4% au mois de septembre. L’inflation sous-jacente atteint 1,9% ce même mois. Un effet de base particulièrement faible l’année dernière associé à la forte hausse du prix de l’énergie sont les premiers facteurs explicatifs de cette accélération qui pèsera sur la consommation. Les partisans d’une inflation transitoire et ceux prévoyant une inflation qui demeurerait un cran plus élevé continuent de débattre. Les premiers arguent d’une poursuite de la globalisation et d’une disparition progressive des pénuries dans l’industrie, tandis que les autres mettent en avant la poursuite de la monétisation de la dette, un plus grand interventionnisme des états et la transition vers une énergie verte. A noter également, au niveau mondial, la forte hausse des prix du logement et la hausse du prix des denrées alimentaires, cette dernière pesant particulièrement sur les pays émergents. Cette hausse immobilière est globale, allant de la Nouvelle Zélande au Canada en passant par la Suède et les Etats-Unis. Elle est sans doute le premier facteur de creusement des inégalités. Il sera cependant délicat d’en corriger les excès sans peser sur l’activité. C’est dans ce contexte que la Fed a indiqué qu’elle allait prochainement entamer une réduction de ses achats mensuels d’actifs obligataires. Elle juge que l’économie a fait des progrès notables vers ses objectifs sur l’emploi et que les conditions pour entamer ce processus seront bientôt atteintes. La Banque d’Angleterre a elle aussi indiqué qu’elle va durcir sa politique monétaire, tandis que la Banque de Norvège vient d’annoncer la première hausse de ses taux directeurs. Le Paraguay, le Pakistan, la Hongrie et le Brésil, souhaitant contrôler leur taux d’inflation, ont agi dans le même sens. Il semble donc que nous soyons au début d’un long processus de normalisation des grandes banques centrales, qui débute avec une grande prudence. Il s’agit pour nos grands argentiers de trouver la voie permettant d’éviter une perte de stabilité financière sans mettre fin prématurément au cycle de croissance. La tâche est d’autant plus délicate que le stock de dette est très élevé.
En Europe, les élections allemandes se sont conclues par une courte victoire du SPD avec 25,7% des voix. Il apparaît que le parti des verts et le parti libéral (FPD), arrivés respectivement en troisième et quatrième positions, seront les faiseurs de rois.
Le gouvernement chinois poursuit son action politique visant à plus de sécurité et de stabilité. Il estime avoir réussi à construire une société « modérément prospère », en éliminant l’extrême pauvreté rurale. Il s’agit maintenant, comme l’exprime très clairement Xi Jinping dans ses discours, de devenir un pays socialiste moderne afin d’aboutir à une « prospérité commune ». Les autorités chinoises ont récemment pris le contrôle des bases de données de sociétés privées, telles que celle d’Ant Group Co. Les données collectées par le secteur privé appartiennent maintenant de fait au gouvernement chinois. Celui-ci continue également à « encourager » les investissements des sociétés privées sur les projets correspondant à ses objectifs et à promouvoir des idéaux culturels chinois parfois opposés aux courants d’idées provenant de la culture occidentale jugée défaillante. Par ailleurs, le ralentissement conjoncturel que l’on constate depuis quelques mois devrait s’accentuer momentanément dans l’industrie, compte-tenu de fermetures d’usine liées à des coupures d’électricité (notamment du fait de la baisse de la production en hydro-électricité faute de pluies et des contraintes sur l’utilisation du charbon, ainsi qu’à des pénuries de composants industriels). La politique de transition énergétique, induite pas les objectifs climatiques du gouvernement, pousse de nombreuses régions à limiter leur production industrielle pour tenir leurs objectifs d’émissions de CO2 , ce qui contribuera probablement à la poursuite des pressions inflationnistes à l’échelle planétaire. Enfin, dans le secteur stratégique de la construction qui connait un ralentissement plus structurel, les autorités ont progressivement exprimé la volonté louable de limiter l’endettement des grands acteurs du secteur. L’accès plus difficile au crédit associé à une mauvaise gestion et un plus faible appétit des ménages chinois pour les projets immobiliers, ont amené certaines sociétés à rencontrer de graves difficultés allant jusqu’à mettre en cause leur survie. A moyen terme, le ralentissement de l’activité dans la construction résidentielle pèsera sur la croissance chinoise dont le potentiel va progressivement baisser.
Marchés
La volatilité sur les bourses mondiales est sensiblement remontée ces dernières semaines. Les indices ont poursuivi leur phase de consolidation tout en demeurant à des niveaux élevés, à l’exception de certains marchés émergents tels que la Chine ou le Brésil, avec quelques tentatives de corrections qui pour l’instant sont demeurées limitées. A noter, la faiblesse des indices chinois, la forte hausse des cours du Brent qui se rapprochent des 80 dollars et l’envolée du prix du gaz naturel en Europe, suite à des craintes d’un approvisionnement insuffisant en cas d’hiver froid. Le taux à 10 ans américain remonte lentement depuis le début du mois d’août pour atteindre 1,50% aujourd’hui, tout en demeurant en-deçà de ses plus hauts de mars dernier (1,74%), entraînant dans son sillage les taux longs européens. Le dollar a quant à lui poursuivi sa hausse sous l’effet de l’anticipation de la normalisation de la politique monétaire de la Fed.
Une myriade d’inquiétudes commence à peser sur le moral des investisseurs : inflation, politiques monétaires, pandémie, capacités de production ainsi que des attentes peut-être trop optimistes sur les prochains résultats trimestriels.
Par ailleurs, il apparait que les taux longs sont encore appelés à monter, ce qui nous amène à préférer des portefeuilles qui ne sont pas trop concentrés sur les valeurs de croissance dont le niveau de valorisation est extrême par rapport aux valeurs cycliques peu aimées des investisseurs (banques, assurances, produits de base, pétrole et gaz, automobile), à moins d’une récession prochaine. Par ailleurs et dans une perspective de moyen terme, la faible performance des marchés émergents par rapport au S&P 500 est notable. Alors que le niveau de valorisation du marché indien est élevé, le cas de la Chine est à la fois intéressant et délicat. Le virage politique de Xi Jing Ping est durable et pèsera sur les marges des entreprises de certains secteurs. Le risque réglementaire nous incite à appliquer une prime de risque plus élevée pour ce pays. Toutefois, la santé du secteur privé est très importante pour le développement du pays et il semble raisonnablement d’espérer que l’évolution de la règlementation n’aille pas beaucoup plus loin.
Sur le front des devises, la hausse récente du dollar pourra être mise à profit pour se couvrir partiellement sur cette devise qui apparaît surévaluée contre l’euro.
La rédaction de cette lettre mensuelle a été achevée le 04 octobre 2021.
Sources principales : Banque de France, Federal Reserve, FMI, OCDE, BIS, BEA, BCE, BOJ, BOC, Bloomberg, Reuter, Facset, Financial Times, Agence Internationale de l’Energie, CGPConseil, OMC, INSEE, Euler Hermès, Coface, MIT, ISTAT.